Identification

Les Chroniques

A propos de La Panthère et autres contes, Sergio Pitol, par Yasmina Mahdi

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 10 Mars 2017. , dans Les Chroniques, La Une CED

La Panthère et autres contes, Sergio Pitol, La Baconnière, février 2017, 220 pages, 20 € (25 CHF)

Le règne de la cruauté

 

Il pleut et comme un chacal tragique,

la nuit se cache dans les montagnes.

Que va-t-il surgir, dans l’ombre,

de la Terre ?

Dormirez-vous, tandis que dehors

tombe et souffre, cette eau inerte,

cette eau létale,

sœur de la Mort ?

Gabriela Mistral, D’amour et de désolation, Orphée/La Différence

L’angoisse du mouton d’Ibrahim, par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Jeudi, 09 Mars 2017. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

La mort d’un ami vous transforme en flaques neurasthéniques pendant des jours et des semaines. Tu sais, c’est presque pareil à chaque fois que je perds quelqu’un : je n’arrive pas à pardonner la mort à la mort. A côté de la vie, elle a cet air d’une honteuse insulte. Une petite traîtrise de marche manquante sur l’escalier de l’ascension. Elle n’a rien de la clôture d’un destin et tout d’un acte de pickpocket sournois. Ce que je déteste d’abord dans la mort, c’est qu’elle laisse cette chose derrière elle pour nous insulter tous : le cadavre. Qui n’est ni le corps de celui qu’on a perdu, ni la vie, ni la preuve de son trépas, ni son meilleur souvenir, ni la preuve de sa finitude. Tout juste un pourrissement. Et là, à chaque fois, je me dis que c’est vraiment une insulte : il n’y a rien de commun entre le feu instable et superbement inexplicable de la conscience de chacun et ce tas mou du cadavre, occasion des processions inutiles. Je me dis qu’il y a arnaque et que les hommes sont chacun si miraculeux qu’ils ne doivent pas mourir comme ça, en vrac, mollement, dans l’immobilité et la décomposition des liquides en débandade. Je me dis aussi que la mort devrait être plus noble dans son esthétique, qu’elle doit choisir ses poisons et ses épilogues.

Piques et polémiques, René Pommier, par Michel Host

Ecrit par Michel Host , le Mercredi, 08 Mars 2017. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

Piques et polémiques, René Pommier, éd. Kimé, coll. Détours littéraires, janvier 2017, 157 pages, 19 €

 

De bois vert

 

« Ceux chez qui je ne trouve que des idées fausses, se persuadent aisément que j’ai des idées fixes », René Pommier

 

On le sait, René Pommier lit les textes et tente de les lire vraiment, tout comme le peintre Courbet, sur le motif, peignait ce qu’il voyait et non ce qu’il croyait ou voulait voir. C’est sa méthode, qui a donné de beaux résultats, des visites éclairantes, notamment chez Sigmund Freud, René Girard, Roland Barthes, et quelques-uns de nos plus grands classiques, tels Molière, Racine, Bossuet… Sa bibliographie est longue, elle n’est pas autrement connue ni reconnue, car marcher contre l’opinion, les préjugés dominants, c’est mettre en péril sa propre démarche : on la vouera aux gémonies ou on l’ignorera. Le silence est certainement la plus ancienne méthode critique – par la non-critique – en littérature, en science et dans bien d’autres domaines.

À propos de Petits riens pour jours absolus, de Guy Goffette, par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 06 Mars 2017. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

Une poétique des choses banales

à propos de Petits riens pour jours absolus, de Guy Goffette, Gallimard, juin 2016, 120 pages, 14 €

 

Pour un primo-lecteur de la poésie de Guy Goffette, ce dernier recueil qu’il publie chez Gallimard laisse entendre une intelligence de la chose poétique, mais sans l’ethos compliqué parfois que l’on rencontre dans la poésie contemporaine. C’est alors un voyage complice que l’on fait avec le poète, parmi ces petits riens qui font la banalité des jours. Mais le banal ne suffit pas à justifier l’existence du poème, et il faut regarder ailleurs – notamment ici vers des poètes comme Paul de Roux ou Guillaume Apollinaire – dont Guy Goffette revisite la poétique par exemple, dans un langage simple, abordable, sobre et presque enfantin.

En toute innocence diabolique !, par Amin Zaoui

Ecrit par Amin Zaoui , le Vendredi, 03 Mars 2017. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

Petit, j’adorais grignoter les fèves grillées salées tout en écoutant les contes coraniques. Mon père avait un gros livre cher à lui, écrit dans un arabe littéraire intitulé Qissas El-Qoraâne (les contes coraniques).

À l’accoutumée, ces histoires nous étaient lues à voix haute pendant les jours froids et surtout durant le mois de ramadhan. Mon père avait une voix mielleuse et captivante. Ses contes mystérieux tantôt me faisaient peur, tantôt me rendaient curieux.

Le bélier d’Ismaël, La chamelle de Sâlih, La baleine qui a avalé Jonas, « Moïse qui demande de l’eau pour désaltérer son peuple, c’est alors qu’Une voix l’ordonna : Frappe le rocher avec ton bâton. Et tout d’un coup, douze sources en jaillirent », Noé et le déluge, Loth et la ville de Sodome, Joseph au fond d’un puits… Des histoires sur des Hommes qui ont le pouvoir magique de changer le monde autour d’eux et en eux. Des hommes qui parlent à leur Dieu. Que des hommes, prophètes ou apôtres. Il n’y avait point de femmes prophétesses ! Mais, par une séance nocturne de conte ramadhanesque, une femme a pu accéder dans la cour des histoires des hommes-prophètes : elle s’appelle Maryame. J’étais bouleversé. Mes sœurs étaient contentes et comblées.