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Critiques

L’ami arménien, Andreï Makine (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 26 Février 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Grasset

L’ami arménien, janvier 2021, 214 pages, 18 € . Ecrivain(s): Andreï Makine Edition: Grasset

 

Dans ce récit, le lecteur qui s’attacherait de trop près au titre sera rapidement surpris, mais ce de façon très positive, car il n’y est pas question que de l’amitié, loin de là. Le narrateur se trouve dans un orphelinat de Sibérie, aux conditions d’éducation et d’hébergement très dures, marquées par l’arbitraire, la cruauté et la violence gratuite des condisciples de l’établissement. A quelle époque se situent ces événements ? Probablement dans les années cinquante-soixante, ces années où le soviétisme fait encore illusion avant son écroulement du début des années 90.

Il y a une amitié entre le narrateur et Vardan, un garçon du même âge, en butte à la violence d’autres adolescents soucieux de profiter de ses faiblesses et d’un état d’infériorité. Vardan éprouve de la compassion à la vision d’une prostituée et c’est l’occasion pour lui de resituer la signification de la souffrance, et sa réelle place : « Or, ce que disait Vardan allait bien au-delà de ce jeu d’antithèse sociales. Le malheur et la déchéance d’un être rendaient inacceptable toute la fourmilière humaine. Oui, tout entière ! ».

Les jours voyous, Philippe Mezescaze (par Patryck Abraham)

Ecrit par Patrick Abraham , le Jeudi, 25 Février 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Mercure de France

Les jours voyous, janvier 2021, 144 pages, 15 € . Ecrivain(s): Philippe Mezescaze Edition: Mercure de France

 

On lit avec plaisir Les jours voyous, le dernier roman de Philippe Mezescaze (né en 1952), auteur singulier à l’œuvre autant discrète (dans sa résonance médiatique) qu’attachante. Le narrateur, âgé d’une vingtaine d’années, sort de prison, vers 1977. Les raisons de son incarcération à Nice ne se dévoileront que peu à peu. Rentré à Paris, il dort à droite ou à gauche, croise Téchiné dont il a vu Barocco, avant de prendre le train, et un photographe en vogue pour qui il posera, rencontre Barthes, qu’il trouble, cherche et séduit, entre le boulevard Saint-Germain et la rue Sainte-Anne, le Palace et le Continental, des garçons qui lui ressemblent ou ne lui ressemblent pas. L’un des charmes de ce récit est de revivifier une époque où paraît régner, à distance, une liberté érotique fabuleuse. La catastrophe du sida ne s’était pas abattue sur le monde, ni le régime des passions tristes n’avait encore triomphé. Tout n’est pas radieux dans l’existence des personnages créés par Mezescaze ; mais tout resplendit, quarante-trois ans plus tard, d’une beauté presque miraculeuse – comme est miraculeux un poème de Sandro Penna.

Camille et Paul Claudel, Lignes de partage, Marie-Victoire Nantet (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Jeudi, 25 Février 2021. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Gallimard

Camille et Paul Claudel, Lignes de partage, Marie-Victoire Nantet, décembre 2020, 240 pages, 19 € Edition: Gallimard

 

Toucher au génie c’est toucher au mystère et c’est bien ce que révèle le livre de Marie-Victoire Nantet qui, d’emblée, unifie la sœur et le frère Claudel à travers le portrait de Paul sculpté par Camille, alors la toute jeune sculptrice de 16 ans.

Les interrogations a posteriori d’un art construit à un moment précis semblent en jeu à vouloir cerner au mieux la relation sœur-frère : « Aussi s’est-on demandé lequel des visages s’offre au regard, celui d’un enfant encore, ou celui d’un adulte déjà ? / …/ Le Jeune Romain transcende toutes les réponses, sa jeunesse est sans âge et sans défaut ».

L’approche est fouillée et on apprend ainsi beaucoup de l’évolution de Paul Claudel et de ses premiers contacts avec la littérature, les Belges Maurice Maeterlinck et Albert Mockel enthousiasmant son génie symboliste par leurs paroles. Le frère et la sœur fréquentent alors les mêmes milieux, le rôle des critiques, tel à l’époque Mirbeau, se faisant essentiel pour révéler les deux génies de concert, mais avec les a priori de l’époque :

Des ailes dans la nuit, Jane Yolen, John Schoenherr (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Jeudi, 25 Février 2021. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Jeunesse

Des ailes dans la nuit, Jane Yolen, John Schoenherr, éditions D’Eux, janvier 2021, trad. Christiane Duchesne, 32 pages, 13 €

 

Ode au Grand-duc

John Schoenherr, auteur de ce superbe album, Des ailes dans la nuit, est né en 1935 à New York, et décédé en 2010. Il a reçu la médaille Caldecott en 1988 et a été intronisé comme illustrateur en 2015 dans la Science Fiction and Fantasy Hall of Fame du Museum of Pop Culture.

Jane Yolen, née en 1939, également à New York, surnommée Andersen des États-Unis, a publié plus de 200 romans, et rédigé le texte de cette réédition de la maison canadienne D’Eux. Le thème nocturne est central dans cet ouvrage jeunesse d’une grande teneur esthétique, picturale et littéraire. Les première et deuxième de couverture annoncent une aventure crépusculaire, hivernale, comme l’indiquent les branches dépouillées de leurs feuilles.

Ce livre-jeunesse est très maniable, élégant, conçu au format de 20 x 27,5 centimètres.

Les Cabanes du narrateur, Œuvres choisies, Peter Handke (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 24 Février 2021. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Langue allemande, Roman, Nouvelles, Gallimard

Les Cabanes du narrateur, Œuvres choisies, Peter Handke, Quarto/Gallimard, novembre 2020, 1152 pages, 26 € (1) Edition: Gallimard

 

« En marchant par l’écriture, en écrivant par la marche, Peter Handke a cherché ce paradis en cherchant ces mots, l’un par les autres, et il lui est arrivé de les trouver. Ces livres sont les étapes d’un exploit » (Le chemin se fait en marchant, Philippe Lançon).

« Je marchais, vivifié par le vent debout ; le bleu de la montagne, le brun des forêts et le rouge carmin des corniches de sable, c’étaient mes pistes de couleur » (La Leçon de la Sainte-Victoire).

« Pendant que le ciel se faisait couleur de soufre, une friche verdissait dessous et les sentes à travers les champs de décombres devenait vert mousse. Alors que tout était depuis longtemps plongé dans le crépuscule, un buisson d’églantier traçait un arc lumineux » (Essai sur le juke-box).