La beauté du geste
L’un de mes frères s’appelait Olivier. Il est mort, il y a tout juste quatre ans. Son corps jadis épileptique repose à l’ombre, décomposé, au creux de l’urne sourde où viennent aujourd’hui se mêler cendres et larmes, jeunesse et douleurs chaudes, galères et orgies, planques, démerdes, sales coups, aubaines, cette urne remplie de souvenirs kaléistroboscopiques, de lambeaux de chair élimée, de morceaux de corps encore brûlants de présence que les sombres vivants raccommodent au chevet des lumineux disparus. Je n’ai pas connu mon frère. J’ai lu Olivier Steiner. J’ai suivi le tracé de sa tristanesque main sur le canevas d’une passion démesurée. Par une succession d’abîmes déroulés depuis l’église jusqu’au cimetière, depuis l’amant jusqu’au Père-Lachaise, depuis le compagnon littéraire jusqu’à l’idole crépusculaire, figure wagnérienne par excellence, Olivier, car c’est ainsi qu’il s’est baptisé, à la si ténue lisière de la pudeur qui dévoile sans démembrer, Olivier, par le stratagème si naturel de l’autofiction d’apprentissage, Olivier, jeune écrivain en plein essor, décrypteur des liens Facebook d’où partent, on ne sait où, peut-être au milieu des champs de coton solitaires, les sentiers courbes des destinées fatales.