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Espagne

Des larmes sous la pluie, Rosa Montero (par Marc Ossorguine)

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mardi, 29 Octobre 2019. , dans Espagne, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Métailié

Des larmes sous la pluie (Lágrimas en la lluvia, 2011) trad. espagnol Myriam Chirousse, 416 pages, 21 € . Ecrivain(s): Rosa Montero Edition: Métailié

 

Il existe une catégorisation des livres, ce qu’on appelle les genres littéraires, qui est bien pratique pour les bibliothèques, les libraires et les éditeurs, mais qui cloisonnent parfois nos lectures, nous organisent les lecteurs en « communautés » ou en « groupes cibles » pas forcément judicieux ni très intéressants. J’ai pu le constater : dès que l’ombre de la Science Fiction apparaît lorsque l’on essaye de présenter ce récent opus de Rosa Montero que sont Des larmes sous la pluie, certains lecteurs peuvent choisir de passer leur chemin, d’autres livres les attendant dans d’autres mondes. Un coup d’œil sur la quatrième de couverture, une moue dubitative, sceptique, et le livre est mis à l’écart, reposé sur sa table ou son présentoir. Le goût de chacun est bien sûr tout à fait légitime, mais il devient plus préjudiciable lorsqu’il risque de nous priver, a priori, de belles lectures et de réelles découvertes. Heureusement, il se trouve aussi des auteurs qui défient la classification des genres, qui la débordent au risque de dérouter leur éditeur et ses commerciaux, de perturber les revues et leurs critiques littéraires, voire de décevoir leur lectorat habituel. Rosa Montero est un de ces auteurs qui d’un roman à l’autre, d’un livre à l’autre, joue avec les genres et les conventions : SF, polar, roman historique, chroniques…

Le temps de la haine, Rosa Montero (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 12 Septembre 2019. , dans Espagne, Les Livres, Critiques, Science-fiction, La Une Livres, Roman, Métailié, La rentrée littéraire

Le temps de la haine (Los Tiempos del Odio), septembre 2019, trad. espagnol, Myriam Chirousse, 354 pages, 22 € . Ecrivain(s): Rosa Montero Edition: Métailié

Rosa Montero nous offre une suite aux aventures de Bruna, la belle Réplicante de combat, rencontrée deux fois dans Des larmes sous la pluie et le poids du coeur. Et donc une lecture réjouissante, qui nous projette dans un futur certes lointain (au-delà des années 2100) mais qui, du point de vue des références à notre monde, s’avère étrangement proche de nous.

La force de ce roman est d’abord de nous ramener vers une Science-Fiction comme nous n’en avons pas lue depuis belle lurette. Une Science-Fiction sans complexe, avec des robots, des voyages interstellaires, des utopies planétaires.

« Au-delà, les ténèbres interstellaires, éclaboussées par les étincelles des étoiles, des planètes éclairées par leurs soleils, les lunes, les nébuleuses, les galaxies lointaines. Ici, hors du filtre sale de l’atmosphère terrestre, l’immense majorité des corps célestes montraient un éclat redoublé et fixe, sans aucun clignotement, de durs boutons de lumière. Le cosmos ressemblait à une boîte à bijoux en velours noir rempli de diamants. Et sur sa gauche, ah, Bruna la voyait maintenant avec clarté, parce que son corps avait lentement tourné dans le vide, là-bas au fond il y avait la Terre, resplendissante, une boule de lumière hypnotisante, colossale en poids et dimension, son bleu intense tacheté par la crème fouettée des nuages. […]

Ordesa, Manuel Vilas (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 23 Août 2019. , dans Espagne, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire

Ordesa, Editions du sous-sol, août 2019, trad. espagnol Isabelle Gugnon, 400 pages, 23 € . Ecrivain(s): Manuel Vilas

 

« Le passé est la vie déjà livrée au saint office de l’obscurité. Le passé ne part jamais, il peut toujours reparaître. Il revient, revient sans cesse. Le passé est porteur de joie. Le passé est un ouragan. Il représente tout dans l’existence des gens. Le passé est aussi porteur d’amour. Vivre obsédé par le passé ne nous permet pas de profiter du présent, et pourtant profiter du présent sans que le poids du passé chargé de désolation fasse irruption dans ce présent n’est pas un plaisir mais une aliénation. Il n’y a pas d’aliénation dans le passé ».

