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La Colline des Potences, Dorothy M. Johnson

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 01 Septembre 2015. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles, Gallmeister

La Colline des Potences, juin 2015, trad. de l’américain par Lili Sztajn, 301 pages, 10 € . Ecrivain(s): Dorothy M. Johnson Edition: Gallmeister

Regardez une photo de Dorothy M. Johnson (1905-1984) : il s’agit d’une honorable et américaine grand-mère à lunettes, dont la chevelure est sculptée d’impeccable façon, comme ça se faisait durant les années cinquante ou soixante ; on l’imagine auteur de romans à l’eau de rose. Ouvrez un livre de Dorothy M. Johnson, et voici qu’apparaît un tout autre univers narratif : la sauvagerie de l’Amérique de la Frontière se révèle, vous entrez de plain-pied dans un monde d’hommes rudes habiles avec un Colt ou un lasso à la main, et pourtant disposés à déposer leur cœur aux pieds d’une femme assez courageuse pour mener la vie des pionniers ; vous avez l’impression de lire les romans des films diffusés le mardi soir sur FR3 durant La Dernière Séance chère à Eddy Mitchell. D’ailleurs, ce n’est probablement pas qu’une impression : la longue nouvelle La Colline des Potences, extraite du recueil du même titre (1957), fut adaptée pour le cinéma en 1959, avec Gary Cooper dans le rôle masculin principal, et rien n’interdit de supposer que ce film eut les faveurs d’Eddy Mitchell durant les années quatre-vingt. D’ailleurs, pour en finir avec les rapports entre Dorothy M. Johnson et le cinéma, il n’est que d’ajouter qu’elle co-écrivit le scénario d’Un Homme Nommé Cheval (1970) et qu’une autre de ses nouvelles s’intitule The Man Who Shot Liberty Valance (1953), et on a plus ou moins fait le tour de la question.

Délivrances, Toni Morrison

Ecrit par Victoire NGuyen , le Vendredi, 28 Août 2015. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Christian Bourgois, La rentrée littéraire

Délivrances, août 2015, trad. de l’Américain par Christine Laferrière, 197 pages, 18 € . Ecrivain(s): Toni Morrison Edition: Christian Bourgois

 

Briser les chaînes

Si le lecteur se penche sur le titre, il peut y voir certains indices qui guideront sa lecture car les thématiques chères à l’auteure sont inscrites en filigrane dans ce simple mot à onze caractères : Délivrances. Si son sens premier se rapporte à la dernière phase de l’enfantement, il a aussi une signification figurée qui vient appuyer l’idée de rendre la liberté à un sujet ou à un état opprimé. Il est aussi synonyme de libération mais à un niveau individuel. L’individu est délivré de sa souffrance ou/et de son aliénation. C’est ce sens figuré qui, niché, dans chaque mot donne au roman Délivrances une dimension psychologique. Mais de quoi s’agit-il ?

Bride, la fille de Sweetness a réussi sa vie. Cadre dans une firme cosmétique, elle roule en Jaguar. Elle fait pâlir d’envie ceux qui l’entourent par son port altier et ses habits blancs qui accentuent les contrastes de sa peau d’ébène. Cependant, un mal la ronge. Elle ne se remet pas de sa rupture amoureuse, d’autant plus qu’une faute du passé la rattrape et la laisse dans un état de culpabilité qui la pousse à tomber dans un traquenard dont elle sort défigurée… Au fil des pages, le lecteur entend aussi la voix de la mère et perçoit mieux la profonde détresse de Bride sous sa rutilante réussite…

Cinq filles sans importance, Robert Kolker

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 21 Août 2015. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Belfond

Cinq filles sans importance, février 2015, trad. de l’américain par Samuel Sfez, 427 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Robert Kolker Edition: Belfond

 

Cet ouvrage est la relation d’’un minutieux, long et opiniâtre travail d’investigation mené par l’auteur, journaliste spécialisé dans les affaires criminelles, autour de la mystérieuse disparition de cinq jeunes filles, suivie, plus tard, trop tard, par la découverte de leurs cadavres, et d’un grand nombre d’autres non identifiés, sur le littoral de Long Island.

