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Titres (Christian Bourgois)

Rêves de trains, Denis Johnson (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 19 Novembre 2025. , dans Titres (Christian Bourgois), Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman

Rêves de trains, Denis Johnson (Train Dreams 2003), traduit de l’américain par Brice Matthieussent, Christian Bourgois Titres, 138 p. 7,50 € Edition: Titres (Christian Bourgois)

Au-dessus du vide, des gouffres vertigineux, des canyons brutaux, des hommes ont lancé des ponts, des monstres de métal pour réduire les distances dans les territoires montagneux, dans les brisures des Rocheuses, des Appalaches, comme un défi insensé à la Nature jusqu’alors toute puissante. Des hommes ont bravé le danger, ont risqué et ont laissé leur vie dans les gouffres obscurs pour accomplir cette tâche de titans au nom de ce que l’on a appelé le progrès – et qui l’était sûrement pour l’économie américaine des années 20. Moment essentiel de la composition de la symphonie des trains qui tissèrent leur toile à travers l’immense territoire, monts et vallées, déserts et villes, canyons et plateaux.

Grainier fut l’un de ces bâtisseurs et son histoire, ici racontée, est scandée par le bruit des trains, leurs vibrations, leurs sifflements, leurs grondements. Une vie simple, d’homme simple, écrite dans un style au dénuement total. Les accents bibliques ne sont pas loin, avec des passages d’une poésie céleste qui frise le fantastique. L’histoire de Grainier coule dans ses veines à jamais et, longtemps après l’âge héroïque des premiers ponts, il a gardé au fond du cœur et de la mémoire les moments d’alors.

Une mort dans la famille, James Agee (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 21 Avril 2021. , dans Titres (Christian Bourgois), Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman

Une mort dans la famille (A Death in the Family, 1957) James Agee, traduit de l’américain par Jean Queval, 443 p. 8,10 €

James Agee, assurément l’un des grands de la littérature sudiste, constitue un cas à part : on le connaît au moins autant par ses reportages – il était journaliste avant de devenir scénariste et écrivain – magnifiquement accompagnés des photographies de paysans de condition précaire de Walker Evans (qui serviront, entre autres, de couvertures aux éditions Folio pour l’œuvre de William Faulkner) que par son œuvre littéraire.

Et pourtant. Un trésor encore, enfoui dans la terre du Sud, mine inépuisable de chefs-d’œuvre littéraires. Un récital stylistique, alternant, à la manière du Faulkner de Moustiques, les dialogues du quotidien et les flux de conscience imparables, sublimes. Un petit garçon regarde la vie, apprend à aimer, à perdre, à pleurer.

La lecture de Une mort dans la famille est une plongée dans la précarité de l’âme et du cœur. L’enfant Rufus – le prénom vient signer le caractère autobiographique du roman, James Agee s’appelait James Rufus Agee – voit, du fond de son cœur d’enfant, un monde doux, aimant, heureux, se briser en une annonce tragique et apprend ainsi la nature même de l’humaine condition, sa fragilité, la fatalité qui l’accompagne comme une ombre. En plongeant son doigt dans le cendrier abandonné de son père sur le bras d’un fauteuil, Rufus découvre « le goût des ténèbres » nous dit Agee.

Le Magasin de jouets magique, Angela Carter (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mercredi, 02 Septembre 2020. , dans Titres (Christian Bourgois), Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman

Le Magasin de jouets magique, Angela Carter, trad. Isabelle Delord-Philippe, 304 pages, 8 € Edition: Titres (Christian Bourgois)

 

Le titre est enfantin, le roman ne l’est pas.

Du moins, il tente, à travers les yeux de Mélanie, de préserver un lien attendri et merveilleux avec cette période de la vie censée être une des plus douces. Mais le lien est rapidement brisé, et c’est en usant d’une ironie qu’on pourrait qualifier d’enchanteresse, d’images et de couleurs qu’on trouve habituellement dans des contes de fées, qu’Angela Carter nous plonge au sein de désillusions irrémédiables – et ceci ne manque pas de donner à l’œuvre une dimension particulièrement émouvante.

Mélanie, la protagoniste, a quinze ans et, cet été-là, elle découvre avec trouble l’éveil très fort de sa sensualité. Elle vit dans une atmosphère familiale qui respire l’aisance, la propreté délicate et les parfums de salle de bains. Jonathan, son frère, Victoria, sa très jeune sœur, et elle-même vivent avec Mrs Rundle pendant que leurs parents sont partis en voyage.

L'ombre d'une chance, William Burroughs

Ecrit par Yann Suty , le Mercredi, 14 Novembre 2012. , dans Titres (Christian Bourgois), Les Livres, Recensions, La Une Livres, USA, Récits

L’ombre d’une chance (Ghost of chance 1991), traduit de l’anglais (USA) par Sylvie Durastanti, novembre 2012, 92 p. 7 € . Ecrivain(s): William Burroughs Edition: Titres (Christian Bourgois)

 

Dans ce court texte publié en 1991 aux Etats-Unis, William Burroughs reprend le fil des aventures du capitaine Mission, un capitaine d’aventures du XVIIIe siècle qu’il avait fait figurer dans le Havre des Saints et qui avait, depuis lors, fait des apparitions plus ou moins fugitives dans ses œuvres romanesques.

Le capitaine Mission dirige la Liberatatie, une colonie pirate qu’il a établie sur la côte ouest de Madagascar. Il y a promulgué une loi qui interdit de tuer les lémuriens sous peine d’exclusion de la colonie. Le crime est même passible de la peine de mort.

Pour les indigènes de la région, un lémurien est sacré. « En langue indigène, le terme employé pour lémurien signifie spectre, fantôme, ombre ». L’ombre ? Quelque chose à voir avec le titre du livre ?

Mission est aussi un émissaire de la Panique. La Panique, c’est le savoir que l’homme (qui est appelé ici un « Homo-sagouin ») redoute par-dessus tout : la vérité sur son origine.

La solitude des mourants, suivi de vieillir et mourir, Norbert Elias

Ecrit par Christophe Gueppe , le Mercredi, 02 Mai 2012. , dans Titres (Christian Bourgois), Les Livres, Recensions, Essais, La Une Livres

La solitude des mourants, suivi de Vieillir et mourir, quelques problèmes sociologiques, avril 2012, traduit de l’allemand par Sybille Muller, et de l’anglais par Claire Nancy, 2012, 119 p. 7 € . Ecrivain(s): Norbert Elias Edition: Titres (Christian Bourgois)

 

En quoi la mort constitue-t-elle un problème sociologique ? Nous mourrons seuls, dit-on, de même que nous vieillissons et que nous souffrons en nous-mêmes, sans que personne ne puisse éprouver à notre place ce qui nous touche. Si cela est partiellement vrai, cela n’empêche pas l’auteur de vouloir montrer en quoi la mort, notamment, rentre dans ce qu’il appelle un processus de civilisation, dont il prolonge l’étude ici.

Dans les sociétés modernes, nous pouvons en effet assister à ces scènes où des personnes âgées sont découvertes de nombreux jours après leur mort, dans un état de décomposition avancé, comme à la suite de la canicule de 2003 en France. Cette solitude des mourants, et des personnes âgées, est du même ordre que cette souffrance que la thérapie médicale cherche à atténuer au niveau technique, mais en ne s’intéressant qu’à nos organes. Or, ce n’est pas seulement un corps qui souffre, mais également la personne dans son ensemble, et dont la souffrance s’accroît, au niveau subjectif, de manquer de relations affectives pour l’accompagner dans cette souffrance.