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Les Chroniques

Dialogue depuis l’ailleurs - à propos de De la poussière sur vos cils de Julien Bosc

Ecrit par Didier Ayres , le Vendredi, 08 Avril 2016. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

 

De la poussière sur vos cils de Julien Bosc, éd. La tête à l’envers, 2015, 13,50 €

 

Le livre que publie Julien Bosc aux éditions La tête à l’envers, est à la fois lumineux et plein de mystère, quand cette lumière vient justement de la qualité du mystère. En effet, les deux parties de ce poème grandement dialogué, sont dédiées à plusieurs personnes. Sont-ce là les enfants et l’épouse du poète ? On ne sait pas, mais on devine un drame violent qui inspire le poète, qui agit dans une sorte de dédoublement – voix de lui-même et voix de l’Autre – en une schize créatrice et capiteuse.

Peut-être endormie :

A propos de "Le cosaque de la rue Garibaldi" de Claude Gutman

Ecrit par Mélanie Talcott , le Vendredi, 08 Avril 2016. , dans Les Chroniques, La Une CED

Le cosaque de la rue Garibaldi, Claude Gutman, Gallimard, février 2016, 224 pages, 16,50 €

 

Un livre simple qui raconte avec tendresse et ironie une histoire comme on en a tous dans nos familles. Ce qui en fait la particularité est sa judéité qu’elle refuse ou cache délibérément par peur qu’elle ne la stigmatise et ne la désigne pour de nouveaux crématoires. Au sein de cette famille, un seul résiste à ce déni collectif orchestré avec l’approbation de tous, un grand-père pouilleux qui s’obstine à ne parler que le yiddish et que son entêtement a rendu imperméable aux autres. Ancien boucher, peut-être a-t-il également été un cosaque, on ne le saura pas, il est l’idiot utile, celui qui fait bouillir la marmite, et le pestiféré de la famille, coupable d’être ce qu’il est comme ce qu’il n’est pas. Ses enfants le méprisent ou l’ignorent, sa femme l’honnit, préfère ses bonnes œuvres, et des années durant a pour amant le président de l’Amicale Israélite. Le quotidien de la famille brinquebale autour d’évènements que nous connaissons tous, mariages, divorces, ruptures, mensonges, problèmes matériels et anecdotes tristes ou drôles. Lorsque meurt enfin le vieil homme, tous n’ont qu’une hâte, celle de se débarrasser au plus vite de tout ce qui serait susceptible de l’évoquer, comme s’il n’avait jamais existé.

Journal d’un dernier francophone imaginaire, par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Mardi, 05 Avril 2016. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

« Je voulais te parler, cher Astérix, de ta langue et t’expliquer qu’elle a une histoire clandestine que tu ne connais pas, et des enfants nègres, mais je ne peux pas le faire sans parler de moi et de ce que j’ai découvert lorsque tu es parti avant ma naissance, en me laissant une poignée de lettres dans la bouche et un tas de livres et de cimetières. On parle souvent de ta langue chez nous, mais les gens qui la parlent sont de plus en plus rares. Comme les vignobles qui s’agrippent après le départ des Français. Ils meurent, se dispersent, s’en vont. Un de mes amis me dit un jour qu’ils ont sur le visage le générique de fin de film. Le problème et le drame c’est que, comme moi, ils n’y ont même pas joué. On les reconnaît facilement à la façon qu’ont leurs lèvres de rester serrées sur les mots : on dirait des nageurs las, qui gardent leur bouche juste à la ligne de flottaison, au-dessus d’eaux étrangères. Ou à leur manière de promener leurs bulles individuelles comme les autres promènent leurs turbans cachés. On sent le francophone chez nous de très loin et, cette odeur, mon Dieu, que de fois j’ai essayé de la cacher ! Les mots, Cher De Gaulle, ont une odeur je te le jure. Parfois des parfums, mais rarement. Chez nous, on sent le francophone. C’est tout.

Le traumatisme identitaire, par Amin Zaoui

Ecrit par Amin Zaoui , le Jeudi, 31 Mars 2016. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

Oui, nombreux sont les lieux sur notre terre bénie, l’Algérie, qui ont égaré leur mémoire en perdant leurs noms. Nos villes berbères, nos villages, nos fontaines, nos montagnes se trouvent ensevelis dans d’autres noms. Ce qui est demandé, aujourd’hui, et en urgence, avec la constitutionnalisation de la langue amazighe, c’est de redonner aux lieux, aux villages, aux montagnes, aux chemins, aux étoiles, aux enfants, leurs vrais noms berbères.

Sans son vrai nom, la montagne devient folle !  Sans son vrai nom, la montagne géante devient naine ! Quand on veut jeter un peuple sur le chemin de l’égarement, de l’aliénation, on commence par lui ôter les noms de ses lieux. Le nom n’est pas uniquement une appellation, il est une partie de l’âme, de l’être. Falsifier les noms des lieux facilite et aide à la falsification et au trucage de l’Histoire. Falsifier les noms des lieux, c'est-à-dire la géographie physique, c’est ouvrir une porte pour falsifier la géographie humaine.  Violer les noms des lieux est une violence contre l’imaginaire. C’est une guerre contre “les racines”.

Sur l’infiltré de la Havane de Nikos Maurice

Ecrit par Mélanie Talcott , le Mardi, 29 Mars 2016. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

« Les livres ne sont pas faits pour être crus, mais pour être soumis à l’examen. Devant un livre, nous ne devons pas nous demander ce qu’il dit mais ce qu’il veut dire », écrivait Umberto Eco. Pour certains, rares il est vrai, qui résonnent en nous, nous font grandir et voyager dans ce que l’homme a de plus universel, la tâche est facile et magnifique. Mais pour la majorité d’entre eux, qu’est-ce que ce livre m’a apporté est la seule question qui demeure, une fois la dernière page tournée. Le rôle de lecteur se cantonne alors à celui de spectateur. C’est le cas, du moins pour moi, de L’infiltré de la Havane, de Nikos Maurice.

Même si l’auteur semble s’être bien documenté sur les derniers mois de Batista et la montée en puissance de Castro, exposant les dissensions existant entre les différents courants politiques opposés au dictateur, l’ingérence américaine dans le business, le renseignement, avec en filigrane l’avortement et la déstabilisation de la révolution castriste, nous baladant dans l’ambiance futile et insouciante des touristes et de la haute et moyenne bourgeoisie cubaine, de maisons feutrées en d’hôtels de luxe et en casinos, où se croisent prostituées et mafieux (représenté ici par Meyer Lansky), où se négocient tous les trafics, le blanchiment d’argent et les trahisons en tous genres, l’exercice reste très intellectuel.