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Les Livres

Les Racines du hasard, Arthur Koestler

Ecrit par Yannis Constantinidès , le Mercredi, 13 Juin 2018. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Iles britanniques

Les Racines du hasard, Les Belles Lettres, janvier 2018, trad. anglais Georges Fradier, 144 pages, 15 € . Ecrivain(s): Arthur Koestler

Arthur Koestler, auteur prolifique et inclassable, est surtout connu pour son grand roman sur les procès de Moscou, Le Zéro et l’infini (Darkness at Noon), mais il a rédigé aussi de nombreux essais, parfois déroutants comme celui-ci. Les Belles Lettres republient depuis quelques années en rafale ces essais depuis longtemps épuisés ; initiative bienvenue, mais on peut regretter que les vieilles traductions de Georges Fradier chez Calmann-Lévy n’aient pas été révisées à cette occasion. La réédition des Racines du hasard semble d’ailleurs avoir été faite à la hâte, si l’on en juge par la présence d’un énorme doublon (p.72) et par le nombre trop élevé de coquilles (dès le verso de la page de grand titre (!) puis pp.21, 32, 34, 36, 42, 48, 49, 51, 59, 63, 65, 81, 97, 117, 121, 124, 125 (2), 127, 132, 136) pour un éditeur de cette qualité.

Ajoutons que le titre de l’ouvrage, s’il est très suggestif, est trompeur parce que le pur hasard y est justement nié. The Roots of Coincidence (1972) porte plutôt sur les coïncidences signifiantes, c’est-à-dire celles qui semblent obéir à une finalité sous-jacente. Tout l’enjeu de ce livre court mais extrêmement dense est en effet de montrer que ce que l’on pense aléatoire ou arbitraire relève en réalité d’une logique psychique cachée. Car il s’agit ici d’étudier les phénomènes paranormaux, comme la perception extra-sensorielle, la télépathie ou la psychokinèse (télékinésie), à la lumière des acquis récents de la physique la plus théorique !

Matières grises, Michel Joiret, Thomas Joiret, Romain Mallet

Ecrit par Patrick Devaux , le Mercredi, 13 Juin 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Matières grises, Michel Joiret, Thomas Joiret, Romain Mallet, Opium éditions, 2011, préface Werner Lambersy, 199 pages, 34,90 €

 

Comment définir, d’emblée, un « livre-architecture » qui, avec deux mots déjà habilement pensés sur la page de couverture, suscite et fait appel à nos émotions les plus profondes, les plus enfouies, les plus nécessaires ?

Car « marcher là où trempent les rayons » nous éclaire au-delà de nous-mêmes, consultés que nous sommes par notre propre infini, ce que révèle, notamment, le titre de « matières grises ».

« Vois ce que sont les Pattes de mouche de la pensée Les gargouilles inintelligibles de L’encre » clame à qui veut l’entendre (et aussi aux mouettes) Michel Joiret dans ce livre interrogatif au-delà du questionnement lui-même.

La chair et l’esprit, intergénérationnels, se muent en phrases concises et autres cabines de plage comme abandonnées dans la photo sublimant l’instant saisi par les talents alternatifs de Thomas Joiret et Romain Mallet combinant l’œil du professionnel aux mots d’un poète confirmé.

Le Ministère du Bonheur Suprême, Arundhati Roy

Ecrit par Patryck Froissart , le Mardi, 12 Juin 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Roman, Gallimard

Le Ministère du Bonheur Suprême, janvier 2018, trad. anglais (Inde) Irène Margit, 536 pages, 24 € . Ecrivain(s): Arundhati Roy Edition: Gallimard

 

Qui se laissera emporter par ce roman torrentueux de l’amont à l’aval se souviendra longtemps, peut-être à jamais, d’Anjum, dont la vie mouvementée, depuis le jour de sa naissance, est le fil de trame sur lequel va courir une immense chaîne narrative.

Anjum est née Aftab.

