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Les Livres

Le Trille du Diable, romans, Dominique Preschez

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 15 Mai 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Tinbad

Le Trille du Diable, romans, février 2018, 152 pages, 18 € . Ecrivain(s): Dominique Preschez Edition: Tinbad

 

« Dans la vie éblouie par l’instant d’amour, où tout va sans rémission aucune ; oiseaux que nous sommes en fusion avec quel autre continent de nos propres origines, inconnues ? retenu par l’erreur fortuite d’une rencontre furtive, à pied d’air, l’homme jeune à genoux, goûte à sa langue percée d’un écrou qui adhère…

Le faut-il ? s’accorder avec le premier venu, comme si même à venir la vie se devait d’attendre la rencontre ; et se survivre à soi… ».

Le Trille du Diable accorde le roman, les romans, à l’improvisation musicale, la note, comme la phrase est tenue, elle virevolte et côtoie d’autres phrases, d’autres notes, qui ne cessent de résonner. Le Trille du Diable est un roman en résonnance avec la vie, les vies de Dominique Preschez. Dans la partition de sa vie vécue et romancée – Je vis, donc j’écris. Je vis, donc je joue –, l’écrivain musicien fait résonner sa phrase accordée à celle qui la précède et à celle qui va s’écrire, qui va naître – faire entendre les trilles avec ses petites figures de notes qui augurent de la suite –, comme naissent les accords les plus fulgurants et les plus surprenants. Et s’il mise sur la résonnance, il affectionne aussi les ruptures, les cassures, les changements de pied et d’accords, de tempo – écrire c’est aussi ne pas craindre de sauter dans le vide.

Poste restante à Locmaria, Lorraine Fouchet

, le Lundi, 14 Mai 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Héloïse D'Ormesson

Poste restante à Locmaria, avril 2018, 384 pages, 21€ . Ecrivain(s): Lorraine Fouchet Edition: Héloïse D'Ormesson

 

Chiara vit entre une mère peu chaleureuse, Livia, qu’elle appelle par son prénom, et sa marraine, Viola, qui a toujours cherché à compenser le manque d’affection de la mère pour sa fille. D’ailleurs, Chiara semble plutôt épanouie, tout juste affectée par l’absence de ce père qu’elle n’a pas connu et qu’elle s’est inventé à partir des nombreux portraits, qui, plus de vingt-cinq ans après le drame, hantent encore l’appartement.

Tout bascule le jour où Viola, trahissant le secret de Livia, dévoile à Chiara que son père ne serait pas ce bel Italien, renversé par une Vespa en traversant la Piazza del Popolo, avant sa naissance, mais un marin breton, que sa mère aurait rencontré juste après le décès de son jeune époux. C’est la consternation. Livia, de son côté, ne comprend pas pourquoi sa meilleure amie l’a trahie, mais cette dernière se mure dans le silence. Quant à Chiara, elle décide de tout quitter du jour au lendemain pour se lancer sur les traces de ce père hypothétique, qu’elle espère encore vivant.

Entre art des fous et art brut, La collection Sainte-Anne

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Lundi, 14 Mai 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Arts

Entre art des fous et art brut, La collection Sainte-Anne, Somogy éditions d’art, Musée d’Art et d’Histoire de l’hôpital Sainte-Anne, 2017, 160 pages, 240 illustrations, 22 €

 

Cet ouvrage est édité à l’occasion de deux expositions au musée d’Art et d’Histoire de l’hôpital Sainte-Anne – MAHHSA –, successives et complémentaires, qui se donnent à voir sous l’égide d’un très beau titre : Elle était une fois. Acte I : la Collection Sainte-Anne, les origines, présentée du 15 septembre au 26 novembre 2017, et Elle était une fois. Acte II : la Collection Sainte-Anne, autour de 1950, présentée du 30 novembre 2017 au 28 février 2018.

Pourquoi ces expositions ? Cette année, l’hôpital fête ses 150 ans. Voilà – saisie – l’occasion de retracer l’histoire de la Collection Sainte-Anne et de celle du MAHHSA.

