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Les Chroniques

A propos de Requiem de guerre, de Franck Venaille, par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 30 Mai 2017. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

Requiem de guerre, de Franck Venaille, Mercure de France, mai 2017, 11 €

 

Il s’agit ici de langages sans nom, sans acoustique, de langages faits de matière ; il faut ici penser à la communauté matérielle des choses dans leur communication.

Walter Benjamin

 

J’ai abordé ce recueil de Franck Venaille en toute simplicité, même si je connaissais le nom de l’auteur à travers des témoignages d’amis, pas tous poètes d’ailleurs, dont certains qualifiaient l’auteur de ce Requiem « d’officier de la mort ». Et c’est le cas ici, car on devine sans peine au titre du recueil qu’un office des morts est une position littéraire. Et même si l’on côtoie les sanies humides de la maladie (de l’auteur sans doute), ou si l’on croise l’écho d’une chambre d’hôpital (que traverse le poète), on ne cesse de se questionner sur la qualité, dans le sens de spécificité, de ce qu’est mourir.

Carnets d’un fou, L Mars 2017, par Michel Host

Ecrit par Michel Host , le Vendredi, 19 Mai 2017. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

« Cette scène me hante. L’homme agonise. Le prêtre s’approche : – Souhaitez-vous, monsieur, partir avec les consolations de la religion ? La voix mourante : – Me croyez-vous, monsieur de La Calembredaine, assez faible pour n’oser affronter le néant ? »

Michel Le Maniak, Écrivain polonais

 

#. Deux pages consacrées à Mme Christine Angot dans l’un des tout derniers Monde. Elle n’est toujours rien, sinon sur la scène médiatique. On la veut quelque chose, c’est inouï eu égard à sa médiocrité. Elle parle toujours et encore d’elle-même. Avec elle, « un amour est forcément impossible ». Y compris, bien entendu, celui qui aurait échoué avec sa mère. Extraordinaire, non ! Elle serait l’« auteure » d’une dizaine de pièces… Qui l’avait remarqué ?

Le 1er/III

Un concert d’enfers Vies et poésies, Arthur Rimbaud, Paul Verlaine

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Jeudi, 18 Mai 2017. , dans Les Chroniques, La Une CED

Un concert d’enfers Vies et poésies, Arthur Rimbaud, Paul Verlaine, Gallimard, coll. Quarto, édition de Solenn Dupas, Yann Frémy, Henri Scepi, mars 2017, 1856 pages, 29,50 €

 

Rimbaud : le vagabond magnifique, voleur de feu, passant aux semelles de vent tutoyant avec déférence les étoiles, prince de l’enjambement et des images parvenant à donner une nouvelle mesure au vers, à lui insuffler la pulsation d’un cœur d’enfant. Un cœur d’enfant ? Un cœur sans âge de vieillard. Un cœur que l’on aurait réconcilié avec les grands lacs que tout un chacun porte en soi depuis l’aube de son tremblement, depuis le premier âge de sa vie. Un cœur que l’on aurait réconcilié avec les vents chahutés par les étoiles, chahutés par leur bouleversante immobilité. Un cœur que l’on aurait réconcilié avec les fougères et leur rudesse tremblante de douceur : celle que les pierres mettent dans leur vie, et leur miroitement au fond d’un ruisseau entouré de montagnes.

L’on sait la postérité de Rimbaud. Contaminant chaque pan de la création, depuis lui. De ma bibliothèque, un ouvrage ouvert, presque au hasard, et qui n’a rien à voir avec la poésie ; un ouvrage qui a à voir avec le voir : Le Dernier voyage de Soutine de Ralph Dutli (Le Bruit du temps, 2016) :

Le Cosmos portatif de trois kamikazes algériens, par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Mardi, 16 Mai 2017. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

 

« Ils portaient des ceintures d’explosifs prêtes à l’utilisation ». C’est le titre d’un journal sur trois terroristes abattus hier. Où ça ? Chez nous. On relit l’information de gauche à droite, puis de droite à gauche, puis on se range sur la chaussée et on s’interroge : quelle est la forme exacte du cerveau d’un Algérien qui veut s’exploser ici pendant qu’on explose des Palestiniens en Palestine ? C’est quoi sont but dans la vie par sa mort ? Est-ce qu’il regarde la télévision ? Lit-il les journaux ? Va-t-il au café pour échanger ses explications du cosmos avec ses connaissances ? Personne ne sait : pendant que les pays arabes promènent leurs Arabes de rue en rue, d’autres poursuivent mécaniquement leurs cahiers des charges d’attentats sans mise à jour idéologique. C’est la preuve que l’actualité internationale ne tue pas l’actualité nationale, mais seulement les Palestiniens.

Proust, par Matthieu Gosztola

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Samedi, 13 Mai 2017. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

« [J]e me couchais au long d’elle, je prenais sa taille d’un de mes bras, je posais mes lèvres sur sa joue et sur son cœur ; puis, sur toutes les parties de son corps, posais ma seule main restée libre et qui était soulevée aussi, comme les perles, par la respiration d’Albertine ; moi-même, j’étais déplacé légèrement par son mouvement régulier : je m’étais embarqué sur le sommeil d’Albertine. Parfois, il me faisait goûter un plaisir moins pur. Je n’avais pour cela besoin de nul mouvement, je faisais pendre ma jambe contre la sienne, comme une rame qu’on laisse traîner et à laquelle on imprime de temps à autre une oscillation légère, pareille au battement intermittent de l’aile qu’ont les oiseaux qui dorment en l’air. Je choisissais pour la regarder cette face de son visage qu’on ne voyait jamais, et qui était si belle » (La Prisonnière).

Proust s’attache à décrire l’humain. L’humain non comme proche, non comme frère, non comme sœur, non comme amie ou amante, mais comme monde, singulier, ayant le visage – peu amène ou amène, composé ou audacieux dans son relâchement – de l’altérité. Oui, l’humain est cette faible musique aux nuances inapprivoisées, pulsation – rendant le son d’une conque marine – née d’un cœur lui-même né des contrées ombreuses, chahutées, du voyage.