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Les Livres

Le Foyer des mères heureuses, Amulya Malladi

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 25 Mai 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Roman, Mercure de France

Le Foyer des mères heureuses, février 2018, trad. anglais (Inde) Josette Chicheportiche, 350 pages, 24,50 € . Ecrivain(s): Amulya Malladi Edition: Mercure de France

 

Amulya Malladi traite en ce roman un sujet actuel qui donne lieu à de multiples réactions, d’opposition ou d’adhésion, et qui incite nos sociétés à une réflexion d’ordre scientifique, moral, religieux, éthique : celui des mères porteuses.

Après plusieurs fausses couches, Priya, une Américaine fille d’un couple mixte américano-indien, se résout à avoir un enfant par le procédé de la Gestation Pour Autrui. Elle réussit, au prix de maintes disputes et discussions, à rallier à sa décision son époux Madhu, informaticien indien qu’elle a connu pendant qu’il poursuivait sa formation universitaire aux Etats-Unis, où il s’est installé après ses études.

Le couple prend contact avec un organisme indien spécialisé, dont la directrice, le docteur Swati, accueille dans une clinique ad hoc de jeunes femmes indiennes nécessiteuses, recrutées pour porter par insémination les futurs enfants de couples occidentaux stériles.

Le cinéphile, Walker Percy

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 24 Mai 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Rivages poche

Le cinéphile (The Moviegoer, 1961), trad. américain Claude Blanc, 335 pages, 8,50 € . Ecrivain(s): Walker Percy Edition: Rivages poche

 

Sur la voie glorieuse des écrivains du Sud, de Mark Twain à Ron Rash en passant par William Faulkner, Shelby Foote et tant d’autres, Walker Percy occupe une place à la fois éminente et absolument originale. Si le Sud, et en particulier la Nouvelle-Orléans, est constamment présent dans son œuvre, c’est à sa manière unique qui ne ressemble en rien à celle de ses pairs. Walker Percy écrit len-te-ment, on pourrait dire avec un souci du détail qui fait de son style une sorte d’exercice métonymique, de décorticage des choses, de gros plans successifs, à la manière d’un John Cassavetes au cinéma.

De cinéma, il est évidemment fortement question dans ce magnifique roman. Le héros/narrateur, Jack Bolling dit Binx, en dehors de sa triste activité d’agent immobilier, est un fou de cinéma. Il passe dans les salles obscures un temps considérable et, sorti desdites salles, sa vie – monotone et grise – est sans cesse prolongée par les images, les acteurs et actrices, les scènes des films qui peuplent son imaginaire. « A son égard j’adopte une attitude distante dans le style de Gregory Peck. Plutôt grand, les cheveux noirs, je sais aussi bien que lui garder ma réserve, les yeux mi-clos, les joues creusées, les lèvres pincées, et lâcher un mot ou deux avec un hochement de tête ».

La balade des perdus, Thomas Sandoz

, le Jeudi, 24 Mai 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Grasset

La balade des perdus, avril 2018, 208 pages, 18 € . Ecrivain(s): Thomas Sandoz Edition: Grasset

 

Quatre adolescents handicapés, chaperonnés par une éducatrice quelque peu hystérique, se retrouvent embarqués bien malgré eux dans une aventure rocambolesque, à la recherche de leur Castel, l’institution spécialisée qui les héberge. A travers le regard de Luc, tour à tour sévère et indulgent, le lecteur se familiarise avec cette équipée « boiteuse », et l’accompagne dans un voyage très mouvementé, sur les routes sinueuses des massifs alpins.

La grande originalité de ce roman tient à sa galerie de personnages, pour le moins peu banale dans le paysage romanesque, et à sa manière crue et sans complaisance d’aborder le handicap. Non que le thème de la différence n’ait pas déjà été traité de façon remarquable (pensons seulement aux chefs-d’œuvre que sont Des souris et des hommes et Le Bizarre incident du chien pendant la nuit), mais dans La balade des perdus, Luc, le narrateur, adopte volontairement la posture de l’anti-héros, de l’observateur lucide et objectif de ses propres calamités et de celles de ses camarades d’infortune :

Déchirance, Hans Limon

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 23 Mai 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Le Bateau Ivre

Déchirance, octobre 2017, 22 € . Ecrivain(s): Hans Limon Edition: Le Bateau Ivre

 

« Contre la mort écrire, mourir, décrire, sourire du cri d’écrire. Sodomiser la Faucheuse, lui faire un petit roman dans le dos. Un récit naîtra, frémissant, me survivant. Il me faut du temps. Disloqué loquace » (Au commencement).

Déchirance s’invite en littérature, comme une comète traverse un ciel d’été, un petit corps céleste aux traînées lumineuses constitué de phrases étincelantes et hypnotiques, de souvenirs, de poèmes incendiaires, et dont le noyau en mouvement permanent n’est autre que le corps de l’auteur. Un corps meurtri, bouleversé, changeant, aimant, se transformant, jeune corps heureux et souffrant. Le corps ici fait le roman et Déchirance le consacre. Déchirance est roman monde qui semble avoir été écrit sous les terribles protections de Lautréamont – Cette nuit, j’ai vu la mort, et j’aurais presque pu la toucher– et d’Artaud – Vois-tu, voyant trop allumeur cinglé des vents d’antan, il n’y a que toi qui puisse faire justice à mes turpitudes –, un roman à fleur de peau et qui effleure les nerfs, roman où à chaque page Hans Limon se livre et livre son corps aux flammes romanesques du récit, non pour disparaître, mais pour ressusciter, par la grâce de l’art du roman, par les manières de la matière en fusion qui hantent les pages de Déchirance.

Søren Kierkegaard, Œuvre I et II en la Pléiade

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 22 Mai 2018. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Pays nordiques, La Pléiade Gallimard

Søren Kierkegaard, Œuvre I et II, La Pléiade, Gallimard, mai 2018, sous la direction de Jean-Louis Jeannelle et Michel Forget, 62 et 63 € Edition: La Pléiade Gallimard

 

Redéfinir l’existentialisme

Søren Kierkegaard n’a eu cesse (dans ce qu’on a assimilé à tord à l’existentialisme à la française) à une défense de la foi contre l’église. En particulier la Danoise qu’il tourne en dérision au nom de son conformisme crasse que le père lui infligea avant qu’il ne se révolte. Cette religion de bas étage ne fait que gommer le paradoxe de la foi qui pour ce nouveau Pascal résulte du rapport et de l’incommensurabilité absolue entre la vérité éternelle et l’existence humaine.

Chez le philosophe du XIXème siècle mais dont le propos demeure d’actualité, l’existence impose de comprendre que les choses les plus opposées doivent et peuvent se réunir dans le processus de la naissance à soi-même. Cela demande un « effort » non seulement intellectuel mais de tous les instants dans le métier de vivre et bien loin d’une pure essentialisation. « L’individu, s’il ne devient pas possesseur de la vérité en existant, dans l’existence, ne la possédera jamais », écrit le philosophe. Le paradoxe, c’est donc l’expérience vivante et existentiellement vécue de cette vérité.