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Les Chroniques

A propos de Penser le XXe Siècle de Tony Judt, par Didier Smal

Ecrit par Didier Smal , le Samedi, 22 Octobre 2016. , dans Les Chroniques, La Une CED

Penser le XXe Siècle, Tony Judt (avec la collaboration de Timothy Snyder), Héloïse d’Ormesson, juin 2016, trad. anglais Pierre-Emmanuel Dauzat, 528 pages, 24 €

 

Cher Léon-Marc,

Nous sommes bien d’accord sur une règle rédactionnelle de base, que j’applique d’ailleurs depuis mes premières critiques musicales, il y a plus de vingt ans : une critique ne s’écrit pas à la première personne. Quand bien même elle présente une opinion personnelle, celle-ci doit tendre à une forme d’objectivité par l’emploi des pronoms personnels et s’appuyer sur des éléments concrets puisés dans l’œuvre critiquée. Dans le même ordre d’idée, j’interdis d’ailleurs à mes élèves d’écrire l’infâme « l’auteur nous dit que » : primo, l’auteur ne s’adresse pas à « nous » spécifiquement ; secundo, il ne dit rien, à la limite, il écrit. Bref. Ces prolégomènes sont destinés à attirer votre bienveillance, Léon-Marc, parce que je vais faillir à cette règle dans les largeurs, et que, vous qui avez personnellement connu Tony Judt (1948-2010), ainsi que vous me l’avez fait savoir dans un échange de mails récent, comprendrez bien que lire un livre tel que Penser le XXe Siècle, ce n’est pas juste être confronté à des idées ; c’est, si on a un quelconque fond de sensibilité, voir ses certitudes, son mode même de pensée vaciller ; c’est une expérience personnelle, en somme, et je ne peux pas feindre la neutralité et l’objectivité dans l’évocation de ce livre particulier.

A propos de "Mue" (nouvelles) de Dominique Cornet, Par Michel Host

Ecrit par Michel Host , le Mercredi, 19 Octobre 2016. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

Mue (nouvelles), Dominique Cornet, Éditions Rhubarbe, août 2016, préface Roger Wallet, couverture Aline Cordier, 144 pages, 13 €

 

« Il y a bien longtemps de tout cela. Je suis

en mon hiver et devrais vous en vouloir de nous avoir

impréparés à la vraie vie… Maman »

Enfance, nouvelle de Dominique Cornet

D’emblée, toute lecture d’un recueil de nouvelles, toute réflexion à son sujet, suscite chez moi cette plainte : Quel dommage ! Le genre est tombé en désaffection ! Tant de gens qui ne liront pas ces courts textes inouïs, rapides, remplis de trouvailles, d’éclairs, de visions… N’est-ce pas on ne peut plus contemporain la rapidité ? L’éclat, la vivacité… cela parle à tous. Les romans seraient-ils devenus des sortes de maisons de repos pour esprits retraités ? C’est à n’y rien comprendre, et je n’y comprends rien. Puis je me fâche : tant pis pour eux, et tant pis pour moi qui n’ai su les convaincre.

Emmanuel Kant au pied d’un feu rouge algérien, par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Mardi, 11 Octobre 2016. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

Il fait nuit. Vous êtes au volant de votre voiture dans un quartier à peine achevé, dans la périphérie de votre ville. Là où le baril fait pousser le LSP par exemple, et où le ciment arrache les derniers amandiers connus. La route est neuve et il n’y a personne qui vous regarde, sauf un feu rouge. Car le feu est rouge et vous êtes au croisement, et il n’y a personne qui vous surveille. Que feriez-vous ? A Copenhague, vous n’oseriez pas le « griller ». On ne sait jamais : les Occidentaux ont des caméras et la peur du colon est encore vive. Mais là, vous êtes en Algérie. La situation résume la base basique de tout ce qui va décider de ce que nous sommes. Le socle de la morale citoyenne qui n’a pas besoin de policier derrière chaque Algérien ou de la menace de l’enfer derrière chaque acte. Généralement, dans ce cas-là, on a deux nationalités : celle du conducteur qui s’arrête, aussi absurde que cela l’est, qui respecte l’interdit par respect pour la loi, même s’il n’y a aucun policier en vue. La seconde nationalité est celle de l’autre conducteur derrière vous qui se met à klaxonner, qui vous pousse à « griller » le feu parce qu’il fait nuit et qu’il n’y a personne et qui, à la fin, vous dépasse en vous jetant un regard haineux au spectacle de votre imbécillité qui se prend pour la bonne éducation.

Carnets d’un fou - XLIII Août 2016, par Michel Host

Ecrit par Michel Host , le Mercredi, 05 Octobre 2016. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

« S’il n’y avait pas les pauvres, quel plaisir auraient les riches à être riches ?

S’il n’y avait pas les riches, quel plaisir auraient les pauvres à se plaindre d’être pauvres ? »

Nombre de philosophes anciens et modernes,

Le sens commun, et

Maxime du Touret de Loisne, dit Le Béthunois

#. Une idée pratique. Maxime Le Béthunois propose que l’on accorde à chaque petit Français, au jour de sa naissance, le diplôme du baccalauréat qui lui servira d’acte de baptême républicain. Il n’aura plus ce souci en tête et cela ne changera rien à l’état des choses actuelles : il pourra faire l’école buissonnière en toute tranquillité d’esprit, regarder la télévision, piéger des Pokémon et jouer à tuer des inconnus, des ennemis virtuels sur sa console, manger des sucreries et gagner son obésité, il ne saura ni lire, ni écrire, ni compter, il s’inscrira à Pôle Emploi. Le ministère de l’Éducation avant de disparaître, avec celui des finances, verront ainsi diminuer la dette de la nation : plus de professeurs à rémunérer, d’examens à organiser. Plus d’inégalité enfin, du moins en ce domaine de l’ignorance partagée. La nouvelle devise de la Nation sera ce qu’elle est déjà : « Liberté, Égalité, Nullité ».

Une étude noétique - à propos de Pascal et Rouault, de Bernard Grasset

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 03 Octobre 2016. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

Pascal et Rouault, de Bernard Grasset, éd. Ovadia, mai 2016, 20 €

 

Avant d’en venir au propos que m’a inspiré le dernier livre de Bernard Grasset, je préciserai que ma connaissance de Pascal est sujette à beaucoup d’imperfections et de lacunes, car je n’ai pu lire l’ensemble des fragments des Pensées que de façon discontinue, ce qui fait que le principe profond de ce livre m’a parfois échappé. Pour ce qui concerne Georges Rouault, j’ai un meilleur point de vue car sa peinture fait partie de mon répertoire d’images. Il n’en va pas de même de sa poésie, dont j’ignorais l’existence. Je dis cela de manière à décrire mon chemin de lecture, même fautif.

Cependant, cette lecture de Bernard Grasset a été un moment important dans ma vie de lecteur, car j’ai reconnu dans les œuvres respectives du philosophe et du peintre une valeur transcendantale. En effet, pour le lecteur de la Bible, et particulièrement de la traduction dirigée par Lemaistre de Sacy, le contenu métaphysique des œuvres est très visible. Cela ouvre sur des questions d’une grande importance pour les créateurs. Et déceler ici ou là dans la peinture religieuse de Rouault, ou dans la pensée scientifique de Pascal, les traces de l’influence biblique, est de toute première importance.