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Les Livres

Les Soliloques du Pauvre et autres poèmes, Jehan-Rictus

Ecrit par Marc Ossorguine , le Lundi, 11 Juin 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Au Diable Vauvert

Les Soliloques du Pauvre et autres poèmes, 224 pages, 5 € . Ecrivain(s): Jehan-Rictus Edition: Au Diable Vauvert

 

La poésie a souvent chez nous, en France, un statut très élitiste. Il y a une sorte de prestige accordé à la poésie, une mythique (voire une mystique) du poète qui plane au-dessus de la langue et du commun des mortels, une révérence qui relève presque du sacré. Pour seuls compagnons dans les hautes sphères de la littérature et de l’esprit, le poète n’a que d’autres poètes… et les quelques « privilégiés » qui le lisent et peuvent réciter ses poèmes, aussi abscons furent-ils. L’école a beau y faire, la poésie, les poèmes et les poètes, hormis de rarissime exception, c’est pas pour tout le monde. Qu’il y ait ailleurs des festivals de poésie qui attirent des milliers de spectateurs, des concours de poésie qui s’affichent aux heures de grandes écoutes sur les écrans, on peut le savoir sans vraiment y croire. Mais peut-être n’est-ce qu’une question de forme… Il se pourrait bien que chez nous la poésie se soit réfugiée dans le monde de la chanson… S’il y a une poésie rare et maltraitée par l’édition (la faute aux lecteurs, paraît-il), il y a aussi la poésie « populaire ». Une tradition qui s’incarne aujourd’hui dans le slam, dans le soin du texte de certains auteurs de rap. Eux-mêmes héritiers des Brassens, Ferré, Brel, Gainsbourg… et au-delà de ceux qu’on appelait parfois « chansonniers ».

Noli me tangere, Andrea Camilleri

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 11 Juin 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Métailié, Italie

Noli me tangere, mai 2018, trad. italien Serge Quadruppani, 144 pages, 16 € . Ecrivain(s): Andréa Camilleri Edition: Métailié

 

Comment un roman a priori policier peut révéler des fulgurances métaphysiques ?

« Noli me tangere » (Ne me touche pas… ou… Ne me retiens pas) est une locution latine tirée de la vulgate, version latine de la Bible. Elle fait référence à l’épisode pascal de la résurrection lorsque Marie-Madeleine découvre le tombeau vide et un étrange personnage qui s’avère être le Christ. L’expression traduit la parole de Jésus envers Marie-Madeleine. Comment faut-il l’entendre, si l’on veut faire une brève exégèse et sans vouloir offenser les interprètes accrédités ?

Ce « Ne me touche pas » dit : je suis autre, j’ai changé, je ne relève plus des lois physiques de l’humanité. C’est un corps glorieux que Marie-Madeleine ne doit pas retenir, un corps de l’entre-deux, entre la résurrection et l’apothéose, entre outre-tombe et ascension. La formule latine instaure donc une distance entre l’invisible et le visible. Cet épisode a inspiré de nombreux peintres qui ont cherché à saisir ce moment sacré, ainsi Giotto, Fra Angelico, Bronzino, Le Titien, Nicolas Poussin… (pour n’en citer que quelques-uns). Il a inspiré également des théoriciens comme Jean-Luc Nancy et des écrivains. Parmi eux, Andrea Camilleri dans un livre, justement intitulé Noli me tangere.

Une question de temps, Samuel W. Gailey

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Lundi, 11 Juin 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Gallmeister

Une question de temps, janvier 2018, trad. Laura Derajinski, 328 pages, 21,30 € Edition: Gallmeister

 

