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Les Chroniques

Mouloud Feraoun le féministe, par Amin Zaoui

Ecrit par Amin Zaoui , le Mercredi, 26 Avril 2017. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

Il était le père. Il était l’écrivain. L’instit, il l’était. Et il fut le fou amoureux de son épouse. Un amour rural et inédit ! Il s’appelle Mouloud Feraoun. Fouroulou, si vous voulez !

Il fut le père d’Ali et de Fazia… tel père tel fils, tel père telle fille ! En 1938, Mouloud Feraoun (1913-1962) s’est marié. Sa femme, la maman d’Ali et de Fazia n’est que Lalla Dehbia, une simple jeune femme kabyle. À l’image de la majorité des Algériennes de cette époque, la jeune femme était analphabète. Elle avait à peine seize ans, le jour du mariage, à l’image des jeunes filles mariées précocement. Lui, Mouloud Feraoun, le jeune homme, était instituteur du village Tizi Hibel. Être instituteur cela signifie qu’il appartenait à la classe d’élites, au rang des savants. Instituteur : cravate, élégance, cartable, tableau noir, craie blanche et rigueur. Mais Mouloud Feraoun l’instit était aussi hanté par la littérature universelle. Habité aussi par la culture berbère, celle de ses ancêtres, celle de Si Mohand Ou Mhand et les autres. Et parce qu’il était rêveur, la tête dans la poésie et les pieds dans la boue de la société kabyle colonisée et humiliée, Mouloud Feraoun cherchait une sortie de cette misère et cette sortie ne peut être possible que par le savoir d’un côté et par la révolution des opprimés afin de décrocher leur liberté, de l’autre côté.

Carnets d’un fou - XLIX, par Michel Host

Ecrit par Michel Host , le Mercredi, 19 Avril 2017. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

« Quand on parle à quelqu’un d’argent, son visage change, et qu’y lit-on ? L’inquiétude. Je l’ai remarqué cent fois. On dirait qu’on touche aux sources mêmes de la vie » (Julien Green, Journal, 10 nov. 1967)

 

#. Menus amuse-gueules ou l’apéritif. Ce février 17 démarre en coup de vent.

§. Le chant du rossignol. La loi anticonstitutionnelle portée par Mme Rossignol, s’opposant à ma liberté de penser et de parler sur une seule question, mais essentielle – principe de vie ou principe de mort ? –, et consistant à ne m’autoriser que la seule approbation de la mort, vient d’être votée par l’immense majorité de nos députés, gauche, centre et droite réunis. On peut, avec eux, être assuré de la lâcheté la plus abjecte, au nom de leur réélection sous le masque du progressisme et de la défense des droits des femmes. Le « texte » est maintenant devant le Sénat, où la même hypocrite démagogie produira les mêmes effets. Il sera entériné, puis adopté par les deux chambres. Pots de chambre ! Chante Rossignol, chante !…

Proche lointain, Martine Rouhart

Ecrit par Gilles Brancati , le Mardi, 18 Avril 2017. , dans Les Chroniques, La Une CED

Proche lointain, Martine Rouhart, éditions Dricot, janvier 2017, 152 pages, 14 €

 

Bien qu’il y ait des reproches à faire à ce livre, je dois avouer qu’on se fait prendre malgré les défauts. Je m’explique.

De quoi s’agit-il ? D’une histoire d’amitié, entre deux hommes, qui s’effrite jusqu’à disparaître ou presque. Mais l’auteure a la finesse de nous le dire tout de suite sans rien révéler. Pour savoir le pourquoi des choses, il faut aller au bout. Alors on y va, et on découvre, outre les évènements – parfois un peu attendus comme la liaison de l’ami avec l’épouse du narrateur avant leur rencontre –, des personnages auxquels on finit par s’attacher. Ils se découvrent au fur et à mesure, ne se livrent pas d’emblée, c’est plaisant pour la lecture.

Dès les premières pages, je n’ai pas été captivé, je trouvais que ça débutait mal et j’ai failli abandonner. Je me serais privé d’un bon sujet. Par correction, j’ai continué ma lecture et je suis entré dans les relations simples entre les personnages. On peut regretter d’ailleurs qu’elles ne soient pas parfois un peu plus fouillées, on aurait aimé en savoir un peu plus sur leur intimité. J’ai dit parfois, ce n’est donc pas un reproche majeur, seulement une constatation.

L’Arabe poussé à être kamikaze ou à n'être rien, par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Vendredi, 14 Avril 2017. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

Finalement le choix de la « rue arabe », ce long boulevard des pas perdus, est terrible : retour hystérique aux « Allah Ouakbar » rageurs ou silencieuse analyse des impuissances en cascade depuis la Nebka et jusqu’à la pendaison de Saddam. C’est-à-dire soit la barbe, soit la télécommande. Et ce fragile équilibre policier que les régimes arabes ont cru un moment avoir réussi en verrouillant les expressions et en assimilant les islamistes soft, ce fragile équilibre vient de « casser » pour imposer ce que l’on redoute le plus dans la planète d’Allah : le retour du politique malgré les polices et les bureaucraties. Pour cette fois-ci, les assassins d’Israël ont réussi à saper ce que ces mêmes régimes ont mis des années à construire : le statu quo entre eux et les islamistes, en évacuant les démocrates et tous ceux qui en appellent à la démocratie. Encore une fois, c’est la radicalisation qui nous reste pour exprimer les colères, et les courants forts islamistes doivent aujourd’hui jubiler, qu’ont réussi à leur offrir les opinions arabes sur un plateau, là où on le leur a refusé par les urnes et les partis traditionnels.

L’amie prodigieuse, Elena Ferrante, par Sana Guessous

Ecrit par Sana Guessous , le Jeudi, 13 Avril 2017. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

 

Deux gamines en haillons. Un quartier patibulaire de Naples. Des gens affreux, sales et méchants, qui se menacent en dialecte rocailleux. L’horizon plus gris que la tôle ondulant au-dessus des têtes. La violence qui explose à chaque pas de travers et ravage les gueules éperdues.

Dans ce champ de mines gambadent Lina et Lenu. L’une est intrépide, l’autre timorée. Lina est un astre, un monstre, Lenu est l’ombre qui la suit partout.

Je les regarde pousser dans les pavés d’Elena Ferrante. Herbes folles dressées à la face d’un monde lugubre, herbes folles éreintées par la vie. Elles se dressent, s’écroulent et se redressent. Sorcières échevelées, cornues, puissantes, sorcières crépitantes qui se rient du brasier.