Ordesa est le troublant journal radical d’un espagnol d’aujourd’hui, d’un écrivain qui porte tout le passé de l’Espagne, et offre son présent turbulent. Il ne fait pas de cadeau à son époque, à son pays, à son passé, à ses contemporains et à lui-même, mais avec la manière. Pas un mot plus haut que l’autre, pas une phrase qui ne déroge aux belles règles du style, son humeur vagabonde, mais elle reste classique. Manuel Vilas a la politesse de bien écrire, et de bien rire des situations parfois ridicules où il s’aventure. Ordesa est le roman d’une vie, celui d’un enfant du siècle né durant une dictature, qui a connu la transition démocratique, Juan Carlos et son fils Felipe VI, et qui ne cesse de se souvenir de ses parents et de l’odeur des cigarettes qu’ils fumaient, comme si la crémation n’était pas autre chose qu’une dernière cigarette fumée jusqu’au filtre.

Rose de cendres, Pilar Rahola (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret , le Mercredi, 20 Février 2019. , dans Espagne, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Belfond

Rose de cendres, novembre 2018, trad. catalan, Marie-Christine Vila, Isabelle Lopez, 279 pages, 20 € . Ecrivain(s): Pilar Rahola Edition: Belfond

 

Que savons-nous de l’histoire de la Catalogne ? Du point de vue du lecteur français, non spécialiste de l’histoire ibérique, peu de choses, en vérité. Pilar Rahola, romancière catalane, vient opportunément nous éclairer à l’occasion de la parution en France de son roman Rose de cendres.

Ce roman ne traite pas à proprement parler de l’histoire événementielle de la Catalogne. Néanmoins, il évoque des questions essentielles quant à la nature du séparatisme, catalan, aux composantes de l’histoire sociale de cette région.

Albert Corner est un homme d’origine modeste. De retour de la guerre d’indépendance menée à Cuba, il se fixe pour objectif dès son retour de s’enrichir, à tout prix et par tous les moyens, y compris  la criminalité. Pourtant, durant ce conflit, il prend conscience qu’il est catalan, et à ce titre, victime, tout comme les Cubains, de la domination espagnole, en manifestant de l’admiration pour cette poignée de soldats cubains qui résistent dans une plantation, l’Indiana, située dans la province de Guantanamo…

Tant et tant de guerre, Mercè Rodoreda

Ecrit par Marc Ossorguine , le Jeudi, 12 Juillet 2018. , dans Espagne, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Tant et tant de guerre (Quanta, quanta guerra), trad. catalan Bernard Lesfargues, 252 pages, 8 € . Ecrivain(s): Mercè Rodoreda Edition: Gallimard

 

Etonnant récit et jeu d’emboîtements littéraires que ce Tant et tant de guerre (Quanta, quanta guerra) de la catalane Mercè Rodoreda (1908-1983) ! Il s’agit du dernier récit publié par l’auteure de son vivant, à l’issue d’une carrière littéraire de cinquante années (inaugurée en 1932 avec Sòc una dona honrada ?) et qui compte nombre de romans ou pièces de théâtre, dont La Place du Diamant (La plaça del Diamant, 1962) ou Rue des Camélias (El Carrer de les Camèlies, 1966). Une œuvre qui s’est construite depuis la France au lendemain de la Guerre d’Espagne et sous l’occupation, puis depuis Genève à partir de 1954, ne retrouvant finalement la Catalogne qu’à partir de 1972.

Emboîtement car l’auteure explique que l’idée de Tant et tant de guerre lui est venue à partir d’un film, lui-même adaptation d’un roman. Un film du réalisateur polonais Wojciech Has, Le Manuscrit trouvé à Saragosse, adaptation magnifique, d’un noir et blanc baroque assez unique en son genre du roman éponyme, Manuscrit trouvé à Saragosse (1794-1810), œuvre toute aussi unique, écrite en français par un autre polonais, le comte Jan Potocki (1761-1815) (1).