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Les Livres

Réservoir 13, Jon McGregor (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 28 Mars 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Christian Bourgois

Réservoir 13, janvier 2019, trad. anglais Christine Laferrière, 348 pages, 22 € . Ecrivain(s): Jon McGregor Edition: Christian Bourgois

 

Jon McGregor nous projette, dans son dernier roman, dans un univers où temps et espace constituent la scansion, la matière même de la narration. 13. 13 ans. 13 réservoirs (réservoirs de la retenue d’eau qui a inondé l’ancien village). 13 chapitres.

Une narration comme nulle autre, énoncée dans un rythme époustouflant et qui relève d’un regard panoptique de chaque instant. Les faits, les personnages, les lieux, les éléments naturels qui leur font écrin (faune, flore, saisons) sont tricotés dans une maille serrée qui tisse une histoire dans laquelle le lecteur se fait auditeur. Pas spectateur. On dit de certains romans qu’ils sont très cinématographiques. Réservoir 13 serait impossible à mettre en scène sauf à se livrer à un montage de fou furieux, haché comme de la chair à saucisse. S’il faut lui trouver un support autre que le livre, ce serait plutôt un roman radiophonique où l’auditeur serait invité à entendre la vie des gens d’une bourgade rurale du centre de l’Angleterre.

Pas perdus, Jean-Yves Cousseau (par France Burghelle Rey)

Ecrit par France Burghelle Rey , le Jeudi, 28 Mars 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Arts

Pas perdus, Plessis éditions, mars 2018, 248 pages, 39 € . Ecrivain(s): Jean-Yves Cousseau

 

Avec son sous-titre Sur le passage de Guy Debord à travers une assez courte unité de temps, Jean-Yves Cousseau invite plus sûrement le lecteur à lire l’introduction longue et passionnante qu’il a écrite pour cette Anthologie littéraire et palimpsestes photographiques, comme l’indique une référence en dessous. Sa démarche artistique liée à la photographie se veut, il le dit d’emblée, « pas légers qui s’emboîtent volontiers sur le passage de quelques personnes, perdus dans l’hiver et dans la nuit ».

La rencontre avec Guy Debord commence par un échange d’ouvrages parmi lesquels un livre de photographies, Lieux d’écrits, sur « les maisons d’écrivains » commis par l’auteur lui-même.

Ce n’est que vingt ans après qu’il retrouvera, dans le volume VI de la Correspondance de son ami, la liste de 60 noms que celui-ci avait dressée pour son projet suivant. A partir de là il lui resta à rechercher des « morceaux choisis » et à tisser « le fil » qui reliait ces auteurs « au travers de situations et d’époques éloignées ». A revisiter également l’ensemble de ses archives argentiques conservées depuis trente années pour s’engager dans une aventure « où la matière visuelle d’un savoir et celle savante d’un voir s’uniraient ».

Lettres 1672-1722, Élisabeth-Charlotte Duchesse d’Orléans (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 28 Mars 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Lettres 1672-1722, Élisabeth-Charlotte Duchesse d’Orléans (née Princesse Palatine), Mercure de France, coll. Le Temps retrouvé, janvier 2018, préface Pierre Gascar, édition établie et annotée Olivier Amiel, 736 pages, 12 €

« Il faut que vous ayez perdu tout souvenir de moi pour que vous ne me rangiez pas parmi des laides : je l’ai toujours été et le suis devenue davantage encore par suite de la petite vérole ; de plus ma taille est monstrueuse, je suis carrée comme un dé, la peau est d’un rouge mélangé de jaune, je commence à grisonner, j’ai les cheveux poivre et sel, le front et le pourtour des yeux sont ridés, le nez est de travers comme jadis, mais festonné par la petite vérole, de même que les joues ; je les ai pendantes, de grandes mâchoires, les dents délabrées ; la bouche aussi est un peu changée, car elle est devenue plus grande et les rides sont aux coins » (lettre du 22 août 1698, p.238-239). Il est rare qu’une femme pousse aussi loin la dépréciation de soi. Nous savons, certes, que celle qui écrivit ces lignes ne passait pas pour une beauté, mais à ce point… Elle avait en revanche de l’esprit, et du meilleur. Fille du prince-électeur palatin, Élisabeth-Charlotte avait été arrachée à son Allemagne natale lorsqu’elle se trouva fiancée – évidemment sans qu’on lui demandât son avis – au frère de Louis XIV, Philippe d’Orléans, dont l’homosexualité était notoire. Ce n’est pas le genre de prince charmant dont rêvent les jeunes filles, si laides soient-elles.

Nikolaï, le bolchevik amoureux, Gérard Guégan (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 27 Mars 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Nikolaï, le bolchevik amoureux, éd. Vagabonde, mars 2019, 172 pages, 13,50 € . Ecrivain(s): Gérard Guégan

 

« Désormais, c’est ici, le nez sur la vitre, que tu reprends des forces en accordant la réalité à ton imagination.

C’est ici que tu chasses de ton esprit le Grand Equarisseur, lui qui, contre toute attente, t’a envoyé en secret à Paris avec mission d’acheter au meilleur prix les archives et les manuscrits de Marx que les socialistes allemands, aidés par les mencheviks russes, ont su sauver des flammes et déposer à Amsterdam au lendemain de l’arrivée de Hitler au pouvoir ».

Nikolaï le bolchevik amoureux est le roman du séjour parisien de Nikolaï Boukharine, un bolchevik de la première heure, proche de Lénine, membre du Comité central, et un temps responsable de l’Internationale communiste, un temps fidèle à Joseph Staline, un temps seulement, le temps d’une mission, d’un exil, avant la chute !

Taqawan, Éric Plamondon (par Marc Ossorguine)

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mercredi, 27 Mars 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Québec, Quidam Editeur

Taqawan, janvier 2018, 208 pages, 20 € . Ecrivain(s): Éric Plamondon Edition: Quidam Editeur

« En langue mi’gmaq, on nomme taqawan un saumon qui revient dans sa rivière natale pour la première fois. Il passe de une à trois années en mer. (…) S’il a survécu à la gueule des phoques, aux dents des requins, aux gosiers des goélands, aux becs des cormorans, il retrouve sa rivière d’origine, après des milliers de kilomètres parcourus. On ignore toujours sur quel type de radar le saumon peut compter pour retrouver le lieu exact de sa naissance. Il se dirige peut-être à l’aide de la position du soleil et des étoiles. Sachant que le saumon a un odorat très développé, mille fois plus puissant que celui d’un chien, certains pensent qu’il retrouve sa route grâce à l’odeur des rivières ».

Le Canada et sa province francophone… cela nous paraît si plein de pittoresque et de nature que l’on s’en contenterait presque. On peut. Mais ce serait faire fi de la réalité et de l’histoire. L’accent n’empêche guère la violence. La violence qui peut être des plus terribles lorsqu’elle s’exerce, comme ailleurs, sur des minorités. Ici les indiens Mi’gmaq (dont le nom, aussi parfois écrit Micmac, n’a rien à voir avec l’expression française qui désigne une embrouille, même si côté embrouille ils en ont subi quelques-unes) et les « incidents » qui se produisirent en 1981 sur la réserve de Restigouche (devenue Listuguj depuis 1992) : des centaines de policiers pour saisir des filets et interdire la pêche aux indiens, alors que cela faisait partie de leur droits reconnus.