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Espagne

Plus jamais ça, Andrés Trapiello

Ecrit par Marc Ossorguine , le Vendredi, 17 Octobre 2014. , dans Espagne, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Quai Voltaire (La Table Ronde)

Plus jamais ça (Ayer no más) traduit de l’espagnol par Catherine Vasseur, septembre 2014, 272 pages, 21 € . Ecrivain(s): Andrés Trapiello Edition: Quai Voltaire (La Table Ronde)

 

Plus jamais ça (Ayer no más), le dernier roman d’Andrès Trapiello traduit en français, fait partie de ces récits qui jouent avec une grande habileté à brouiller les frontières entre fiction, réalité et œuvre en train de se faire, de s’écrire, voire d’être lue. Le narrateur central de ce récit est en effet auteur du livre que nous avons entre les mains, mais il n’est pas l’auteur lui-même, car celui-ci est explicitement mentionné, et critiqué, dans un des chapitres du roman. Mais est-ce bien encore un roman ? L’ironie est poussée jusqu’à la description du livre que vous avez entre les mains, à sa couverture (dans l’édition française, il n’en reste une image, importante, que sur le bandeau promotionnel, qui disparaîtra sans doute rapidement).

De quoi s’agit-il ? De mémoire, d’histoire et de fiction. De vérité, de secret et de mensonge. Encore ! pourrait dire l’auteur lui-même tant ces questions semblent être devenues des « incontournables » dans l’Espagne et la littérature espagnole contemporaine. Comme dans sans doute beaucoup de pays où le souvenir d’une dictature est encore très vif. Trop vif. Pour ne pas dire « à vif », comme on le dit d’une plaie exposée à toutes les germes infectieux.

Années lentes, Fernando Aramburu

Ecrit par Frédéric Aribit , le Jeudi, 21 Août 2014. , dans Espagne, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Jean-Claude Lattès

Années lentes, traduction de l’espagnol par Serge Mestre, avril 2014, 260 pages, 18 € . Ecrivain(s): Fernando Aramburu Edition: Jean-Claude Lattès

 

Peu de littératures sans doute sont aussi inventives que la littérature ibérique pour faire coïncider l’originalité d’une forme et la singularité d’un récit. Et ce n’est pas l’œuvre de Bernardo Atxaga, l’autre grand basque des lettres espagnoles, qui pourrait servir de contre-exemple. Naître en 1959, du côté de Saint-Sébastien, alors que l’Espagne franquiste vient d’être adoubée par l’ONU, n’arrange probablement rien lorsqu’on ne veut pas marcher sur les sentiers battus. 1959, année éloquente : c’est aussi celle de la création d’ETA.

On comprend que les années de jeunesse de Fernando Aramburu soient profondément travaillées par les questions identitaires, la répression franquiste, la lutte armée, les actions clandestines. Comment être ou redevenir basque, quand langue et drapeaux sont interdits ? Mais de cette matière à récit, si proche de nous et déjà d’une autre époque à la fois, il a su tirer un roman audacieux qui alterne et télescope le témoignage historique, subtilement grevé de biographèmes, et le scrupule romanesque : « La littérature d’abord ; et puis, s’il reste un peu de place, la vérité ensuite ». La vérité ? oh, le vilain gros mot.

Tant de larmes ont coulé depuis, Alfons Cervera

Ecrit par Marc Ossorguine , le Vendredi, 20 Juin 2014. , dans Espagne, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La Contre Allée

Tant de larmes ont coulé depuis (Tantas lágrimas han corrido desde entonces), traduit de l’espagnol par Georges Tyras, avril 2014, 224 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Alfons Cervera Edition: La Contre Allée

 

Voici le quatrième roman d’Alfons Cervera, l’écrivain valencien qui nous est offert, traduit en français par le fidèle et complice George Tyras. Après La couleur du crépuscule et Maquis à La fosse aux ours (premiers titres du cycle de la mémoire qui compte 5 romans), puis Ces vies-là à la Contre allée, voici Tant de larmes ont coulé depuis, Tantas lágrimas han corrido desde entonces, dernier titre publié outre Pyrénées (2012).