Le mois de septembre 2005 restera à jamais gravé dans l’esprit d’Alice. Pourtant à 14 ans, elle pouvait s’imaginer un bel avenir de jeune fille intelligente, belle et convaincante. Elle réussi d’ailleurs à persuader ses parents de renoncer désormais à faire les frais d’une baby-sitter pour les garder son frère cadet et elle. Elle pense qu’elle est en âge de s’assumer et de surveiller le plus jeune. Alors que sa mère et son père sont sortis, elle garde le petit Jason, quatre ans, l’enfant du miracle, celui que l’on n’attendait plus, né onze ans après sa sœur. Ka-plonk. Ka-plonk. Cet enfant est particulièrement capricieux et colérique et c’est la troisième fois seulement qu’Alice joue les gardiennes. Ka-plonk. Ka-plonk. C’est le moment de mettre Jason en pyjama pour le coucher. Il ne répond pas.Ka-plonk. Ka-plonk. Alice va parcourir la maison en tous sens, jusqu’à ce que se précise à l’entrée de la buanderie ce Ka-plonk. Ka-plonk : Jason, enveloppé dans sa cape de Superman, inanimé, tourne dans le sèche-linge. Après cette macabre découverte, en proie à une immense culpabilité elle s’enfuie de la maison familiale pour ne plus jamais revenir.

Le Lambeau, Philippe Lançon

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 08 Juin 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Gallimard

Le Lambeau, avril 2018, 21 € . Ecrivain(s): Philippe Lançon Edition: Gallimard

 

« Lorsqu’on ne s’y attend pas, combien de temps faut-il pour sentir que la mort arrive. Ce n’est pas seulement l’imagination qui est dépassée par l’événement ; ce sont les sensations elles-mêmes. J’ai entendu d’autres petits bruits secs, pas du tout de bruyantes détonations de cinéma, non, des pétards sourds et sans écho, et j’ai cru un instant… mais qu’ai-je cru, exactement ? ».

Tout bascule ce 7 janvier 2015 vers 10h30. Deuxième épisode d’un feuilleton islamiste morbide, d’une trajectoire nihiliste. Tout bascule dans la salle de rédaction d’un journal satirique, où s’invitent comme le diable deux hommes en noir, « lourdement armés ». Un carnage devait avoir lieu, et il eut lieu. Charlie Hebdo devient le lieu de la dévastation annoncée. Le Lambeau vient de là, de cette zone où s’est imposé le désastre islamiste – Les morts se tenaient par la main. Le pied de l’un touchait le ventre de l’autre, dont les doigts effleuraient le visage du troisième, qui penchait vers la hanche du quatrième, qui semblait regarder le plafond, et tous, comme jamais et pour toujours, devinrent dans cette disposition mes compagnons. Le Lambeau est le récit – l’art de voir, de se souvenir et l’art d’écrire ce que l’on a vu, entendu, senti, vécu, rêvé – d’un chemin de croix inversé, de la mort à la résurrection, des ténèbres à la lumière, de l’effroi à une nouvelle vie.

Vous n’espériez quand même pas un CDD ? de Mathilde Ramadier

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 08 Juin 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Seuil, Bandes Dessinées

Vous n’espériez quand même pas un CDD ? mai 2018, 112 pages, 15 € . Ecrivain(s): Mathilde Ramadier Edition: Seuil

Jungle managériale

Ce roman graphique porte sur les entretiens d’embauche. Art se transforme en rat, une anagramme qui résume la critique du monde de la presse, de la publicité et de l’informatique. Le tutoiement, la blague facile accompagnent la fausse décontraction, cachant l’horreur du travail à la chaîne sous-payé.

Un langage déshumanisé et absurde sert de mot d’ordre et de mode d’emploi ainsi que des concepts très compliqués pour une visée bien banale, celle de vendre des produits de grande diffusion. Impersonnalité, agression et chantage deviennent le lot quotidien des préliminaires d’embauche. Une simple expertise se transforme en mission et les distributeurs de prospectus en prophètes. Il y a des références religieuses, en cours dans les sectes, des espèces d’initiation à la vente avec des scores à atteindre, des distributions de points pour les plus rentables et des blâmes pour les perdants (les moins compétitifs). Un encadrement drastique de supérieurs hiérarchiques dont on ignore la provenance et les compétences réelles rappelle l’école et son côté punitif, ou pire, les dérives totalitaires.