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Les Livres

Je ne sais rien d’elle, Philippe Mezescaze (par Arnaud Genon)

Ecrit par Arnaud Genon , le Mardi, 19 Mars 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Je ne sais rien d’elle, Marest Éditeur, mars 2019, 160 pages, 17 € . Ecrivain(s): Philippe Mezescaze

 

Mausolée pour Irène

En 1987, Philippe Mezescaze publiait L’impureté d’Irène (1), roman autobiographique relatant un été à La Rochelle que le petit Émile, confié à une nourrice, passa avec sa mère qu’il ne voyait que très rarement. Un été durant lequel il devint le spectateur de la naissance puis de l’épuisement d’une passion entre Irène et Ladis, un marin polonais de passage, fou d’amour, rêvant de les emmener avec lui parcourir les océans.

Voici que trente ans plus tard, le réalisateur Nicolas Giraud décide d’adapter au cinéma ce roman. Il avait déjà failli être porté à l’écran après sa première parution. Isabelle Huppert aurait interprété Irène. Mais les aléas du septième art en décidèrent autrement. Nicolas invite alors son auteur à assister à la première semaine de tournage sur les lieux mêmes où se déroulèrent les événements, ces lieux qu’il « pensai[t] ne plus revoir, où [il se] refusai[t], pour des motifs laissés indéchiffrés, à revenir ».

Martin Heidegger La vérité sur ses Cahiers noirs, Friedrich-Wilhelm von Herrmann, Francesco Alfieri (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 19 Mars 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Gallimard

Martin Heidegger La vérité sur ses Cahiers noirs, Friedrich-Wilhelm von Herrmann, Francesco Alfieri, Gallimard, L’Infini, mars 2018, trad. italien et allemand Pascal David, 488 pages, 36,50 €

 

Martin Heidegger est mort voilà plus de quarante ans et c’est peu dire que l’œuvre immense qu’il a laissée n’est pas d’un accès aisé. Il n’eut rien d’un philosophe facile dans le style de Michel Onfray ou de Luc Ferry. Pourtant, quatre décennies après sa disparition, ce penseur, génie pour les uns, magicien de la complication inutile pour les autres (on y reviendra) fait encore parler de lui, pas seulement dans les revues professionnelles de philosophie, mais dans les journaux : ainsi lorsque fut révélé le contenu de ses « cahiers noirs ».

L’expression même de « cahiers » ou de « carnets noirs » était de nature à susciter des fantasmes. Il s’agit simplement de carnets recouverts de toile noire, comme chacun peut s’en procurer dans le commerce, afin de noter ce qu’il juge bon de l’être. Heidegger y transcrivait jour après jour des réflexions qui, ensuite, prenaient ou non place dans ses cours, ses conférences ou ses essais. Rien que de très banal, sauf que par une sorte de synecdoque, la couleur noire des couvertures en est venue à désigner une partie du contenu.

Anthologie littéraire décadente, Textes et nouvelles (fin XIXe-début XXe siècle), Marianne Desroziers (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Lundi, 18 Mars 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Anthologie littéraire décadente, Textes et nouvelles (fin XIXe-début XXe siècle), Editions de l’Abat-Jour, décembre 2018, préface Eric Dussert, 213 pages, 15 € . Ecrivain(s): Marianne Desroziers

Quelle bonne idée !

Rééditer des auteurs méconnus ou tombés dans les oubliettes littéraires peut être risqué, parce qu’on pourrait a priori penser qu’ils ont été mis au placard en raison de leur piètre talent ou du peu d’intérêt que présentent leurs œuvres.

Il n’en est rien ici.

Les créateurs des œuvres compilées sous la direction de Marianne Desroziers ont été plus ou moins reconnus de leur vivant par leurs pairs, et certains de ceux qui ont été oubliés post-mortem ont été remis ponctuellement à l’honneur par les surréalistes dont on connaît le goût pour les contes et nouvelles fantastiques.

Selon Tzvetan Todorov (Introduction à la littérature fantastique), le fantastique se distingue du merveilleux par l’hésitation qu’il produit entre le surnaturel et le naturel, le possible ou l’impossible et parfois entre le logique et l’illogique.

Les nouvelles révélations de l’être, Antonin Artaud (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 18 Mars 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Théâtre, Fata Morgana

Les nouvelles révélations de l’être, février 2019, 48 pages, 12 € . Ecrivain(s): Antonin Artaud Edition: Fata Morgana

 

L’introduction au néant

Dès 1937 – date de l’écriture de ce texte – Artaud inscrit de facto sa schize : « je ne suis pas mort, je suis séparé ». Ce « mort au monde » se trouve déjà incapable de parler en son nom et va commencer le cycle des rétentions en asiles psychiatriques.

S’inscrit déjà ici ce que les Cahiers terminaux finiront dans cette tentative de se débarrasser de la matrice de la tache de naissance, des vices de la chair et de l’esclavage qu’elle enclenche.

S’inscrivent les premières scènes (tragiques et fulgurantes) du « théâtre généralisé » de l’auteur. Elles sont la véritable introduction au néant. La mort n’est plus tenue à distance.

Se sent déjà comment la terre aspire l’être dont elle se nourrit jusqu’aux « crachats ». Artaud rentre directement en rapport avec les semences immondes qui sont les restes et les cendres. Comme plus tard dans les Lettres relatives aux Tarahumaras, il vit – ou subit – là mais sous un registre totalement opposé une « expérience organique ».

Le mendiant sans tain, Philippe Leuckx (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Lundi, 18 Mars 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Le mendiant sans tain, éd. Le Coudrier, février 2019, ill. Joëlle Aubevert, préface Jean-Michel Aubevert, 54 pages, 16 € . Ecrivain(s): Philippe Leuckx

 

« Ma peau n’est qu’un poème déserté Qui m’inflige patience » : c’est effectivement à sa fleur que s’entame cette absence de toucher qui fait si mal à l’indifférence.

Y aurait-il triste mais lumineuse référence à rappeler que « parfois un souvenir étoile un front éteint » et faire ainsi un parallèle indirect à l’individu isolé montré du doigt ?

Avec ce carton littéraire à vouloir protéger cette grandiose image de l’être seul, mais profond, Philippe Leuckx ne rate pas sa cible à vouloir dénoncer ce « nœud de la douleur allongé (A s’allonger) ainsi sans se plaindre ».

Les images sont telles que le poète semble avoir vécu, lui-même, l’expérience de « n’être qu’un reflet De l’autre côté de la vitre Ou de la vie ».

Mais le poète n’est-il pas éponge pour ses semblables ?