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Roman

Le Meilleur, Bernard Malamud

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 03 Février 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Rivages

Le Meilleur (The Natural), traduit de l’américain par Josée Kamoun, février 2015, 300 p. 21,50 € . Ecrivain(s): Bernard Malamud Edition: Rivages

 

Retrouver Malamud sur un versant ensoleillé est à la fois surprenant et formidable. Loin du « Shtetl » et de Kiev*, il nous place cette fois au cœur de l’Amérique. Et même mieux encore, au cœur du cœur des mythologies américaines modernes : le baseball ! C’est tellement le cœur du mythe yankee que l’éditeur nous propose un lexique du baseball en fin d’ouvrage. Louable initiative, mais on peut craindre que ce soit peine perdue tant ce jeu, le plus populaire aux USA, est illisible pour un esprit européen normalement constitué. Le chroniqueur peut témoigner que malgré sa bonne volonté depuis des décennies, il n’a jamais réussi à y comprendre quoi que ce soit.

Qu’importe, il n’est nul besoin de comprendre le baseball pour adorer ce livre !

Et loin de la terreur et de la souffrance, nous voici dans un roman de la jeunesse, de l’amour, de la lumière. Bien sûr – les lecteurs de Malamud s’en doutent déjà – cela ne va pas sans ombres, sans peine, sans misères. Mais elles sont ordinaires, relèvent de ce qu’il en est d’une vie humaine.

Le septième jour, Yu Hua

Ecrit par Cathy Garcia , le Samedi, 31 Janvier 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Actes Sud

Le septième jour, octobre 2014, traduit du chinois par Isabelle Rabut et Angel Pino, 272 pages, 22 € . Ecrivain(s): Yu Hua Edition: Actes Sud

 

Le septième jour est un récit étrange, envoûtant, d’un humour délicat qui joue avec l’absurde et d’une grande tristesse, qui fait le va et vient entre les souvenirs d’une vie dans l’ici-bas et la douceur et la fantaisie poétique d’un au-delà. Sous cette apparence inoffensive, c’est surtout une façon de pointer les inégalités et les problématiques de la société chinoise contemporaine. Un récit découpé en sept chapitres, du premier au septième jour après la mort du narrateur, ce qui rappelle forcément les sept étapes de la création du monde dans le mythe biblique, mais s’inspire aussi de croyances traditionnelles chinoises à propos des sept jours pendant lesquels, après sa mort, l’âme du défunt erre autour de sa maison avant de rejoindre sa sépulture.

Yang Fei, le narrateur, meurt à la suite d’une explosion accidentelle dans un restaurant. C’est alors que la morgue l’appelle pour lui dire qu’il est en retard pour son incinération et qu’il doit se dépêcher d’arriver. Ainsi débute son errance dans cette nouvelle dimension, de l’autre côté de la très fine membrane qui sépare le monde des morts de celui des vivants.

Les cahiers d’un tueur, Gérald Grühn

Ecrit par Marc Ossorguine , le Vendredi, 30 Janvier 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Les cahiers d’un tueur, TDO Editions, format Poche 2014 . Ecrivain(s): Gérald Grühn

 

Au départ, il y a une rencontre, celle de Thomas et de Thomas. Le premier (ou le deuxième) est un enfant avec des lunettes avec des verres comme des hublots, tenues par un gros élastique. Il partage sa vie entre son père et ses grands-parents. Le grand-père l’accompagne au bord du canal, le laissant pêcher alors que lui-même somnole sur un banc. Le deuxième (à moins que ce ne soit le premier) est un adulte à l’allure un peu bizarre : le crâne soigneusement rasé, ainsi que les bras, outre une réelle connaissance de la pêche, qui rapprochera les deux thomas, il a un métier caché, et pour cause : tueur à gages.

Thomas (le grand) a appris son métier dans les quartiers de Marseille, dont il a été amené à se retirer pour des raisons très professionnelles. Dans son genre, il est cependant parfait, ne laissant jamais derrière lui la moindre trace, variant consciencieusement les techniques employées, avec une méticulosité et une attention aux détails, mais aussi avec un détachement et une objectivité dépassionnée qui, malgré l’horreur qui peut exister dans ses actes, finit par susciter une certaine sympathie, pour ne pas dire l’inverse, une sympathie certaine, pour l’artisan soigneux qui conçoit ses contrats et exécutions avec l’humilité, la minutie et la maîtrise d’un ébéniste ou d’un joailler.

Amours, Leonor de Recondo

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 29 Janvier 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Sabine Wespieser

Amours, Janvier 2015, 276 p. 21 € . Ecrivain(s): Léonor de Récondo Edition: Sabine Wespieser

« Un homme, au moins, est libre (…)

Mais une femme est empêchée continuellement (…)

Sa volonté, comme le voile de son chapeau

retenu par un cordon, palpite à tous les vents ;

il y a toujours quelque désir qui entraîne,

quelque convenance qui retient ».

Flaubert, Madame Bovary

Se plonger dans la lecture de ce roman constitue un moment littéraire intense mais aussi une sorte de voyage dans le temps. Léonor de Récondo nous y avait habitués avec son somptueux Pietra Viva (lire l'article) qui nous faisait marcher dans les pas de Michel-Ange s’apprêtant à créer sa Pièta. Elle possède un talent rare et précieux pour enchâsser le passé dans notre temps présent, pour faire revivre sous nos yeux de lecteurs des univers disparus, des êtres d’autrefois dans leur réalité vivante, vibrante, incarnée.

Petits oiseaux, Yôko Ogawa (2ème article)

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Mercredi, 28 Janvier 2015. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Actes Sud, Japon

Petits oiseaux, traduit du japonais par Rose-Marie Makino-Fayolle, septembre 2014, 272 pages, 21,80 € . Ecrivain(s): Yoko Ogawa Edition: Actes Sud

 

« Tous les chants d’oiseaux sont des chants d’amour ».

Dans son dernier ouvrage paru aux éditions Actes Sud, Yôko Ogawa pose la question : qu’est-ce qu’être soi dans l’insécurité sociale et familiale si la parole n’existe pas en tant que lien de sociabilité ?

Comment vivre, se construire si les racines de l’affiliation sont rompues ? La transparence aux êtres y serait-elle liée, si l’autre n’existe pas ? Dans Petits oiseaux, l’écriture est un monde en forme de cage qui offre néanmoins une part à la liberté qui nous convient, faisant de chacun de nous des oiseaux, sifflant des chants d’amour que personne n’entend mais que l’on comprend parfois, au travers de nos propres illusions… Il faut alors fusionner l’espace du silence et du temps de l’écoute (ou de la lecture !) pour retrouver peu à peu les mots oubliés dans l’espace de la psyché ; enjeu même de la distance toute japonisante du vivre ensemble et d’une double identification aux fonctions multiples, interrogeant l’acte de penser l’écriture, en tant que création d’une vision à la Max Ernst, du type Loplop présente :