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Les Livres

Tête en bas, Etienne Faure, par Nathalie de Courson

Ecrit par Nathalie de Courson , le Vendredi, 31 Août 2018. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Tête en bas, Etienne Faure, Gallimard, mai 2018, 140 pages, 15 €

 

Tête en bas, sixième recueil de poésies d’Etienne Faure, est un livre non moins acrobatique – voire vertigineux – que son titre et ses deux exergues :

« Celui qui chute, vole », Hannah Arendt

« … je voyais l’envers de la vie que l’on menait en ville… », Anton Tchekhov

La composition de l’ensemble reste, comme celle des recueils précédents, rigoureuse, équilibrée, avec 130 poèmes de seize à vingt vers, répartis en douze sections et s’étendant chacun sur une page et une phrase à la fois. Ils portent tous un titre placé, à deux exceptions près, à la fin du poème, en quelque sorte tête en bas. Cette caractéristique de la manière d’Etienne Faure, partagée avec les autres recueils, prend ici toute sa signification, dans des pages que l’on est amené à reparcourir de bas en haut en même temps que s’effectuent dans les thèmes traités diverses descentes, remontées et retournements en doigts de gants.

Made in Trenton, Tadzio Koelb

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 30 Août 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, La rentrée littéraire, Buchet-Chastel

Made in Trenton, août 2018, 254 pages, 19 € . Ecrivain(s): Tadzio Koelb Edition: Buchet-Chastel

 

Dans l’après-guerre immédiat dans le New Jersey, Abe Kunstler est ouvrier dans les aciéries. Il sort à peine des affres de la guerre qu’il a faite en Europe et dont dit-il il garde une phrase qu’il répète à l’envi : « J’ai été mutilé pendant la guerre ». L’homme est petit, plutôt malingre, mais on ne sait pas en quoi consiste la « mutilation » dont il parle. Aucun de ses compagnons d’usine ne semble remarquer la moindre anomalie : Abe est costaud, bon buveur, bon danseur les soirs de sortie, et bon raconteur d’histoires drôles. Il est tendre avec les filles, en particulier avec les filles paumées, à qui il donne un coup de main chaque fois que l’occasion se présente. Abe est loin du comportement machiste et vulgaire de ses compagnons.

C’est donc autour de cette énigmatique « mutilation » que Tadzio Koelb construit le début de son intrigue et nous propose un formidable voyage dans la classe ouvrière de la Côte Est à la fin des années quarante. La pauvreté est endémique, les rapports entre les hommes rudes, parfois violents, les dancings de la fin de semaine restent la seule distraction – on paye un ticket pour avoir droit à une danse avec une femme. Danse n’est pas le mot exact, disons plutôt contact rapproché avec le corps d’une femme.

Le Bruit du dégel, John Burnside (seconde critique)

Ecrit par Cathy Garcia , le Jeudi, 30 Août 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Métailié, La rentrée littéraire

Le Bruit du dégel, août 2018, trad. anglais (Écosse) Catherine Richard-Mas, 362 pages, 22 € . Ecrivain(s): John Burnside Edition: Métailié

 

DansLe Bruit du dégel, la patte, ou plutôt la texture de l’auteur de L’Eté des noyés se confirme. Cette même lumière intérieure, une sorte de douceur un peu étrange qui baigne le roman, qui en floute les contours, adoucit les angles, même les plus tranchants. On pourrait penser que John Burnside peint ses romans plus encore qu’il ne les écrit et ce n’est sans doute pas un hasard si l’art tient une grande place dans son écriture. Mais, si la peinture était omniprésente dans L’Eté des noyés, ici ce sont surtout le cinéma, la musique : images, ambiances, atmosphères… Les sens du lecteur sont extrêmement sollicités, y compris celui du goût, et nous lisons le roman comme nous regarderions des morceaux de films, où les personnages s’appréhendent peu à peu dans leur complexité, leur solitude, leur histoire particulière, souvent dramatique. Et justement, dans Le Bruit du dégel, c’est de cela qu’il est question : d’histoires, des morceaux de vie racontés par Jean, une vieille dame qui vit en lisière d’une forêt, qui coupe son bois, fait des beignets aux pommes et concocte des tisanes et adore aller boire un café accompagné d’une délicieuse pâtisserie, au Territoire sacré.

Soluble dans l’œil, Yusuf Kadel

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 30 Août 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Soluble dans l’œil, éd. Acoria, Coll. Paroles poétiques, 2010, Préface Shenaz Patel, 100 pages, 14 € . Ecrivain(s): Yusuf Kadel

 

Yusuf Kadel figure assurément parmi les poètes mauriciens contemporains les plus talentueux. Son écriture poétique brille par une recherche incessante d’originalité, par la spontanéité avec laquelle elle sort des sentiers littéraires battus, par l’audace (certes non singulière ni véritablement novatrice si on pense à Apollinaire, ce précurseur de la rupture des codes de la poésie dite classique) avec laquelle elle défie le lecteur et cherche constamment à le dérouter de toute possibilité de sens unique.

Le recueil est en deux parties, intitulées respectivement Soluble dans l’œil et En marge des messes.

Chacun de ces ensembles fonde sa propre problématique, qu’il convient donc de distinguer, même si le second est l’illustration et l’amplification des spécificités poétiques du premier.

Soluble dans l’œil :

Les fureurs invisibles du cœur, John Boyne

, le Mercredi, 29 Août 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Jean-Claude Lattès, La rentrée littéraire

Les fureurs invisibles du cœur, août 2018, trad. anglais Sophie Aslanides, 592 pages, 23,90 € . Ecrivain(s): John Boyne Edition: Jean-Claude Lattès

 

Les fureurs invisibles du cœur, ce sont d’abord celles de Cyril, le narrateur qui dresse un portrait sans complaisance de la société irlandaise des années 40 et des décennies suivantes.

Dés la première scène le ton est donné : enceinte à 16 ans, la mère de Cyril est publiquement bannie et elle doit quitter sa famille et s’exiler à Dublin sans un sou en poche.

Abandonné dès sa naissance, Cyril est confié par une nonne bossue à Charles, un homme d’affaires qui fraude le fisc, et à sa femme, Maude, romancière qui pense que le succès littéraire est vulgaire, ce qui ne l’empêche pas de passer ses journées derrière sa machine à écrire, noyée dans un rideau de fumée car elle grille clope sur clope.

Maude et Charles Avery élèvent Cyril de façon à ce qu’il ne manque de rien mais ne ratent pas une occasion de lui rappeler qu’adopté, il n’est pas un véritable Avery. Et c’est bien le drame de Cyril, il ne sait pas d’où il vient, qui il est, ni pourquoi, contrairement aux autres garçons, il n’aime pas les filles.