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Critiques

Fracture du souffle, François Mary (par André Sagne)

Ecrit par Luc-André Sagne , le Mercredi, 10 Mars 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Fracture du souffle, François Mary, ErosOnyx éditions, Coll. Eoliens, janvier 2021, 74 pages, 13,50 €

 

La poésie ne peut être un exercice de style ou un pur jeu de langage. Elle est bien plus que cela. Elle est mise à nu, exposition d’une vie au tranchant des mots. Epreuve de vérité pour le poète par ce qu’elle dévoile et qu’il lui faut affronter. Il n’y a pas d’échappatoire.

François Mary, qui nous a déjà donné un très beau texte sur son père (« Père », dont on a rendu compte ici), nous livre aujourd’hui un nouveau recueil de poèmes, un ensemble très cohérent, fort, sans concession, aux images souvent crues, dans la réalité de sa vie d’homme. Une vie traversée, bouleversée, piétinée même par la rencontre qu’il fait de « garçons farouches, anges de chair » à la beauté sauvage, puissante, terrible, qui croisent sa route et dont le recueil tout entier, dédié notamment à l’un d’eux, son compagnon d’infortune disparu à trente ans, témoigne. Ses « anges d’orage, toujours en colère » qui surgissent « dans la fracture du souffle ». Pour eux il ressent un désir âpre, violent, dont il ne cache ni le caractère trouble ni la noirceur, et qui l’emporte jusqu’aux limites de lui-même.

Borgho Vecchio, Giosuè Calaciura (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 09 Mars 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard), Italie

Borgho Vecchio, janvier 2021, trad. italien, Lise Chapuis, 156 pages, 6,90 € . Ecrivain(s): Giosuè Calaciura Edition: Folio (Gallimard)

 

Le Borgho Vecchio est un monstre qui dévore ses enfants après les avoir torturés infiniment. Le Borgho Vecchio c’est un labyrinthe de ruelles, de venelles, de culs-de-sac, dont on ne sort jamais, un abîme qui aspire et retient.

Le Borgho Vecchio c’est le territoire de la lâcheté, de la veulerie, de la noirceur insondable de l’âme humaine, toujours prête à déchirer l’innocence.

Borgho Vecchio est un grand roman, âpre et désespéré, qui dit Palerme loin de ses cartes postales et de ses touristes.

Le roman déploie quelque chose de la « chronique d’une mort annoncée ». Cristofaro, le martyre désigné, est la proie de cette malédiction fatale. On le sent, on le sait depuis le début du roman. Non seulement on sait qu’il va mourir mais qui va le tuer, comment, où, reproduisant ainsi la situation romanesque de Gabriel Garcia Marquez. Tout le monde sait dans le Quartier, tout le monde attend tous les soirs la mort de Cristofaro sous les coups avinés de son père qui l’a désigné comme exutoire de sa misère infâme.

Nous sommes à la lisière, Caroline Lamarche (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Mardi, 09 Mars 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Nous sommes à la lisière, Caroline Lamarche, janvier 2021, 176 pages, 6,90 € Edition: Folio (Gallimard)


Les frontières sont poreuses qui séparent les êtres humains des animaux, les vies dans le rang des vies hors champ, la joie de la peine, la réalité de l’imaginaire, l’amour de l’anamour. C’est à leurs lisères, dans les marges, qu’ont lieu les neuf nouvelles qui constituent ce recueil, dont la plupart sont racontées par leur protagoniste et ont pour titre le prénom de l’animal qui y apparaît.

Ces narrateurs et personnages sont au bord de quelque chose – un amour, un changement, une révélation, une chute … – et au milieu de leur détresse. Au fil des pages, leurs fragilités se dévoilent, leur vulnérabilité affleure, et nous nous reconnaissons dans leurs vacillements et dans leurs failles, dans leurs vies en sourdine, en pointillés. Ils les racontent sans fard et sans emphase, avec une sobriété, une simplicité et une justesse qui émeuvent et interrogent. Dans le premier de ces récits, une cane nommée Frou-Frou se prend d’affection, si on peut dire, pour le protagoniste – et ses ardeurs sont aussi surprenantes et inexpliquées que son départ soudain.

Batailles libertines, La vie et l’œuvre de Gabriel Naudé, Anna Lisa Schino (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 09 Mars 2021. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Italie, Editions Honoré Champion

Batailles libertines, La vie et l’œuvre de Gabriel Naudé, Anna Lisa Schino, juin 2020, trad. italien, Stéphanie Vermot-Petit-Outhenin, 340 pages, 55 € Edition: Editions Honoré Champion

 

Gravitant hors du champ de la culture générale, Gabriel Naudé (1600-1653) appartient à la constellation des « libertins érudits », selon la belle expression de René Pintard, par laquelle il ne faut pas entendre un libertinage de mœurs (encore que cette dimension ne soit point exclue, mais elle n’est pas primordiale), mais un libertinage d’idées, Naudé s’étant aventuré dans des secteurs obscurs de la pensée, lesquels eussent bien pu, s’il n’y avait pris garde, être éclairés par son propre bûcher (il naquit quinze jours avant le supplice de Giordano Bruno).

Comme le remarque Anna Lisa Schino dans son beau livre, Naudé fut d’abord et avant tout un médecin, qui effectua une partie de ses études en Italie. Le séjour transalpin constitua pour le jeune Parisien une expérience capitale. En Italie, Naudé découvrit non seulement les intrigues et les plaisirs qui faisaient le sel d’un séjour pareil, mais encore et surtout un fort courant de scepticisme à l’égard des religions, courant qui semblait paradoxalement se faire plus vif encore à mesure que l’on s’approchait de Rome et des palais pontificaux.

Le Grand jeu, Graham Swift (par Catherine Dutigny)

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Lundi, 08 Mars 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Gallimard

Le Grand jeu, janvier 2021, trad. anglais, France Camus-Pichon, 192 pages, 18 € . Ecrivain(s): Graham Swift Edition: Gallimard

 

La magie des mots et des souvenirs

« I’ve looked at life from both sides now

From win and lose and still somehow

It’s life’s illusions I recall

I really don’t know life at all »

La ballade Both Sides Now écrite et composée par la chanteuse canadienne Joni Mitchell, qui parle des rapports illusoires que l’on peut entretenir avec la réalité, et dont l’écrivain britannique Graham Swift cite un extrait en épigraphe de son roman Le Grand jeu, illustre parfaitement le propos de cette histoire d’un trio amoureux qui se déroule en Angleterre entre 1959 et 2009.