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Critiques

Nœuds de vie, Julien Gracq (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Mercredi, 31 Mars 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Récits, Editions José Corti

Nœuds de vie, janvier 2021, 164 pages, 18 € . Ecrivain(s): Julien Gracq Edition: Editions José Corti

 

Chemins et rues, Instants, Lire, Ecrire… Titres des quatre chapitres… La marche, promenade avec ou sans but, l’arrêt sur image qui rejoint le changement de perspective, la lecture et l’écriture qui s’en nourrissent et s’en abreuvent, sont quatre des chemins ouverts,  dénoués, renoués dans la pensée de Julien Gracq qui jamais ne se fige, mais s’ouvre sur un ailleurs attendu : « Si les changements à vue souverains de l’enfance devenaient notre sésame dans un monde qui s’ouvrirait une bonne fois sans y mettre pour condition de se fermer – d’une toute autre manière que la tranchée symbolique de la mer Rouge » (p.60).

Les routes rêvent de ne plus aller quelque part, la promenade se dénoue sur les chemins, comme une chevelure. Le basculement et l’aguet qui ne se disent pas, se font entre ce qu’on voit, et ce qui est donné à voir : « Dans le plaisir que j’ai éprouvé (…) lorsque par une porte clandestine, par un passage caché, un lieu attirant et familier débouche soudain pour nous sur un autre, insoupçonné, et plus attirant encore » (p.21), cette impression, cette sensation plus précisément d’un appel imminent, d’une promesse bientôt révélée.

Silhouettes de mort sous la lune blanche, Kââ (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mercredi, 31 Mars 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, La Table Ronde - La Petite Vermillon

Silhouettes de mort sous la lune blanche, Kââ, janvier 2021, 304 pages, 8,90 € Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon

 

Nous sommes dans les années 1980, un hold-up tourne mal, le narrateur et héros du polar, dont on ne citera jamais le nom, décide d’abattre son plus jeune complice qui tire à tout va comme un fou. Puis, il prend la poudre d’escampette avec son camarade Straub, qui se vide de son sang, et 250 millions de francs, laissant derrière lui deux autres de ses acolytes, les frères du gamin, les Vila. Commence alors l’histoire d’une cavale en Renault 5 Alpine lorsque les deux survivants décident de se lancer à la poursuite des fuyards pour venger leur frère et récupérer leur part du butin. En chemin, l’homme sans nom abat un autre de ses complices, Jérémie Detwiller, dont il s’amourache de la femme Corinne, née Hébertine Romano. Erich Straub souffrant le martyr mais toujours en vie, une force de la nature, Corinne amoureuse, le groupe part pour un temps se reposer en Auvergne où « sans nom » possède une maison. La petite troupe active ses réseaux d’information, ouvre les yeux, tend l’oreille, soigne Erich qui retrouve des forces et s’octroie un peu de bon temps.

Lancelot, Walker Percy (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 30 Mars 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, USA, Roman, J'ai lu (Flammarion)

Lancelot, Walker Percy (J’ai Lu) . Ecrivain(s): Walker Percy Edition: J'ai lu (Flammarion)

 

Un O va bouleverser à jamais la vie de Lancelot. Illustration parfaite de la théorie des catastrophes développée par René Thom, ce roman part de l’infime grain de sable qui bloque la machine de vie d’un homme, d’un couple, et entraîne, inéluctablement, son démantèlement complet, jusqu’à l’anéantissement. Un O. La lettre. Puis une équation impossible et, peu à peu, l’arrivée de la tornade qui emportera tout.

Walker Percy est l’un des grands Sudistes. Ami très proche de Shelby Foote, comme lui, il nourrit son univers des paysages et des personnages du Delta. Comme lui, il est obsédé par le temps et ses mensonges. Lancelot va scruter le monde autour de lui, jusqu’à la folie. A cause d’un O. Et Walker Percy déploie un chef-d’œuvre.

« En admettant donc que l’on situe le 15 juillet au sommet d’une courbe de probabilités et que l’on ajoute, puis soustraie deux semaines de l’axe des abscisses, il en résulte, comme j’en fis par la suite la découverte, une courbe quasiment rectiligne si tangente à l’axe que l’interstice ainsi ménagé ne laisse que peu de chance pour respirer, et encore moins pour concevoir ».

Chroniques du Pays des Mères, Élisabeth Vonarburg (par Ivanne Rialland)

Ecrit par Ivanne Rialland , le Mardi, 30 Mars 2021. , dans Critiques, Les Livres, Science-fiction, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Chroniques du Pays des Mères, Élisabeth Vonarburg, janvier 2021, 773 pages, 10,30 € Edition: Folio (Gallimard)

 

La Collection Folio SF propose en ce début d’année une version poche du chef-d’œuvre d’Élisabeth Vonarburg dont les éditions Mnémos publiaient en 2019 pour la première fois en France l’édition de 1999 révisée par l’auteure.

À cette occasion, dans un entretien donné au site canadien Juste un mot (https://justaword.fr/interview-élisabeth-vonarburg-171c4f2aace0), Élisabeth Vonarburg revenait sur l’origine des Chroniques du Pays des Mères, dont la première édition remonte à 1992 : elles seraient une réaction à la dystopie misogyne de Charles Éric Maine, Alph.

Les Chroniques répondraient ainsi à la question : « Qu’est-ce que ça ferait, plus vraisemblablement que dans Alph, et donc sur tous les plans (y compris linguistique) s’il y avait beaucoup plus de femmes que d’hommes, et que ce ne soit pas une dystopie ? ».

Inventions, suivi de Notes sur des pivoines, Philippe Denis (par Jean-Charles Vegliante)

, le Mardi, 30 Mars 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie

Inventions, suivi de Notes sur des pivoines, Philippe Denis, Le Bruit du temps, mars 2021, 88 pages, 11 €

 

Inventions, d’une pivoine à l’autre

Qui a lu Philippe Denis – la poésie ardente et austère de cet auteur, toujours aimable par son humour fraternel – ne sera pas autrement surpris de ses Inventions de formes brèves japonaises, pour l’essentiel approchées à travers les versions anglaises de Reginald H. Blyth, chez Hokuseido Press (1949-1952). La « voie du haïku », poétiquement suivie en constant rapport avec la nature, exigeant le moins d’émotion possible sans être intellectuelle (ni morale, ni esthétisante), n’est pas très éloignée des intérêts de ce poète, tendant à l’épure et à l’élagage, autant dans sa production propre que dans son travail traductif (en particulier, on l’a vu ici même, à partir de l’œuvre d’Emily Dickinson). Cette sorte d’effacement du je relevant plus du pas de côté que de quelque ascèse spirituelle, est visible par exemple dans ce pur objet de sa poétique :