« La nuit où Jahanara Bégum lui donna naissance fut la plus heureuse de sa vie. Le lendemain matin, au soleil déjà haut, dans la douce chaleur de la chambre, elle démaillota le petit Aftab. Elle explora son corps minuscule […]. C’est à ce moment qu’elle découvrit, niché sous ses parties masculines, un petit organe, à peine formé, mais indubitablement féminin ».

Jahanara Bégum cache cette particularité hermaphrodite à son mari Mulaqat Ali, lequel, bien que descendant « en droite ligne de l’empereur moghol Gengis Khan », exerce le modeste métier de hakim (soigneur par les plantes), jusqu’au jour où Aftab est contraint de quitter, à l’âge de neuf ans, l’école de musique, ne supportant plus les railleries des autres enfants :

Les Héritiers du Roi-Soleil, Gilbert Mercier

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 12 Juin 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions de Fallois, Histoire

Les Héritiers du Roi-Soleil, février 2018, 300 pages, 22 € . Ecrivain(s): Gilbert Mercier Edition: Editions de Fallois

 

La phrase est une des plus simples qu’on puisse formuler en français : « Le roi est mort ». Sujet – verbe – attribut. Elle a résonné au long des siècles pour dire l’imperturbable continuité de la monarchie, sitôt prononcée la suite : « Vive le roi ! ». Si la phrase est simple, le processus qu’elle résume n’est moins et, dans un cas précis, il avait atteint un niveau de complication particulier.

Le long règne de Louis XIV s’accompagna d’un véritable jeu de massacre parmi ses descendants et successeurs potentiels. Ses six enfants disparurent avant lui. Son fils aîné, le Grand Dauphin, successeur naturel, mourut en 1711. L’année suivante, ce fut le tour du petit-fils, le duc de Bourgogne, pour qui Fénelon avait composé le Télémaque. Saint-Simon l’admirait (c’est assez rare pour être signalé), ce qui ne l’empêcha pas de mourir à trente ans, peu après sa femme et avant son fils aîné. Ne restait plus, comme une flamme vacillante, qu’un arrière petit-fils encore enfant, le duc d’Anjou. Ces décès successifs ne pouvaient qu’exciter les ambitions, surtout parmi les bâtards que le Roi-Soleil avait déposés de ci de là et qui avaient été légitimés. La continuité monarchique en ligne directe ne tenant plus qu’à un fil, tous les espoirs leur étaient permis.

Les Soliloques du Pauvre et autres poèmes, Jehan-Rictus

Ecrit par Marc Ossorguine , le Lundi, 11 Juin 2018. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Au Diable Vauvert

Les Soliloques du Pauvre et autres poèmes, 224 pages, 5 € . Ecrivain(s): Jehan-Rictus Edition: Au Diable Vauvert

 

La poésie a souvent chez nous, en France, un statut très élitiste. Il y a une sorte de prestige accordé à la poésie, une mythique (voire une mystique) du poète qui plane au-dessus de la langue et du commun des mortels, une révérence qui relève presque du sacré. Pour seuls compagnons dans les hautes sphères de la littérature et de l’esprit, le poète n’a que d’autres poètes… et les quelques « privilégiés » qui le lisent et peuvent réciter ses poèmes, aussi abscons furent-ils. L’école a beau y faire, la poésie, les poèmes et les poètes, hormis de rarissime exception, c’est pas pour tout le monde. Qu’il y ait ailleurs des festivals de poésie qui attirent des milliers de spectateurs, des concours de poésie qui s’affichent aux heures de grandes écoutes sur les écrans, on peut le savoir sans vraiment y croire. Mais peut-être n’est-ce qu’une question de forme… Il se pourrait bien que chez nous la poésie se soit réfugiée dans le monde de la chanson… S’il y a une poésie rare et maltraitée par l’édition (la faute aux lecteurs, paraît-il), il y a aussi la poésie « populaire ». Une tradition qui s’incarne aujourd’hui dans le slam, dans le soin du texte de certains auteurs de rap. Eux-mêmes héritiers des Brassens, Ferré, Brel, Gainsbourg… et au-delà de ceux qu’on appelait parfois « chansonniers ».