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Les Livres

Lucy Psychiatre, Charles M. Schulz

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Vendredi, 11 Mai 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Rivages poche, Bandes Dessinées

Lucy Psychiatre, novembre 2017, 131 pages, 6,20 € . Ecrivain(s): Charles M. Schulz Edition: Rivages poche

A l’heure où certains s’interrogent sur la fin de la psychanalyse, cet héritage de Charles Schulz, Lucy Psychiatre, nous offre un petit voyage dans le temps, celui du début du consumérisme où la psychanalyse tentait de soigner les premiers symptômes de l’individualisme. L’univers des Peanuts est une cure de jouvence. Ces strips publiés dans des quotidiens américains évoquent avec ironie les prémices de la société postmoderne. Comme le souligne Umberto Eco dans la préface de La vie est un rêve, Charlie Brown, nous retrouvons dans les enfants des Peanuts toutes nos névroses. « Ils sont la monstrueuse réduction enfantine de toutes les névroses d’un citoyen moderne de la civilisation industrielle ».

Le personnage Charlie Brown cherche des modes d’emploi pour essayer de s’ôter son sentiment d’infériorité qui lui colle à la peau. Mais il n’arrive pas à atteindre son moi idéal. Il se sent souvent seul et a l’impression de subir « une espèce de grand 8 de l’affect ». Lucy, qui pourrait être une allégorie de la société moderne, le rejette avec pragmatisme et désinvolture. Comme si les émotions de Charlie n’étaient que de simples mauvaises interprétations à minimiser. Lucy est la caricature de l’antipoésie. C’est pour cette raison qu’elle ne peut comprendre Schroeder, un inconditionnel de Beethoven. L’art étant non rentable, Lucy ne peut comprendre la passion artistique. Sublimer ses névroses à travers l’art est un état qui lui est étranger.

Bathyscaphe de plumes, Philippe Guillard

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 10 Mai 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Bathyscaphe de plumes, Ed. Wallada, coll. La merlette moqueuse, avril 2017, 99 pages, 10 € . Ecrivain(s): Philippe Guillard

 

Des coïncidences magnétiques allument parfois leur brasier d’oiseaux dans le feu de l’inspiration. Un seul signe suffit. Ainsi, en tournant autour de ce Bathyscaphe de plumes signé Philippe Guillard, avant d’entamer ma part du voyage, je pensai d’emblée à L’Aigle noir de Barbara. Rien à voir, si ce n’est la réapparition d’un Oiseau noyé dans l’océan noir d’une réalité plombée, et s’en expulsant à force d’envols à la rescousse, notamment par l’envergure des mots. Rien à voir, si ce n’est dans les remerciements du poète adressés sur le seuil du livre, l’évocation de Barbara, justement.

Le voyage commence par la marche d’un homme. Le temps nous propulse plus loin que nos erreurs du passé, faisant de nous sur les bifurcations de notre cheminement, des enjambeurs de l’infini. Quand la courbe du temps s’inverse par le voyage initiatique et magnétique des mots, le poète approchant de « l’instant du mourir » peut espérer ici, maintenant, se retourner et naître.

Patria, Fernando Aramburu

Ecrit par Nathalie de Courson , le Mercredi, 09 Mai 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Espagne, Actes Sud

Patria, mars 2018, trad. espagnol Claude Bleton, 614 pages, 25 € . Ecrivain(s): Fernando Aramburu Edition: Actes Sud

 

« Celui qui n’a pas lu Patria,c’est qu’il vit sur la planète Mars », entend-on dire ici et là en Espagne. Fernando Aramburu ne se plaint pas de son succès, bien que, disait-il le 4 avril à Paris, il s’agisse d’un phénomène social sans rapport direct avec la littérature. La modestie de ce propos ne doit pas nous empêcher d’accorder à Patria l’attention littéraire qu’il mérite.

Ce poignant roman au titre laconique pourrait avoir pour sous-titre « Histoire d’une discorde » car il met en récit la grande discorde civile du pays basque ravagé par les années de lutte armée que continua d’y mener, entre la mort de Franco et 2011, l’ETA (acronyme d’Euskadi Ta Askatasuna, signifiant Patrie basque et liberté).

Aramburu fait le choix de la présenter sous la forme d’une tragédie familiale couvrant un peu plus de deux générations. Bittori, villageoise en exil à Saint-Sébastien, pleure son mari Le Txato, patron d’une petite entreprise de camions, abattu à deux pas de chez lui, après un long harcèlement de graffiti et de lettres de menaces, pour avoir refusé de payer « l’impôt révolutionnaire ». L’amie d’enfance de Bittori, Miren, restée au village, récrimine contre l’incarcération interminable, au fond de l’Andalousie, de son fils Joxé Mari, membre de l’ETA ayant appartenu au commando qui a assassiné Le Txato.

L’Héritier du nom, Alexander Münninghoff

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 09 Mai 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques, Biographie, Roman, Payot

L’Héritier du nom, janvier 2018, trad. néerlandais, Philippe Noble, 350 pages, 22 € . Ecrivain(s): Alexander Münninghoff Edition: Payot

 

Né en Estonie, le philosophe Hermann von Keyserling a publié, entre autres livres, une célèbre Analyse spectrale de l’Europeet un recueil intitulé Voyage à travers le temps (Reise durch die Zeit). L’Héritier du nom, dont le sous-titre indique modestement « chronique familiale », constitue également, à sa manière, un voyage à travers l’Europe d’hier. Comme Keyserling, Alexander Münninghoff est originaire des Pays baltes, où son grand-père s’était installé en venant des Pays-Bas. Avec l’extermination de son importante communauté juive et quatre décennies de communisme, Riga (un peu comme Vienne) a perdu le caractère cosmopolite et commerçant que possédait cette vieille cité hanséatique avant la Seconde Guerre mondiale. Elle offrait alors l’hospitalité à des citoyens scandinaves, néerlandais et allemands (nous ne sommes pas loin de Königsberg, la ville natale de Kant). Il y était courant, du moins dans les strates supérieures de la société, de parler trois ou quatre langues.

L’Emporte-voix, Bruno Doucey

Ecrit par France Burghelle Rey , le Mercredi, 09 Mai 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

L’Emporte-voix, La Passe du Vent, février 2018, 78 pages, 10 € . Ecrivain(s): Bruno Doucey

 

Depuis toujours Bruno Doucey fait entendre la poésie qui, selon lui, n’existe que si elle est lue car la littérature doit être vivante et n’est pas affaire de solitude. Il est le parrain de l’événement « Mots dits Mots lus » qui organise la journée sidérale de la lecture à haute voix dont la 3° édition a lieu le 30 juin 2018. Ainsi le recueil est-il sorti dans le cadre du Printemps des poètes chez un éditeur à vocation sociale.

L’incipit révèle la double préoccupation de Bruno et, à la fois, son objectif « Ecrire lire ». Ainsi le champ lexical du dire commence-t-il d’emblée à être filé avec, au centre du poème, « une parole vive » et, en sa chute, l’affirmation d’une essentielle amitié :

 

Un fil d’or relie nos vies

comme les étoiles d’une constellation