Une première grande partie du livre est consacrée à la reconstitution, par une collecte méthodique d’éléments biographiques auprès des familles, des amis et des fréquentations des victimes, du puzzle de leur trajectoire dans leur environnement social, familial, scolaire, amical, professionnel et globalement relationnel depuis leur naissance jusqu’au jour de leur disparition.

L’auteur cerne ainsi au plus près la personnalité et le statut social de chacune de ces jeunes femmes, permettant au lecteur de mettre à jour en même temps que lui un certain nombre de constantes, de points communs les concernant, et d’indices de nature à élucider les causes et les circonstances de leur fin tragique et d’émettre, au fil de l’enquête, des hypothèses sur la possibilité que les cinq crimes aient été commis par le même assassin, bien que la police dès le départ ait refusé d’envisager la question d’un tueur en série.

L’Infinie Comédie, David Foster Wallace

Ecrit par Didier Smal , le Jeudi, 20 Août 2015. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, L'Olivier (Seuil), La rentrée littéraire

L’Infinie Comédie, août 2015, traduit de l’anglais (USA) par Francis Kerline, 1488 pages, 27,50 € . Ecrivain(s): David Foster Wallace Edition: L'Olivier (Seuil)

Depuis sa publication en 1996, L’Infinie Comédie fait partie des romans nord-américains dont on entend parler avec régularité, ses lecteurs le considérant comme une œuvre essentielle, voire centrale, des trente dernières années, et allant jusqu’à l’élire dans les cent meilleurs romans écrits en anglais depuis 1923 selon l’hebdomadaire Time.

Son auteur, David Foster Wallace (1962-2008), fait quasi l’objet d’un culte, son œuvre étant même devenue un sujet d’étude universitaire per se. Bref, c’est peu dire que, en 2015, la traduction française de ce roman fait figure d’événement et qu’il convenait, pour le lecteur non anglophone, de s’intéresser à ce « roman total », selon la qualification de son auteur lui-même, et d’en lire les environ mille cinq cents pages.

Autant l’admettre de prime abord : les mille cinq cents pages, on les sent passer. Ce roman, à certains égards, est fastidieux malgré son écriture géniale. Voire : à cause de son écriture géniale. Un peu partout, ça clignote : attention, chef-d’œuvre ! attention, démonstration de savoir-écrire en cours ! Et le lecteur, même expérimenté, même habitué à d’habiles démonstrations stylistiques, ne peut qu’obtempérer : oui Wallace est un génial styliste, d’une polyvalence aussi absolue que maîtrisée…

Inconnu à cette adresse, Kressmann Taylor

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 17 Août 2015. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Autrement

Inconnu à cette adresse, juin 2015, trad. de l’anglais (E.-U.) par Michèle Lévy-Bram, 175 p. 8,50 € . Ecrivain(s): Kathrine Kressmann Taylor Edition: Autrement

 

En septembre 1938, le bimestriel américain Story Magazine publie une longue nouvelle intitulée Inconnu à cette Adresse, par un certain Kressmann Taylor ; ce sera un succès, critique et public, immédiat, et un véritable choc pour tous ses lecteurs de l’époque. Il ne faudra pas longtemps pour que le pseudonyme dévoile son secret : l’auteur est une femme, Kathrine Kressmann Taylor (1903-1996), et il s’agit d’une femme d’exception, puisqu’elle fut des rares à pointer la menace nazie dans un pays isolationniste où la German-American Bund pouvait revendiquer cent à deux cent mille membres. Car c’est de ça que parle Inconnu à cette Adresse : de la menace nazie, celle qu’elle fait peser sur les esprits, celle qui va mener à l’extermination massive des Juifs entre autres.

Cette nouvelle se présente sous la forme de dix-huit lettres, dont un « câblogramme », qui forment la correspondance échangée, de novembre 1932 à mars 1934, entre un Juif américain qui a séjourné en Allemagne, Max Eisenstein, et un Allemand parti de Californie pour habiter Munich avec sa famille, Martin Schulse. Ces deux amis tenaient une galerie d’art à San Francisco et le premier envoie des comptes au second, tandis que le second, dans un premier temps, le fournit en œuvres européennes.