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Les Livres

Platine, Régine Detambel, par Pierrette Epsztein

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Vendredi, 24 Août 2018. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Platine, Régine Detambel, Actes Sud, mai 2018, 192 pages, 16,50 €

Platine, le plus cher de tous les métaux, le plus précieux, un métal rare, mystérieux, inaltérable, relativement malléable, très maniable. Quelle force a ce mot solitaire, titre du dernier roman de Régine Detambel qui nous conte l’existence intense et agitée de turbulences de Jean Harlow. Le récit s’attache à nous faire pénétrer dans l’envers d’un décor trop flamboyant pour ne pas cacher les failles, les béances, les fêlures de la femme, littéralement adulée durant les quelques années de sa courte vie. Malgré le triomphe fulgurant et incontestable de la vedette, le lecteur réalise très vite que la rutilance de ce succès est en fin de compte bien dérisoire. Cette chronique dorée ne s’arrête pourtant pas uniquement à l’histoire d’une des plus grandes stars des années 1930. Sa viséeest beaucoup plus ambitieuse et déborde largement ce cas tout à fait singulier pour atteindre un questionnement bien plus universel.

Jean Harlow, de son vrai nom Harlean Carpenter, naît le 3 mars 1911 à Kansas Citydans l’état du Missouri. Elle ne vient pas d’un milieu modeste. Elle est la fille unique du docteur Carpenter, chirurgien-dentiste, homme faible, et d’une jolie blonde potelée, Jean Carpenter, son épouse qui l’écrase. Très vite le couple fait chambre à part. Et la mère d’Harlean trouve sa consolation dans le bourbon et le cinéma où elle se rend avec sa fille et rêve, devant les beaux acteurs bien musclés, de faire partie un jour de ce monde fabuleux.

Et aussi les arbres, Isabelle Bonat-Luciani

Ecrit par Patrick Devaux , le Vendredi, 24 Août 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Roman, Carnets du dessert de lune

Et aussi les arbres, mai 2018, 76 pages, 13 € . Ecrivain(s): Isabelle Bonat-Luciani Edition: Carnets du dessert de lune

 

Tous les sens de l’auteur sont en éveil à écouter, entendre, distinguer, ressentir à fleur de souvenir jusqu’au trouble qui mêle le haut et le bas, la cime et la racine de l’être, la sève de vivre : « Le ciel a débarrassé le plancher. Il est dans ma tête. Au fin fond. Toujours ça revient ». Les mots sont « tagués » les uns aux autres « pour tenir loin des désordres. Pour tenir loin des solitudes ».

Souvenir d’un premier amour ? Certes. Mais sans « Il était une fois » parce que l’évènement tourne en boucle.

Avec un ton faussement anodin, des choses importantes sont dites, toujours avec cette façon un peu explicative, voire professorale : « Parfois elle lui disait que pour aimer il valait mieux ne jamais rien savoir ».

Avec retours sur l’adolescence, l’image des parents, de la mère plus particulièrement, du corps qui se modifie, la vie en évolution parle à travers le temps qui se souvient de façon obsessionnelle : « Les gens marchent mais c’est dans ton image qui fissure le sol » ou encore : « Lorsque j’approche de ton absence, il y a ce toi bien trop immobile pour regarder ».

Sous les branches de l’udala, Chinelo Okparanta, par Yasmina Mahdi

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 24 Août 2018. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, La rentrée littéraire

Sous les branches de l’udala, Chinelo Okparanta, Belfond, août 2018, trad. anglais (Nigéria) Carine Chichereau, 384 pages, 22 €

 

Dans le roman, Sous les branches de l’udala de la jeune auteure Chinelo Okparanta (née en 1981), le récit est campé à Ojoto (état d’Anambra au Nigéria). On y découvre des espèces rares de minuscules fleurs d’ixora en formes d’étoiles, de bois d’iroko et d’udalad’anacardiers de palmiers à huile, la nourriture locale de garide pois de terre, d’akamu et de feuilles d’oka ; une belle région, où « les arbres et les buissons devenaient alors aussi irréels qu’un mirage, et le soleil une tache indéfinie dans le ciel. (…) C’était le cycle normal des choses la saison des pluies, suivie par la saison sèche, et l’harmattan qui se repliait sur lui-même ».

D’emblée, je suis pénétrée par une sorte d’écriture messianique, entrecoupée de paraboles, d’exemples bibliques, refuge contre la violence d’hommes en armes qui abolissent la tranquillité de ces paysages paradisiaques. Ainsi, la toute jeune fille igbo, prénommée Ijeoma, se remémore l’image du père disparu, une image venue d’avant la guerre fratricide du Biafra, son « odeur de la pommade Morgan », celle du « fumet doux et épicé des akara ».

Comment écrire un livre qui fait du bien ?, Denis Montebello

Ecrit par Sylvie Zobda , le Jeudi, 23 Août 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres

Comment écrire un livre qui fait du bien ?, Le temps qu’il fait, mars 2018, 117 pages, 15,00 € . Ecrivain(s): Denis Montebello

 

« C’est le deuxième copain qui se pend à un arbre que j’ai élagué » est une des phrases qu’aime collecter Denis Montebello. Troublante et mystérieuse, elle suscite l’envie d’écrire. « Ils sont comme ça, les écrivains. Il ne faut rien dire devant eux, rien laisser traîner : ils s’en emparent aussitôt ». Cette bribe de conversation, entendue sur un quai de gare est à l’opposé d’une vision positive et optimiste de la vie. Pas ce genre qui vous illumine la journée, vous sauve de la crise de nerfs, vous redonne le sourire. Pourtant Denis Montebello l’utilise. Son narrateur la met en titre de son livre qui sera son feel-good book. Son essence résidera dans une vision d’une vie en rose gommée de tous les aspects déplaisants. Le titre sera tout un roman.

C’est avec un humour décapant qu’il nous livre ses réflexions sur l’écriture et l’écrivain en évoquant l’histoire d’un auteur en quête de reconnaissance et de succès.

Tuer Jupiter, François Médéline, par Léon-Marc Levy

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 23 Août 2018. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Tuer Jupiter, François Médéline, La Manufacture de Livres, août 2018, 220 pages, 16,90 €

 

Médéline assassine Macron avec des tablettes de chocolat empoisonné. Dans une fiction enlevée, intelligente et fort habile. Le lecteur marche sans rechigner dans ce court roman des plus divertissants.

La structure du récit est inversée : on va des obsèques du Président assassiné jusqu’aux prémices de l’attentat qui va le tuer, quelques mois plus tôt. Ce choix narratif est particulièrement addictif : on veut savoir quel enchaînement d’événements, de décisions, de complots extérieurs, a pu conduire DAESH – car c’est d’eux qu’il s’agit – à choisir cette cible plutôt que n’importe quelle autre.

François Médéline connaît son affaire : il a fréquenté de près et longtemps les cabinets de responsables politiques et la politique en général. Ses portraits – certes imaginaires, on est dans le romanesque – sont saisissants de justesse. Gérard Collomb, notre ministre de l’intérieur, est croqué avec une plume affutée et drôle, et doit se ressembler plus encore que dans la vie réelle. Edouard Philippe, Gérard Larcher (qui est, en tant que président du sénat, Président de la république par intérim) sont « visibles » tant ils sont réalistes.