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Les Chroniques

A propos de La main de Tristan d'Olivier Steiner, Par Hans Limon

Ecrit par Hans Limon , le Vendredi, 23 Juin 2017. , dans Les Chroniques, La Une CED

La main de Tristan, Olivier Steiner, Éditions des Busclats, 2016, 168 pages, 14 €

 

La beauté du geste

L’un de mes frères s’appelait Olivier. Il est mort, il y a tout juste quatre ans. Son corps jadis épileptique repose à l’ombre, décomposé, au creux de l’urne sourde où viennent aujourd’hui se mêler cendres et larmes, jeunesse et douleurs chaudes, galères et orgies, planques, démerdes, sales coups, aubaines, cette urne remplie de souvenirs kaléistroboscopiques, de lambeaux de chair élimée, de morceaux de corps encore brûlants de présence que les sombres vivants raccommodent au chevet des lumineux disparus. Je n’ai pas connu mon frère. J’ai lu Olivier Steiner. J’ai suivi le tracé de sa tristanesque main sur le canevas d’une passion démesurée. Par une succession d’abîmes déroulés depuis l’église jusqu’au cimetière, depuis l’amant jusqu’au Père-Lachaise, depuis le compagnon littéraire jusqu’à l’idole crépusculaire, figure wagnérienne par excellence, Olivier, car c’est ainsi qu’il s’est baptisé, à la si ténue lisière de la pudeur qui dévoile sans démembrer, Olivier, par le stratagème si naturel de l’autofiction d’apprentissage, Olivier, jeune écrivain en plein essor, décrypteur des liens Facebook d’où partent, on ne sait où, peut-être au milieu des champs de coton solitaires, les sentiers courbes des destinées fatales.

A propos de Sang tabou, Essai intime, social et culturel sur les règles, Camille Emmanuelle, par Michel Host

Ecrit par Michel Host , le Mercredi, 21 Juin 2017. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

Un long chemin

Le sujet des règles féminines, hors sans doute les traités médicaux et la presse dite « féminine », n’est guère abordé dans l’édition courante, dans la littérature, les essais… sinon aux États-Unis semble-t-il. Depuis quelque temps, il l’est dans la presse quotidienne et hebdomadaire, notamment dans le quotidien Le Monde. Un tabou, effectivement, est en train de tomber. Tabou si évident qu’il est presque inutile de le souligner : le « secret » était jusqu’ici plutôt bien gardé dans les familles, auprès des enfants et souvent même des fillettes et des jeunes filles elles-mêmes, engendrant chez certaines la peur et la honte. Ne parlons pas des jeunes garçons ! Camille Emmanuelle voit ici un très regrettable retard culturel, une arriération, une perpétuation de l’ignorance et donc le terrain préparé pour les à-peu-près, les fables sur la mayonnaise qui tourne et le vin qui se changera en vinaigre… mais aussi pour la moquerie, la plaisanterie humiliante, la dénomination injurieuse, dénigrante, infériorisante, et, somme toute pour des propos relevant de la haine à peine masquée, de la pensée à son plus bas niveau, voire de la non-pensée.

A propos de Ta résonance, ma retenue, Serge Ritman, par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 19 Juin 2017. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

Èros et Politikos

A propos de Ta résonance, ma retenue, Serge Ritman, Tarabuste éditions, avril 2017, 324 pages, 22 €

 

La lecture de Ta résonance, ma retenue de Serge Ritman est exigeante et parfois âpre, aussi solitaire que l’exercice de la pensée qui se dévoile au fur et à mesure de ce que l’on pourrait peut-être considérer comme une anthologie. D’ailleurs, il n’est pas improbable que la suite des recueils que compte le livre soit chronologique et nous mène à l’amble de la vie du poète. Je dis cela car il y a une évolution assez visible de pages en pages qui nous font partager la matière, celle du corps disons, érotique, jusqu’à celle du corps, disons, politique et en butte au monde contemporain. Donc pas du tout une poésie de « tour d’ivoire ». C’est ainsi que j’ai balancé d’un chapitre à l’autre pendant plusieurs heures afin de suivre au mieux la pensée du poète, et que j’ai pu en noter le glissement progressif.

Photographie en filigrane : à propos de l’ouvrage La galerie des beautés de Leonardo Marcos, par Yasmina Mahdi

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 09 Juin 2017. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

La galerie des beautés de Leonardo Marcos, éd. de La Différence, 2017, 30 €

 

Le livre La galerie des beautés est en lui-même ce qu’on appelle un beau livre, avec une couverture argentée tel un miroir produisant de légères anamorphoses. A l’intérieur, les phrases et citations sont traitées à l’aide d’une typographie élégante et recherchée. Il y a beaucoup de blanc, de vide. La composition de l’écriture forme des figures géométriques sur chaque page, un peu à la manière de calligrammes, mais sobres et courts. On peut aussi apparenter ces textes brefs à ceux utilisés dans l’art contemporain, par exemple chez Sophie Calle ou les Guerrilla Girls, puisqu’il s’agit du sujet « femmes ». Ici, l’écrit est déstructuré, ce qui perturbe la lecture immédiate. Donc, l’écrit de La galerie des beautés participe davantage du slogan que du texte littéraire à proprement dire.

Le trou de serrure de « la porte du Djihad », par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Jeudi, 08 Juin 2017. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

C’est le grand fantasme des foules arabes sans issues depuis dix jours : que l’on ouvre les fameuses « portes du Djihad » pour que tous on aille en Palestine libérer les Palestiniens et tuer tous les Israéliens cachés derrière les pierres et les arbres.

Et aux yeux de ces foules conditionnées au millénarisme, il n’y a pas d’autres solutions et tout le reste n’est que traîtrise et bavardages. Cela console de faire alors le procès de nos régimes, accuser les frontières d’être des artifices en barbelés et avoir la bonne conscience du héros empêché de se battre parce qu’on lui a volé ses chaussures. Que ferons-nous si on débarque, aujourd’hui, par millions à Gaza ? Rien de plus que de mourir en vrac, peut-être, et de rendre la mort à celui qui nous la donne. Le fantasme de la « porte du Djihad » absout trop facilement nos mains encore vides et nous fait commodément oublier qu’on ne mène pas bataille avec les chaussures qui ont servi à frapper George Bush et qu’on ne va pas à la guerre avec le sabre de sa langue.