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Les Chroniques

La Méditerranée : entre mer Rouge et mer Morte, par Kamel Daoud

Ecrit par Kamel Daoud , le Mardi, 28 Juin 2016. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

L’actualité est terriblement mythologique : « comment traverser la mer ? ». Si on le fait seul, cela s’appelle un clandestin, un immigré, un noyé, un pêcheur, un pécheur. Si on le fait avec un peuple, cela s’appelle l’exode ou le récit biblique. Cela fonde une religion, un peuple. Si on le fait en groupe, cela s’appelle un flux, un boat people, une fuite. La mer, mais pas toute la mer : il faut qu’elle soit rouge ou blanche. La Méditerranée : berceau et tombeau. Siège des Dieux ou des midis parfaits. Lieu de l’homme ou du surhomme. Souvenir d’une conférence à Avignon, sur la Méditerranée à repeupler ; étrange sensation à écouter les autres parler d’un souvenir (la Méditerranée des Grecs), alors que je pensais à un présent (la mer des réfugiés ou des migrants) : on ne vit pas la mer de la même façon, vue par un touriste ou par un homme du Sud. Pour l’un, elle est ouverture, infinie, exotisme, prémisse, première marche, entame et prologue, plaisir, possibilité d’île ou suspension du temps. Pour l’autre, elle est mur, obstacle, elle est en dents, compte à rebours et non pas temps suspendu.

Vivre avec un inconnu, Miettes philosophiques sur les chats, Florence Burgat (par Michel Host)

Ecrit par Michel Host , le Vendredi, 24 Juin 2016. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

Vivre avec un inconnu, Miettes philosophiques sur les chats, Florence Burgat, Rivages Poche, Petite bibliothèque n°866, mai 2016, 87 pages, 5,10 €

 

« […] il fallait que mes yeux fussent pour elle [la chatte Moumoutte chinoise] des yeux, c’est-à-dire des miroirs où sa petite âme cherchait anxieusement à saisir un reflet de la mienne… En vérité, ils sont effroyablement près de nous, quand on y songe, les animaux susceptibles de concevoir de telles choses… »

Pierre Loti, Le Livre de la pitié et de la mort (cité par Florence Burgat)

 

Le lecteur se pose cette question par exemple : que reste-t-il de la « petite âme » de la chatte Moumoutte ? Et la suivante : « Et de ma grande… belle… atroce ou lucide âme, que reste-t-il ? » Au moins ce témoignage de nos existences qui se croisèrent. Voilà le fond de l’affaire : nos destinées, nos personnes se croisent (que le veuillent ou non ceux pour qui il n’est aucune personne dans un animal.) Nos vies aussi : elles filent et disparaissent. Moumoutte laisse un souvenir éphémère, nous en laissons un aussi, et, rarement, une œuvre digne de ce nom…

3 livres de Wajdi Mouawad, éditions Léméac / Actes-Sud Papiers 

Ecrit par Zoe Tisset , le Jeudi, 23 Juin 2016. , dans Les Chroniques, La Une CED

 

Une chienne, mars 2016, 43 pages, 11,50 €

Inflammation du verbe vivre, avril 2016, 59 pages, 12 €

Les Larmes d’Œdipe, avril 2016, 41 pages, 11,50 €

 

Wajdi Mouawad revisite le personnage de Phèdre, ce n’était pas vraiment un projet prémédité. Cette œuvre est née au détour et au fil d’une amitié avec le metteur en scène Krzysztof Warlikowski : « il y a un lien invisible entre son instinct et l’endroit d’où j’écris », remarque Mouawad. Il s’agissait au commencement des textes de quatre auteurs qui ont écrit autour de Phèdre : Euripide, Sénèque, Sarah Kane et J.M. Coetzee. Warlikowski désirait que Mouawad revoit la traduction à partir du grec et du latin. Leurs échanges ont eu lieu par SMS pendant un an. Au final, Euripide et Sénèque seront abandonnés et Mouawad fera de Phèdre une levantine, une chienne.

Orphée du fleuve, Luc Vidal (5) - L’Osalide ou « les Printemps extasiés »

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 21 Juin 2016. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

Orphée du fleuve, Luc Vidal, éditions du Petit Véhicule, 1999, trad. géorgien Anne Bouatchidzé, 197 pages, 18 €

 

5. L’Osalide ou « les Printemps extasiés »

L’Osalide désigne dans la chaîne du livre et le circuit éditorial, le dernier Bon à tirer, avant la fabrication d’un livre.

L’Osalide ici – dans le deuxième temps de l’Orphée du Fleuve, après Le Fleuve et l’Île et avant Au bord du Monde figure le Départ.

L’Osalide s’écrira donc sur le seuil, avec les attributs dont on pare les divinités de la lumière (« Les sentinelles » aux « yeux constellés » de l’amour, préservées dans « la mémoire des braises», sœurslumineuses), avec « les accessoires du temps dans les marges aventureuses de / l’amour », déesses des passages et des transitions (Les Printemps extasiés, Le chemin des hirondelles) à l’heure des migrations amoureuses.

Carnets d’un fou, XXXIX - Avril 2016, par Michel Host

Ecrit par Michel Host , le Samedi, 18 Juin 2016. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

« Le Dieu nommé est un masque de nous-même. À travers l’admiration que nous lui portons, c’est nous-même que nous adorons. Fascinés par notre propre grandeur, notre bonté, notre sagesse, nous ne sommes jamais qu’un Narcisse pourrissant ».

Frédérick Tristan, L’anagramme du vide

 

#. Il pleut. Il pleut. Il pleut. La moelle de mes os moisit. Mon cerveau peut-être aussi. Je ne vaux pas grand-chose – Croyez bien que je ne joue pas les faux modestes ! ̶ , bientôt je ne vaudrai plus rien. C’est bien la preuve qu’Il a une dent contre moi. Qu’Il n’existe pas. S’il existait, pourquoi serait-il méchant à ce point ?

#. Pourquoi aussi cet intérêt constant pour Dieu ? Réponse : Il faut bien en vouloir à quelqu’un. Autant que ce ne soit pas à un humain qui, c’est probable, souffre tout comme moi ?

Le 2/IV/16