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Les Livres

Le Livre contre la mort, Elias Canetti

Ecrit par Gilles Banderier , le Vendredi, 06 Juillet 2018. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Langue allemande, Albin Michel

Le Livre contre la mort, janvier 2018, trad. allemand Bernard Kreiss, postface Peter von Matt, 490 pages, 25 € . Ecrivain(s): Elias Canetti Edition: Albin Michel

 

Le Livre contre la mort est un ouvrage qu’Elias Canetti n’a pas réellement écrit. Que faut-il entendre par là ? Comme la plupart des écrivains, Canetti accumula au long de son existence des notations éparses, dont une partie est passée dans son œuvre « anthume », qui lui valut le Prix Nobel de littérature en 1981. Le processus est banal. L’originalité de Canetti tient à ce que, de bonne heure, l’attention de l’écrivain se trouva concentrée sur un objet, ou plus exactement un sujet bien précis : la mort. Ainsi naquit l’idée d’un traité dirigé contre le plus universel des phénomènes : « Après le décès de ma mère, je me suis juré d’écrire le livre contre la mort » (p.320). Le projet fut formalisé dans une note du 15 février 1942 : « J’ai décidé aujourd’hui de noter mes pensées contre la mort telles que le hasard me les apporte, dans le désordre et sans les soumettre à un plan contraignant. Je ne puis laisser passer cette guerre sans forger en mon cœur l’arme qui vaincra la mort » (p.29).

En son temps, Jean-Louis Rambour

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Vendredi, 06 Juillet 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Arts

En son temps, Editions L’Aventure Carto, mai 2018, photographies Yvon Kervinio, 31 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Jean-Louis Rambour

 

L’« Avertissement » nous renseigne sur la démarche : c’est le photographe ici (en l’occurrence Yvon Kervinio) qui a sollicité l’écrivain-poète (en l’occurrence Jean-Louis Rambour) pour écrire sur des paysages et des gens immortalisés à une époque, en un lieu, dans des clichés photographiques. Le résultat est ce superbe livre des éditions L’aventure carto (éditeur morbihannais de cartes, photopostales et livres) avec, en regard des prises de vue, des textes tenus à hauteur de l’humanité « des gens » qu’il célèbre. Jean-Louis Rambour le poète n’a eu connaissance, avant d’en écrire une histoire, ni du lieu ni de la date ni des circonstances des « images en reportage » focalisées par le breton Yvon Kervinio. Son imaginaire demeurait donc intact, libre de prendre le large vers le ciel de son choix.

Nous voyons, par les « yeux » du poète, des vies uniques fixées sur la photographie reprendre une vie singulière. Des gestes de situations communes, de la vie courante surgissent – un homme portant le landau d’un enfant pour descendre quelques marches, des joueurs de boules « mesur(ant) les distances en usant de (leur) ombre », un ancien enfournant le pain, un accordéoniste égayant guinguette une fête locale…

Le Caméléon, David Grann

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 05 Juillet 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Récits, Allia

Le Caméléon (The Chameleon), trad. américain Claire Debru, 87 pages, 3 € . Ecrivain(s): David Grann Edition: Allia

 

Encore un de ces petits livres magiques édités par Allia sous la signature de l’excellent David Grann. Et, bien sûr, Grann reste fidèle à son projet littéraire : écrire des histoires réelles, sans le moindre ajout fictionnel, dans leurs détails les plus exacts, et choisies parmi les affaires contemporaines les plus incroyables.

Il s’agit cette fois de l’affaire Bourdin dit « le caméléon », affaire qui se déroula dans les années 90 et au début des années 2000.

Frédéric Bourdin est né en 1974, d’une liaison entre sa mère Ghislaine Bourdin et Kaci, un ouvrier immigré algérien qui s’avèrera déjà marié et plusieurs fois père. Sa mère va l’élever (mal) seule. A l’âge de 18 ans, Frédéric Bourdin commence à se livrer à des dizaines d’impostures pendant lesquelles, avec une habileté hors du commun, il se fait passer pour divers personnages. Parmi ses métamorphoses les plus mémorables, David Grann en choisit deux, dont on se demande encore comment elles ont pu avoir lieu, tant les situations semblent les rendre impossibles.

Casting sauvage, Hubert Haddad

Ecrit par Fawaz Hussain , le Mercredi, 04 Juillet 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Zulma

Casting sauvage, mars 2018, 160 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Hubert Haddad Edition: Zulma

 

La rue pullule d’étoiles anonymes

Une danseuse professionnelle était à deux doigts de toucher les étoiles, de concrétiser son rêve suprême lorsque « des meurtriers indélicats ont brisé son élan ».

La vie pour Damya s’arrête le 13 novembre 2015 à la terrasse d’un café. Elle avait un rendez-vous avec le bonheur à l’état pur en la personne d’un « beau garçon au visage franc, sans casier judiciaire » rencontré la veille. Elle ne se doutait pas qu’elle venait de croiser le chemin d’Azraël, archange de la mort, et d’« un tueur potentiel en attente d’un ordre de mission ». Elle mettra du temps à prononcer le nom d’Amir, prince de l’obscurantisme, le salafiste artisan de sa chute. Le mal est irréparable, la victime à la peau blanche comme du lait ne pourra plus jouer Galatée, un rôle mis en scène par Igor, un exilé volontaire de Bosnie et pour lequel elle était faite. Après les attentats, elle avance en exclue, elle dont « la ballerine claudicante donne à rire ».

L’empreinte du visible, Marie Alloy

Ecrit par Carole Darricarrère , le Mercredi, 04 Juillet 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Arts, Al Manar

L’empreinte du visible, 2017, 148 pages, 25 € . Ecrivain(s): Marie Alloy Edition: Al Manar

 

« La peinture ne peut être ni actuelle ni inactuelle (…) inutile de vouloir situer sa propre recherche en fonction de la période contemporaine car le geste artistique précède la conscience temporelle et la dépasse par la force de sa propre nécessité ».

Marie Alloy est artiste peintre, graveur, essayiste, éditrice de poésie et de livres d’artistes, et une gardienne des quatre éléments en partage de rencontres qui « rêve de peindre des poèmes » et peint « de l’intérieur vers l’intérieur ». Elle participe de cette part souveraine qui roule inlassablement sa pierre de silence en direction du feu créateur, acte revivifiant du chaos de l’harmonie, rayon serviteur de l’ordre alchimique d’un univers-monde. En exergue, une citation de John Berger donne le ton du livre : « L’illusion moderne concernant la peinture, c’est que l’artiste est un créateur. Il est plutôt un récepteur. La création est l’acte par lequel il donne forme à ce qu’il a reçu ».