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Roman

Le célibataire absolu, Pour Carlo Emilio Gadda, Philippe Bordas (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 27 Octobre 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Le célibataire absolu, Pour Carlo Emilio Gadda, Philippe Bordas, Gallimard, septembre 2022, 432 pages, 30 € Edition: Gallimard

 

« Je n’avais pas devant moi le visage de Gadda, que je ne connaissais pas, mais le sosie du vieil homme qui m’avait appris à lire, quand j’étais enfant, ce grand-père qui me lisait Le Comte de Monte-Cristo et me gardait sur ses genoux pendant qu’il remplissait ses grilles de mots croisés. Ce n’est pas pour ce que ce titre promettait d’introspection stoïcienne et de pathétique que j’ai acheté La Connaissance de la douleur, mais pour cette ressemblance si frappante avec celui qui m’ouvrait aux mystères de Hugo et Dumas sur la toile cirée d’une cuisine de Corrèze ».

Les grands livres naissent parfois de hasards heureux, de concordances, de combinaisons romanesques qui font se rencontrer des visages, des destins, des styles, des manières d’être, de vivre et donc d’écrire. Ici c’est la rencontre entre le portrait de Carlo Emilio Gadda qui figure en médaillon dans la première édition de La Connaissance de la douleur, publié par les éditions du Seuil et traduit par Louis Bonalumi et François Wahl, et celui du grand-père de Philippe Bordas, le mirage d’une vignette, l’illusion d’une parenté.

Le Dernier des Justes, André Schwarz-Bart (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 21 Octobre 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Seuil, Points

Le Dernier des Justes, André Schwarz-Bart, Points, 448 pages

Est-il un roman plus bouleversant, plus poignant, plus accablant, plus désespérant que celui-ci ? On a écrit, on a dit, on a fait des documentaires et on a publié, à juste raison, des sommes de documents écrits, photographiques, audiovisuels sur la Shoah, sur l’Holocauste. Primo Levi en a livré un effroyable témoignage. Steiner a « raconté » Treblinka. Il y a eu Nuit et Brouillard, les minutes du Procès de Nuremberg. Des survivants ont témoigné, douloureusement. On a filmé, on a « visité » Auschwitz, Buchenwald… Qui affirme n’avoir aucune connaissance de l’horreur est ignare, hors du temps, ou menteur. Bien sûr, hélas il y a les immondes révisionnistes, les crapules négationnistes. Ceux-là, qu’ils aillent au diable ! La puissance du Dernier des Justes annihile leur puante existence. Car la haine antisémite n’est pas, l’expose ici magistralement Schwarz-Bart, « seulement une histoire du XXe siècle » : ça dure, ça se répète, ça revient, c’est récurrent, depuis les siècles des siècles de « l’ère chrétienne » fondée sur « l’amour du prochain ». Du début à la fin du récit que le présent ouvrage fait commencer précisément le 11 mars 1185, on constate, on confirme, on ne peut que reconnaître que notre « civilisation », loin de s’améliorer, de « s’humaniser », tombe et retombe, régulièrement, dans l’inhumanité, la bestialité, la barbarie, en particulier et de façon odieusement systématique à l’encontre des communautés juives.

After®, Auriane Velten (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 18 Octobre 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, Science-fiction, La Une Livres, Folio (Gallimard)

After®, Auriane Velten, Folio SF, septembre 2022, 288 pages, 8,90 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Comme l’indique son titre, After®, et la collection dans laquelle il est réédité, Folio SF, le premier roman d’Auriane Velten appartient au genre post-apocalyptique, celui qui raconte la Terre et, surtout, l’humanité d’après une catastrophe, généralement liée à une grosse bêtise bien humaine – chez Dick ou d’autres, la faveur allait à la bombe atomique. Chez Velten, cela reste peu clair, car on est loin désormais des années cinquante ou soixante, ou même soixante-dix, durant lesquelles la crainte que la Guerre Froide s’échauffe voire se mette à bouillir générait des angoisses, tant littéraires qu’existentielles, et il ne s’agit plus pour cette jeune autrice de mettre en garde contre la bombe, mais bien contre la perte d’humanité, le réel danger contemporain. Car c’est ce dont il s’agit dans ce bref roman, de notre part d’humanité, celle qui nous incite à contempler par exemple les six tapisseries composant La Dame à la licorne, et de la perte – et donc la redécouverte – de cette part.

La vie sans histoire de James Castle, Luc Vezin (par Catherine Dutigny)

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Lundi, 17 Octobre 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Arléa

La vie sans histoire de James Castle, Luc Vezin, éditions Arléa, août 2022, 224 pages, 19 € Edition: Arléa

 

La démarche originale d’un historien de l’art

C’est en page 39 du roman de Luc Vezin que l’on découvre ce qui aurait pu être son incipit lorsqu’il écrit à propos de son projet d’écriture et de son personnage principal, James Castle : « /…/ manipulé plus que guidé par cette ombre insaisissable et changeante, je me suis laissé entraîner au gré des écritures, de l’épopée aux confessions sordides ou pleurnichardes ; j’ai fait balbutier un mutique et écrire un illettré ; j’ai tâté du pire journalisme, de la froide documentation ; j’ai ouvert des journaux intimes et violé une correspondance imaginaire. J’ai rapporté des légendes auxquelles je ne croyais pas et cédé aux slogans mensongers des réclames. J’ai chanté faux en écorchant l’anglais. Et, pour finir en beauté, j’ai voulu faire parler les murs d’une maison vide, derrière lesquels se cachait James, avant de sombrer dans la poésie, comme d’autres dans l’alcool ou le crime. Et, après tant d’années vagabondes, moi qui, comme disait mon père, “Cherchais une histoire”, je n’ai rien trouvé d’autre à écrire que “La vie sans histoire de James Castle” ».

Le Feu du Milieu, Touhfat Mouhtare (par Théo Ananissoh)

Ecrit par Theo Ananissoh , le Vendredi, 14 Octobre 2022. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Le Feu du Milieu, Touhfat Mouhtare, Editions Le Bruit du Monde, août 2022, 334 pages, 21 €

 

C’est quelque chose comme un roman à la fois réaliste et merveilleux. L’histoire d’une vie prise dans des circonstances sociales insolubles et une narration faite d’envolées imaginaires par besoin peut-être de « s’échapper » justement de ce réel sans issue. La romancière tisse avec une maîtrise remarquable une intemporalité qui laisse s’épanouir son sujet fondamental. Lequel ? Disons : le duo humain sur Terre – l’homme et la femme. Il est beaucoup question du Coran dans le roman ; de son étude, de son enseignement et de son interprétation. Il est donc permis de voir dans Le Feu du Milieu une intention d’être un texte sur le fondamental, un propos sur le primordial humain. L’imagination riche, la patience narrative, des séquences issues du Livre saint ou des légendes et contes populaires autorisent cette lecture. Le duo humain sur Terre donc. L’homme et la femme. Et les multiples modalités effectives de leur cohabitation éternelle – maître et esclave, père et fille, mère et enfant, riche et pauvre, dominant et dominé, noir et blanc, chasseur et proie, etc.