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Roman

Roman Dormant, Antoine Brea

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 04 Juillet 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Roman Dormant, Ed. Le Quartanier, avril 2014, 152 pages, 16 € . Ecrivain(s): Antoine Brea

 

« Il est vrai que Dieu t’a fait don du rêve mais qui te dit qu’Il t’a fait là un beau cadeau ? Le rêve est le trône de misère où Dieu s’assoit sur les visages. Le rêve est la froide chambre des reclus que ne pénètrent pas les tueurs à l’aube. Le rêve te fendra le tronc comme l’hiver. En rêve l’homme est un vautour stupide et sale comme il l’est aussi dans l’autre vie ».

Antoine Brea a plus d’un rêve dans son sac à malice, et plus d’une interprétation dans sa vision des songes de Mohamed Ibn Sîrîne, le rêveur des rêveurs, comme l’on dit le voleur des voleurs, qui ne manque pas d’à-propos. Le rêveur est à prendre au sérieux, d’autant plus si c’est un ascète vertueux, comme l’on prend au sérieux Maldoror ou La Divine Comédie, et le sourd (Allez voir le sourd, c’est-à-dire Mohamed Ibn Sîrîne) est là pour lui rappeler que le rêve mène à tout, à condition de bien apprendre à identifier les créatures et ses habitants et de ne pas s’endormir sur ses rêves et ses lauriers, et surtout à veiller à bien se réveiller.

Un homme au singulier, Christopher Isherwood

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 03 Juillet 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Grasset

Un homme au singulier (A single man). Traduction de l'anglais Léo Dilé. Avril 2014. 175 p. 8,20 € . Ecrivain(s): Christopher Isherwood Edition: Grasset

 

Dire à chaque opus d’Isherwood qu’il s’agit d’un chef-d’œuvre va finir par paraître conventionnel. Et pourtant que dire d’autre en tout premier sur ce bijou de roman qu’est « un homme au singulier » ? Un condensé de vie, de douleur, de solitude et d’apaisement nous attend dans ce petit livre.

Une journée, une, dans la vie au crépuscule de George. Il est seul, envahi par le souvenir omniprésent de Jim, mort il y a peu et qui l’a laissé derrière, désemparé. La vie continue certes mais quelle vie ? Ecornée, étrangère à soi, orpheline. On ne se fait pas à la mort de l ‘autre, on vit autour d’une béance, d’un trou infini.

« Et c’est ici, presque tous les matins, que George, arrivé au pied de l’escalier, a cette sensation de se trouver soudain au bord d’une corniche à pic, brutalement creusée, aux arêtes vives – comme si la route avait été emportée par un glissement de terrain. C’est ici qu’il s’arrête pile et sait, avec une acuité à donner la nausée, presque comme pour la première fois : Jim est mort. Est mort. »

L’Exception, Audur Ava Olafsdottir

Ecrit par Victoire NGuyen , le Mercredi, 02 Juillet 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques, Zulma

L’Exception, traduit de l’islandais par Catherine Eyjolfsson, avril 2014, 338 p. 20 € . Ecrivain(s): Auður Ava Ólafsdóttir Edition: Zulma

 

Une femme dans la tourmente


Maria ne pensait pas que son mari Floki allait la quitter pour son amant du même nom. L’annonce de la séparation s’est faite le soir de la Saint-Sylvestre alors que dehors on célébrait la nouvelle année :

« Je devine au mouvement de ses lèvres que mon mari me parle, mais sans l’entendre ; le bruit des feux d’artifice qui dégringolent du ciel embrasé l’oblige à se répéter. Il me regarde bien en face, braquant vers moi la bouteille comme un fusil sur sa cible, puis il se détourne et fait sauter le bouchon en direction du sorbier ».

Et la vie continue. Maria se réveille le lendemain. Le rêve de bonheur s’est envolé ainsi que le mari qui dès la fin de l’annonce s’en est allé rejoindre l’autre Floki. Maria continue à faire bonne figure. Cependant, le sort s’acharne sur elle. Loin d’être remise de cette rupture, elle fait la connaissance de son père biologique et apprend aussi la double vie de sa mère. Au même moment, dans sa vie chamboulée, elle doit partir accueillir l’enfant adoptif qui l’attend à l’autre bout du monde…

Les gardiens de l’air, Rosa Yassin Hassan

Ecrit par Victoire NGuyen , le Mardi, 01 Juillet 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays arabes, Sindbad, Actes Sud

Les gardiens de l’air, traduit de l’arabe (Syrie) par Emmanuel Varlet, avril 2014, 249 pages, 22 € . Ecrivain(s): Rosa Yassin Hassan Edition: Sindbad, Actes Sud

 

Le combat des femmes syriennes

Anat Ismaïl est interprète à l’ambassade du Canada à Damas. Enceinte de trois mois au début du roman, elle passe ses journées à entendre les demandeurs d’asile évoquer la terrible histoire de leur vie. Ils ont tous été arrêtés et torturés dans d’abominables souffrances aux heures les plus sombres de la Syrie. Certains gardent encore les traces du traumatisme, comme Salva Quajee qui tente de survivre, submergé par la terreur.

Le lecteur devine alors le stress de la jeune femme qui essaie jour après jour de mener à bien son travail tout en mettant à distance ces récits de vie qui l’écorchent en profondeur. Mais à cette réalité d’un pays au bord du précipice se superpose une autre : l’histoire d’Anat elle-même et celle de ses amies, Mayyasa et Dola, la sœur de cette dernière. Ces femmes ont vu leur compagnon jeté en prison lors des répressions sanglantes orchestrées par Hafez-el-Assad pour affermir son pouvoir. Elles ont souffert de cette absence et tentent de trouver dans des amours sans lendemain des échappatoires à leur solitude.

Trilogie de Corfou, Gerald Durrell

Ecrit par Ivanne Rialland , le Mardi, 01 Juillet 2014. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La Table Ronde

Ma famille et autres animaux et Oiseaux, bêtes et grandes personnes, traduits par Léo Lack, Le Jardin des dieux, traduit par Cécile Arnaud, avril 2014, 400, 352 et 304 pages, 14 € chaque volume . Ecrivain(s): Gerald Durrell Edition: La Table Ronde

 

Fuyant un maussade été anglais, la famille Durrell part pour Corfou, où elle restera cinq années idylliques, racontées par le plus jeune de la fratrie, Gerald. Âgé d’une dizaine d’années, le futur naturaliste évoque avec nostalgie son émerveillement pour la faune de Corfou. Féeries dans l’île : le titre choisi lors de la première parution française du volume inaugural de la trilogie (en 1958, chez Stock) rend bien compte de l’atmosphère enchantée de ce séjour qui semble baigné d’un éternel été.

Il masquait cependant la fantaisie et l’humour de l’ouvrage, rendu par la traduction ici littérale du titre anglais : Ma famille et autres animaux. Comme l’explique en effet Gerald Durrell dans sa préface, après avoir introduit les pittoresques membres de sa famille dans ce qui devait être un « exposé […] sur l’histoire naturelle de l’île », « ils s’y installèrent et invitèrent divers amis à partager avec eux les chapitres suivants ». Ce sont ces figures amicales qui dominent d’ailleurs le dernier volume, inédit en français, proposé par La Table ronde dans une traduction de Céline Arnaud. Les deux premiers volumes reprennent pour leur part dans une version révisée la traduction de Léo Lack, publiée pour la première fois aux éditions Stock, respectivement en 1958 et 1970.