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Articles taggés avec: Talbourdel Augustin

Être de trop pour l’éternité : liberté et domination chez Sartre (partie 3) (par Augustin Talbourdel)

Ecrit par Augustin Talbourdel , le Lundi, 02 Novembre 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques


« Tout existant naît sans raison, se prolonge par faiblesse et meurt par rencontre ».

Jean-Paul Sartre, La Nausée

La « sainte affirmation » de l’enfant

Liberté et domination ne s’articulent jamais pacifiquement et positivement sinon dans le moment stoïcien de la pensée de Sartre. Sans exagérer la familiarité de la philosophie développée dans L’Être et le Néant avec la doctrine stoïcienne, il semble que cette dernière ait soufflé à Sartre la maxime selon laquelle : « l’important n’est pas ce qu’on fait de nous, mais ce qu’on fait de ce qu’on a fait de nous ». Ceux qui, par des excuses déterministes, cachent leur liberté sont des lâches ; ceux qui suppriment celle des autres sont des salauds écrit Sartre dans L’existentialisme est un humanisme. Celui qui ne se comporte ni comme l’un ni comme l’autre et qui accepte la domination qu’il subit est, sinon un sage, du moins un homme sensé : Sartre greffe la sagesse stoïcienne dans le cadre hobbesien de lutte de tous contre tous.

Être de trop pour l’éternité : liberté et domination chez Sartre (partie 2) (par Augustin Talbourdel)

Ecrit par Augustin Talbourdel , le Lundi, 19 Octobre 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

« Et moi aussi j’ai voulu être. Je n’ai même voulu que cela ; voilà le fin mot de ma vie : au fond de toutes ces tentatives qui semblaient sans liens, je retrouve le même désir : chasser l’existence hors de moi, vider les instants de leur graisse, les tordre, les assécher, me purifier, me durcir, pour rendre enfin le son net et précis d’une note de saxophone ».

Jean-Paul Sartre, La Nausée


La « divine négation » du lion

L’homme est libre et partout il domine. Lorsque l’on décompose les rapports des consciences entre elles et les états de liberté et de domination entre eux, on constate d’une part qu’autrui n’est pas le seul à réifier et humilier la conscience déjà-là mais que celle-ci le domine aussi par son regard ; d’autre part que la honte et l’angoisse qui amènent un homme à renier sa liberté sont toujours accompagnés d’une fierté et d’un orgueil qui le poussent à la reconquérir. Dès que l’homme réifié et dépossédé de sa liberté pour-autrui revendique cette liberté et aliène à son tour autrui par la chosification, une « réciprocité négative » s’instaure selon Sartre. Face à la honte imposée par autrui, la conscience réagit d’une part par la fierté en ce qu’elle revendique une identité positive, une réification fondée sur la véritable valeur de l’individu ; d’autre part, par l’orgueil.

Être de trop pour l’éternité : liberté et domination chez Sartre (Partie 1) (par Augustin Talbourdel)

Ecrit par Augustin Talbourdel , le Mardi, 13 Octobre 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques

 

« De trop : c’était le seul rapport que je pusse établir entre ces arbres, ces grilles, ces cailloux. (…) J’étais de trop pour l’éternité ».

« Tout existant naît sans raison, se prolonge par faiblesse et meurt par rencontre ».

Jean-Paul Sartre, La Nausée

 

L’homme est un animal libre : tel est le postulat fondamental de la pensée de Sartre, une affirmation récurrente dans sa prose. Libre en ce que rien ne le contraint dans l’absolu, puisque, chez Sartre, il n’y a pas de nature humaine immuable ; animal en ce qu’il doit lutter pour conserver son statut d’homme libre sans cesse menacé. Mais l’affirmation de sa liberté précède toutes les autres, comme une sentence qui condamne ou comme une formule inscrite dans l’être-homme. Jetée sans nature dans l’existence, la conscience libre n’a d’autre choix, pour se connaître et pour exister dans le monde, que de le néantiser.

Musique et clinique : le neveu mélomane de Diderot à Bernhard (par Augustin Talbourdel)

Ecrit par Augustin Talbourdel , le Mercredi, 16 Septembre 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques


« On était en juin, les fenêtres du pavillon étaient ouvertes, et, à partir d’un schéma rythmique finalement orchestré avec un vrai génie contrapunctique, les patients toussaient par les fenêtres ouvertes dans le soir qui tombait »

(Thomas Bernhard, Le Neveu de Wittgenstein)


Deux œuvres suffiraient presque à élaborer une généalogie croisée de la folie et de la musique. Le Neveu de Rameau de Diderot d’une part, Le neveu de Wittgenstein de Thomas Bernhard de l’autre. Deux neveux mélomanes, c’est-à-dire deux fruits de l’union plus ou moins légitime entre Mélos et Mania, entre la mélodie et la folie.

Bartleby le scribe, Herman Melville (par Augustin Talbourdel)

Ecrit par Augustin Talbourdel , le Mardi, 23 Juin 2020. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Bartleby le scribe, Herman Melville, éditions Libertalia, mai 2020, nouvelle trad., Noëlle de Chambrun, Tancrède Ramonet, 88 pages, 5 €


La formule de Bartleby, j’aime autant ne pas en parler. Pourtant il le faut, et d’abord pour discuter de cette traduction du célèbre I would prefer not to, par « j’aime autant ne pas ». « Oh, aimer autant ? Oui – étrange formule » remarque Ladinde, voisin de bureau de Bartleby. Le conditionnel, qui était rendu littéralement par « je préférerais ne pas » dans la suggestion de Maurice Blanchot, disparaît dans cette traduction. Aimer autant insiste davantage sur l’indifférence de Bartleby : bien que la réponse du scribe soit invariable, formulée ainsi, elle surgit à chaque occurrence comme le résultat d’une réflexion silencieuse au cours de laquelle Bartleby pèse sur la balance de sa volonté l’intérêt qu’il tirerait de l’action proposée.