Identification

Les Chroniques

Café L’Avenir, par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Mardi, 15 Novembre 2016. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

Vendredi. La ville grandit mais comme un corps échoué sur une plage. L’architecture-baril : cubes sur cubes. On reloge un peuple sans toit. On ne peuple pas une terre. Bâtir, est donner du sens à la pierre éparse. Il n’y a pas de centre dans les nouvelles villes algériennes. Elles sont périphériques, en marge, en banlieue. Le centre est colonial. Car le colon a fondé, nous avons étendu. Il a peuplé, nous avons relogé. Il a imposé sa pierre et son angle. Nous sommes épuisés. Les villes algériennes du baril ne sont pas une conquête, mais des abris. Reflux, pas empire. Rétraction, pas occupation. On a libéré ce pays pour le fuir, s’y enterrer, pas le déterrer. Toute l’architecture s’en ressent : le régime loge et reloge. Il n’est pas un sens, mais une politique. Son but est le chiffre final, le bilan, la statistique, pas la façade, la colonne ou l’architecture et la voûte parfaite. Il est dans la hâte, pas dans l’éternité. L’architecture algérienne est du plan, pas du sens. A l’architecte algérien, il manque une vision du monde, le sens, une façon de se saisir de l’univers en cherchant, dans le tâtonnement, son encolure. Les architectes naissent après les prophètes, toujours. Et pas après les indépendances. Il leur manque, chez nous, une langue puissante. Un poids de soi. On ne peut pas construire un centre pour la ville si on n’est pas convaincu que l’on fonde le centre du monde, encore une fois.

Dictionnaire de la controverse, Cincinnatus, numéro 2, par Michel Host

Ecrit par Michel Host , le Mardi, 08 Novembre 2016. , dans Les Chroniques, Bonnes feuilles, Chroniques régulières, La Une CED

Dictionnaire de la controverse, Cincinnatus I à P (Editions de Londres)

 

Parution du Vol. 3 du Dictionnaire de la Controverse : de « i » à « p », par Cincinnatus

 

Dictionnaire de la controverse

Abécédaire de la bêtise

7 extraits du Dictionnaire de Cincinnatus (vol. 3) :

 

I) Islam

nom commun ; exemple : l’Islam est la deuxième religion de France.

La France est déchirée entre deux fantasmes portés par deux groupes farouchement opposés.

Le premier groupe considère que la religion est une activité humaine anachronique.

Métaphysique de la poésie - Le Fils de la Montagne froide, de Han Shan, par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Vendredi, 04 Novembre 2016. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

à propos de Le Fils de la Montagne froide, de Han Shan, éd. Orphée-La Différence, septembre 2016, trad. Daniel Giraud, Calligraphie de Yu Wang, 128 pages, 8 €

 

Pourquoi lit-on de la poésie ? Sans doute pour y trouver les principes de nos existences prosaïques, et permettre de répondre aux questions essentielles, ainsi que de mesurer en quoi notre angoisse est productive. D’ailleurs cette croyance dans le pouvoir de la poésie répare le lecteur, et est une sorte de passion presque matérielle qui nous rend capables d’accepter le monde. Il en va exactement ainsi avec ce livre que publient les éditions Orphée-La Différence, poésie chinoise sans doute du VIIème siècle, ici présentée sous forme bilingue avec un travail calligraphique régulier, ordonné et rigoureux. On y trouve une expression de la beauté – justement une des raisons pratiques qui réparent notre condition d’homme. Et beau ici au sens strict de Kant, qui prône une beauté perçue universellement sans concept. Le beau permet d’augmenter notre puissance intérieure, et fait le fond métaphysique de cette poésie de la Montagne froide, laquelle revient aux plus simples questions, et pourtant énigmatiques et tant de fois évoquées, comme : où allons-nous, ou qui sommes-nous ?

Arts et traditions de Sumba, Véronique Paccou-Martellière, Thomas H. Hinterseer

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Jeudi, 03 Novembre 2016. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

Interrogé en 1965 sur les découvertes des hommes qu’il faudrait léguer à nos successeurs, Lévi-Strauss dit ceci : « Je mettrai dans votre coffre des documents relatifs aux dernières sociétés primitives en voie de disparition, des exemplaires d’espèces végétal et animal proches d’être anéanties par l’homme, des échantillons d’air et d’eau non encore pollués par des déchets industriels, des notices et illustrations sur des sites bientôt saccagés par des installations civiles ou militaires. (…) Mieux vaut donc laisser quelques témoignages que, par notre malfaisance et celle de nos continuateurs, ils n’auront plus le droit de connaître : la pureté des éléments, la diversité des êtres, la grâce de la nature, et la décence des hommes ».

L’ouvrage de Véronique Paccou-Martellière et Thomas H. Hinterseer sur les « Arts et traditions de Sumba » (éditions Le Livre d’Art) évoque un regard, un monde spirituel et matériel, sur une culture qui fut très longtemps ignorée. Entre croyances, traditions et coutumes des Sumbanais, les auteurs, à travers des centaines d’objets sacrés et utilitaires, collectés durant ces vingt dernières années, nous présentent les témoins de cette complexité́ culturelle. Témoignages multiples d’une des 922 îles habitées de l’Indonésie et qui conserve encore de nos jours une partie de ces mystères.

Souffles - Une autre censure appelée « lecteur-guetteur » !, par Amin Zaoui

Ecrit par Amin Zaoui , le Mardi, 01 Novembre 2016. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

L’écriture est un acte de transgression perpétuelle. Pourquoi est-ce que ce lecteur me fait peur ? Dans une société, comme la nôtre, où l’éducation artistique n’a aucune place, où les portes de l’école comme celles de l’université par la suite sont fermées aux poètes, aux musiciens, aux dramaturges, en tant qu’écrivain défenseur de la diversité et de la liberté, le lecteur me fait peur.

Pourquoi est-ce que ce lecteur me fait peur ?

Dans une société où les cafés littéraires sont rares ou leur existence n’est que saisonnière ou informelle, où le nombre des librairies se compte sur les doigts d’une seule main, le lecteur est un censeur. Il est périlleux.

Pourquoi est-ce que ce lecteur me fait peur ?

Dans une société où la mosquée conserve tous les pouvoirs, la mosquée politisée, la mosquée dirigée par des prêcheurs fanatiques, où les bons croyants sont pris en otages, poussés malgré eux à se métamorphoser petit à petit en populace, dans ce cas de figure que peut faire un créateur, un littéraire, mine d’imagination et de rêve ?