Si les œuvres présentées peuvent, à l’instar du cheminement de pensée opéré par Jean Dubuffet, autant nous toucher, c’est parce qu’elles demeurent invariablement, pour qui choisit de les approcher avec son étonnement non pas d’enfant mais de vivant, « support de réflexion quant à l’identité [la dissolution ?] de l’homme qui s’engage dans un processus de création », quel que soit cet homme, qu’il soit défiguré ou non, de l’intérieur sans fond, par le soleil obscur de la maladie.

Lettres d’Angleterre, Karel Capek (2ème critique)

Ecrit par Yann Suty , le Vendredi, 11 Mai 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays de l'Est, Correspondance, La Baconnière

Lettres d’Angleterre, trad. tchèque, Gustave Aucouturier, 171 pages, 12 € . Ecrivain(s): Karel Čapek Edition: La Baconnière

Sus au Brexit. Ce n’est pas parce que les Anglais tournent le dos à l’Europe que nous devons les ignorer. Il y a tant de choses à voir chez nos voisins d’outre-Manche qu’il serait dommage de ne pas y faire un petit tour.

Pour découvrir (ou redécouvrir) un pays étranger, un guide touristique est indispensable. Et quel meilleur guide qu’un écrivain ? Certes, il ne va pas forcément s’intéresser aux horaires d’ouverture de la National Gallery ou de la Tour de Londres – à tant de données bassement pratiques –  mais il peut nous présenter le pays autrement, en empruntant des chemins de traverses. Ajoutez-y quelques considérations humoristiques ou morales et on se retrouve très loin du Guide du routard.

Notre guide, c’est Karel Capek. Il voyage en Grande-Bretagne et il y écrit des lettres pour faire partager ses découvertes. Et quand les mots ne suffisent pas – même quand on est une plume ingénieuse comme l’auteur de La Guerre des salamandres – il ajoute des dessins. A croire qu’une image est plus parlante qu’un long discours. Mais quel que soit le talent de celui qui s’y attèle, une photo de horse-guard sera sans doute plus parlante qu’une description pour rendre compte de ce haut chapeau haut et étroit, noir et poilu dont s’affublent les gardes de sa Majesté. Les habitudes anglaises peuvent-elles mettre à mal les plus fieffés lettrés ?

La vérité attendra l’aurore, Akli Tadjer

Ecrit par Stéphane Bret , le Vendredi, 11 Mai 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Jean-Claude Lattès

La vérité attendra l’aurore, février 2018, 248 pages, 18 € . Ecrivain(s): Akli Tadjer Edition: Jean-Claude Lattès

 

Mohamed est ébéniste au passage du Grand-Cerf à Paris. Il n’a pu résoudre l’énigme, la grande douleur de la disparition de son frère Lyes. Celle-ci est intervenue pendant les années de la guerre civile qui opposa les Islamistes du GIA à l’armée algérienne, causant la mort de plusieurs centaines de milliers d’Algériens. Le roman débute par la description d’une photo prise le 11 août 1993 au Cap Carbon, station balnéaire située sur la corniche kabyle. Mohamed a nourri, on l’apprend par la suite, de grands espoirs pour son frère, promis à une carrière brillante en préparant une grande école, un modèle d’intégration réussie… C’est leur mère, Aïcha, qui a décidé de célébrer l’anniversaire de Lyes dans son village natal à Kseur. Vingt-cinq ans plus tard, Mohamed reçoit sur son compte Facebook un message d’une certaine Houria, dont on apprendra plus tard, à la fin du roman, qu’elle a des liens de parenté avec Mohamed : il est son oncle. Pourtant, ce qui est décrit dans ce tendre roman, c’est le pouvoir de la nostalgie : celle de l’enfance de Mohamed à Gentilly, dont le cinéma Le Gaîté-Palace est le cœur des souvenirs, des films vus avec Nelly, une amie de l’époque dont Mohamed est toujours resté très amoureux. Nous nous construisons avec nos souvenirs d’enfance, et ne pouvons nous permettre le luxe de les évacuer :