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Livres décortiqués

Poésie, Raymond Carver

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 13 Janvier 2016. , dans Livres décortiqués, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Poésie, L'Olivier (Seuil)

Poésie, novembre 2015, trad. anglais Jacqueline Huer, Jean-Pierre Carasso, Emmanuel Moses, 432 pages, 24 € . Ecrivain(s): Raymond Carver Edition: L'Olivier (Seuil)

 

Essentiellement, Raymond Carver (1938-1988) est un nouvelliste, l’un des plus importants du vingtième siècle, toutes nationalités confondues, au point que le Sunday Times, le jour de sa mort, titra : « Le Tchekhov américain est mort ». Ses nouvelles sont des tranches de vie, de banalité aurait-on envie de dire, qui montrent des gens normaux à un paroxysme, à la limite de l’explosion, un peu comme celles de Salter ou de Banks, ses contemporains. C’est un regard empathique posé sur le réel que propose Carver dans ses nouvelles, dont au moins deux recueils peuvent figurer en bonne place dans toute bibliothèque : Débutants et Les Vitamines du Bonheur. Mais ce regard empathique n’exclut en rien la critique implicite, celle de ces hommes (et ces femmes) qui courent après des bonheurs dérisoires, voire illusoires, au risque de se détruire. Ce que décrit Carver, au fond, ce sont peut-être bien les ratés de la vie américaine, le terme « ratés » désignant à la fois les personnes et les embardées du moteur de la poursuite du bonheur.

Découverte inopinée d’un vrai métier, suivi de La vieille dette (nouvelles), Stefan Zweig

Ecrit par Patryck Froissart , le Mardi, 12 Janvier 2016. , dans Livres décortiqués, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles, Folio (Gallimard)

Découverte inopinée d’un vrai métier, suivi de La vieille dette, décembre 2014, trad. allemand (Autriche) Isabelle Kalinowski et Nicole Taubes, 115 pages, 2 € . Ecrivain(s): Stefan Zweig Edition: Folio (Gallimard)

 

Les deux nouvelles de Stefan Zweig qui constituent cette édition de poche établie sous la direction de Jean-Pierre Lefebvre ont été extraites de Romans, nouvelles et récits, tome II de la Bibliothèque de la Pléiade (Gallimard).

Découverte inopinée d’un vrai métier

Le narrateur, de la terrasse d’un grand café de Paris, en avril 1931, observe les mouvements de foule des badauds quand son attention est attirée par le manège d’un homme évoluant furtivement ici et là parmi la masse. Il formule une première hypothèse sur le métier de l’individu jusqu’au moment où son observation attentive l’amène, par analyses, déductions, accumulations et confrontations d’indices, à la conviction que l’homme exerce une profession qui se situe à l’opposé du postulat initial. Lorsque le personnage quitte la place, le narrateur, saisi d’une irrésistible envie de le surprendre en pleine occupation, le suit jusqu’au célèbre Hôtel Drouot où se déroule une vente aux enchères. Leurs destins vont ici se croiser concrètement, physiquement, d’une manière singulière…

La Danse du Jasmin, Nadia Sebkhi

Ecrit par Nadia Agsous , le Mercredi, 16 Décembre 2015. , dans Livres décortiqués, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Maghreb

La Danse du Jasmin, éditions Al Kalima, Alger, 2015, 156 pages . Ecrivain(s): Nadia Sebkhi

 

Tout commence au « lever du jour » ; à l’heure où la lumière commence à luire dans la ville ; une cité que l’on devine peuplée, bruyante, habitée par des hommes et des femmes qui vivent leur vie un peu par procuration ; des êtres presque indifférents, soumis-es aux aléas du « destin » qui se fait invisible mais Ô combien imposant !

Et dans ce bouillonnement presque machinal de la vie urbaine, où les destinées se font et se défont, vit Dania. Troisième fille d’une fratrie de quatre femmes. Honte ! Indignité ! Déshonneur ! Malédiction ! Car Dania est née dans une famille qui sacralise à outrance le sexe masculin.

Femme divorcée d’un homme « indifférent à la beauté, à la sensualité, à l’amour » ; un époux qui n’a jamais appelé sa femme par son prénom ; un point commun avec le père qui lui non plus n’a jamais nommé ses quatre filles.

Femme solitaire, vivant seule, dans un studio, où elle passe des nuits insomniaques à faire et à défaire le monde par l’entremise de l’écriture. Car le verbe est le salut de Dania.

La Petite Dorrit, Charles Dickens

Ecrit par Didier Smal , le Samedi, 05 Décembre 2015. , dans Livres décortiqués, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Roman

La Petite Dorrit, Archipoche, avril 2015, trad. de l’anglais par Paul Lorain, révisée par Géraldine Barbe, 2 tomes, 640 pages & 600 pages, 9,65 € & 9,65 € . Ecrivain(s): Charles Dickens

 

Seizième roman de Charles Dickens (1812-1870), souvent présenté, parmi d’autres, comme emblématique de son œuvre, La Petite Dorrit (1855-1857) connut une première publication en dix-neuf livraisons, réunies en deux tomes par l’auteur ; c’est cette subdivision en deux tomes, pratique, qu’ont choisi de respecter les éditions Archi Poche pour cette réédition à la traduction révisée.

Le premier tome est celui de la « pauvreté », ainsi que Dickens l’a intitulé, et l’on voit effectivement Amy Dorrit se vendre comme couturière pour faire vivre son père William, emprisonné à la Marshalsea depuis avant sa naissance ; cet emprisonnement montre le véritable sujet de ce roman : la stupidité, voire l’imbécillité de nombreuses institutions anglaises. Ainsi de la Marshalsea, prison pour dettes que fréquenta le père de l’auteur : on ne peut en sortir qu’une fois ses dettes réglées, alors qu’on ne peut travailler… En poussant le raisonnement jusqu’au bout, on se retrouve, comme le père de la petite Dorrit, à mener la vie d’un « père » putatif pour tous les pensionnaires occasionnels de cette prison…

1984, George Orwell

Ecrit par Didier Smal , le Samedi, 28 Novembre 2015. , dans Livres décortiqués, Les Livres, Critiques, Science-fiction, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Folio (Gallimard)

. Ecrivain(s): George Orwell Edition: Folio (Gallimard)

 

La réédition de 1984 (1948, toujours dans la très bonne traduction d’Amélie Audiberti) est l’occasion de relire l’ultime roman de George Orwell (1903-1950), l’un des plus grands penseurs anglais du XXe siècle, auteur de romans et d’essais, dont certains sont de toute première importance. De le relire, parce que tout le monde, censément, l’a lu, étant donné le nombre de références qui y sont faites quotidiennement dans la presse, de la télé-réalité à l’affaire Snowden en passant par l’omniprésence des caméras de surveillance en Grande-Bretagne : régulièrement, l’actualité semble l’occasion de faire une référence à ce roman que l’on qualifie volontiers de visionnaire.

Rappelons brièvement l’histoire : dans un futur qu’Orwell envisage proche (l’année est 1984), la Terre est divisée entre trois grandes puissances en guerre perpétuelle, Océania, Estasia et Eurasia, avec des alliances fluctuantes. A Londres, dans l’Océania, Winston Smith est employé au Ministère de la Vérité, où sa fonction consiste à réécrire entre autres des articles de journaux en fonction des fluctuations de l’actualité, ou plutôt de la réalité :