Le principal narrateur de ce roman – mais l’on serait tenté de mettre la catégorie « roman » entre guillemets – a émigré en France, à Orange, il y a des années et revient aujourd’hui à son village perdu dans la « Serranía valenciana », Los Yesares, pour l’enterrement de la mère de son ami Alfons. Le récit s’inscrit donc dans une certaine continuité avec le cycle de la mémoire et avec Ces vies-là, et mêle présent et passé, faits réels revisités ou réinventés, voix multiples… révélant et construisant une mémoire d’aujourd’hui sur les souvenirs du passé.

Les lois de la frontière, Javier Cercas

Ecrit par Victoire NGuyen , le Vendredi, 20 Juin 2014. , dans Espagne, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Actes Sud

Les lois de la frontière, traduit de l’espagnol par Elisabeth Beyer et Aleksandar Grujicic, janvier 2014, 352 pages, 23,50 € . Ecrivain(s): Javier Cercas Edition: Actes Sud

 

Les zones de fluctuation

Un écrivain engagé par une maison d’édition doit écrire un livre sur un personnage controversé prénommé Zarco. Délinquant multirécidiviste et célèbre pour ses braquages dans les années 70, Zarco suscite dans l’inconscient collectif des habitants de Gérone une certaine ambivalence teintée d’admiration. Lui et sa bande parcourent la ville en commettant délit sur délit jusqu’à ce fameux été 1978 où la police met un terme à la survie de la bande. Mais Zarco n’a pas dit son dernier mot…

Marqué comme tout le monde par cet événement, l’écrivain entame une enquête et convoque les personnalités qui ont connu Zarco afin de recueillir leurs souvenirs sur la relation que ce dernier entretenait avec ses proches. Parmi les témoins comme l’ancien inspecteur de police qui avait connu la bande à l’apogée de sa violence, le directeur de la prison où Zarco avait exécuté sa peine, il va aussi rencontrer l’avocat qui avait défendu Zarco. Ce dernier était un des membres de la bande mais aussi un des plus proches amis de Zarco impliqués dans les braquages de l’été 1978.

Impressions de Kassel, Enrique Vila-Matas

Ecrit par Philippe Chauché , le Mardi, 03 Juin 2014. , dans Espagne, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Christian Bourgois

Impressions de Kassel, traduit de l’espagnol par André Gabastou, mai 2014, 360 pages, 22 € . Ecrivain(s): Enrique Vila-Matas Edition: Christian Bourgois

 

« Etant donné mon habitude invétérée d’écrire des chroniques chaque fois qu’on m’invite dans un endroit étrange pour que j’y fasse quelque chose de bizarre (avec le temps je me suis rendu compte qu’en fait tous les lieux me semblent étranges), j’ai eu l’impression de vivre une fois de plus le début d’un voyage qui pouvait finir par se transformer en un récit écrit dans lequel je mêlerais comme tant d’autres fois perplexité et vie en suspens pour décrire le monde comme un lieu absurde auquel on accédait par le biais d’une invitation très extravagante ».

Enrique Vila-Matas est un écrivain du réel. Comme le philosophe Clément Rosset, il prend le réel très au sérieux, ce qui veut dire qu’il s’en amuse, qu’il en joue comme un chat avec une pelote de laine. Plongés dans le réel, l’un et l’autre, ne manquent pas de provoquer par leur style mille éclats de fictions dont ils vont nourrir leurs écrits, à moins que ça ne soit leurs écrits qui nourrissent ce qu’ils sont en train de vivre. Enrique Vila-Matas est un joueur vagabond qui écrit des livres où il ne cesse d’enquêter sur sa propre énigme, ce qu’il est, ce qu’il vit, ce qu’il pense, ce qu’il voit et finalement ce qu’il écrit.