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Les Livres

Pense aux pierres sous tes pas, Antoine Wauters

Ecrit par Carole Darricarrère , le Mercredi, 22 Août 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Verdier

Pense aux pierres sous tes pas, août 2018, 192 pages, 15 € . Ecrivain(s): Antoine Wauters Edition: Verdier

Honneur 2018 de la Cause Littéraire

Il était une fois dans un « pays de chiens » deux esprits jumeaux joyeux d’âme et de corps : noumène des simples, aumône du sang de la matrice, coup double dans un museau de terre, alliance d’un couteau exquis et de « hanches en montagne de massepain » : « ce suspens remplace l’éternité » dirait l’auteur en citant un autre.

Au pays où l’on n’arrive jamais l’espace fait loi. C’est dans une langue luminescente d’âpreté réconciliant l’horizon et la verticalité que récit et poésie vont y dérouler le fil incandescent d’un conte sans concession dans les anneaux duquel Saint-Ex aurait reconnu sa fleur et Faulkner son Absalon – « Parle-moi du Sud. Comment est-ce là-bas ? Qu’est-ce qu’on y fait ? Pourquoi y demeure-t-on ? Pourquoi y vit-on ? », W.F., Absalon ! Absalon !).

La Somme de nos folies, Shih-Li Kow

Ecrit par Fanny Guyomard , le Mercredi, 22 Août 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Roman, La rentrée littéraire, Zulma

La Somme de nos folies, août 2018, trad. anglais (Malaisie) Frédéric Grellier, 384 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): Shih-Li Kow Edition: Zulma

 

« Il se passe des choses ici, il s’en passe ailleurs. C’est toujours pareil ». Mais il y a différentes manières de les raconter. Un art dans lequel Shih-Li Kow excelle.

L’auteur nous entraîne dans la Malaisie actuelle, entre la frémissante capitale Kuala Lumpur et un paisible village. Paisible ? Seulement en apparence. Car lorsqu’on y regarde de plus près, la vie campagnarde, loin d’être monotone, est rythmée par le caractère mordant des habitants. Aussi ravageurs que la pluie torrentielle qui ouvre le récit.

La grand-mère au fort caractère, la cinglée éleveuse de sangsues, la sentimentale et faussement dévote directrice d’un orphelinat, l’adorable transsexuel engagé… Cette panoplie de personnages fait monde commun, mais chacun défend sa cause, sa part d’irrationnel, sa petite folie personnelle.

Passage des ombres, Arnaldur Indriðason

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Mercredi, 22 Août 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques, Roman, Métailié

Passage des ombres, mai 2018, trad. islandais Eric Boury, 304 pages, 21 € . Ecrivain(s): Arnaldur Indridason Edition: Métailié

 

Auteur islandais, Arnaldur Indriðason appartient à la génération des auteurs à succès de romans noirs « nordiques », qui ont pris il y a maintenant plusieurs décennies la relève des romanciers anglo-saxons, jusque-là maîtres incontestés du genre : Stieg Larsson, Henning Mankell, Liza Marklund, Åke Edwardson, Johan Theorin (suédois), Jo Nesbo (norvégien), Jussi Adler-Olsen (danois), concurrencent aujourd’hui l’Américain Harlan Coben, pour ne citer que celui-ci. Les intrigues de ces « nouveaux » polars innovent avec des décors venus du froid et une réserve manifestée par les enquêteurs scandinaves et nordiques, dont est proche – souvent – Fred Vargas.

A l’heure où le roman policier profite des effets de la mondialisation (en explorant la Chine ou l’Amérique du Sud, par exemple), la toponymie du roman d’Indriðason demeure exclusivement islandaise, cantonnée à la ville de Reykjavik et à une région du Nord du pays où une petite part de l’intrigue prend place : rue Frikirkjuvegur, où se trouve la Criminelle, Skuggahverfi, le quartier des Ombres, les rues Hverfisgata et Lindargata, près du Théâtre national. La couleur locale est ainsi préservée.

Helena, Jérémy Fel, par Yann Suty

Ecrit par Yann Suty , le Mercredi, 22 Août 2018. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Rivages

Helena, Jérémy Fel, Rivages, août 2018, 800 pages, 23 €

 

Faire peur, créer le suspense, maintenir en haleine, c’est aussi une question de méthode. Jérémy Fel connaît les classiques du genre suspense-horreur de « l’ère moderne », qui auraient pour roi celui qui s’est justement affublé d’un tel nom, Stephen King. Dans son deuxième roman, Helena, l’influence du maître de l’horreur est incontestable, avec des scènes qui ne sont pas sans rappeler certains passages de Misery, de Carrie ou encore de Ça. Les hommages (ou emprunts) à d’autres auteurs ou personnages du genre sont d’ailleurs légion, et on pourra déceler ici ou là des clins d’œil à Dexter, à Dragon Rouge, au Silence des Agneaux, mais aussi à David Lynch ou aux portraits de tueurs en série de Stéphane Bourgoin. Soit autant d’ingrédients qui permettent de concocter un thriller avec ce qu’il faut de sanglant, de suspense, voire de fantastique.

Mais Jérémy Fel est un habile cordon-bleu. Car s’il montre, et particulièrement au début de son deuxième roman,Helena, qu’il connaît les recettes classiques du genre (mais doivent-elles pour autant être des passages obligés ?), il parvient au fur et à mesure à se les réapproprier, à les personnaliser, pour livrer au final un ouvrage qui est bien plus qu’un simple pastiche ou un hommage aux maîtres du genre.

François, portrait d’un absent, Michaël Ferrier

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 21 Août 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard, La rentrée littéraire

François, portrait d’un absent, août 2018, 256 pages, 20 € . Ecrivain(s): Michaël Ferrier Edition: Gallimard

 

« Ça arrive comme une vague.

Cette nuit-là, j’ai compris ce qu’était une voix blanche. La voix de Jérôme était blanche.

Maintenant, les souvenirs affluent. Ça arrive comme une vague ».

C’est une vague qui emporte François et sa fille Bahia, ce jeudi 26 décembre d’une année qui n’existe plus, sur une plage de l’île de La Graciosa aux Canaries. Une vague venue de loin, invisible, va harponner François et sa fille, une vague silencieuse qui donne le jour à un livre inspiré et profond. François, portrait d’un absent oscille entre le roman et le récit, dans le battement au cœur du souvenir, des souvenirs partagés. Des souvenirs comme des apparitions, qui se glissent avec grâce dans le livre, avec cet art unique de faire apparaître les disparus, de consacrer une présence, de rendre à la vie ceux qui s’en sont absentés. François, portrait d’un absent comme une vague fait surgir le passé commun des deux amis, leurs quatre cents coups, les années lycée, leur densité poétique, les années où se mêlent musiques et ivresses, un œil sur Monk, et une oreille à l’écoute de Leonhardt, des musiciens poètes, l’un danse, l’autre s’envole, ce sont deux oiseaux musiciens aimés de la beauté, comme l’était François.