Identification

Le temps de la haine, Rosa Montero (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando 31.10.19 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Espagne, Roman, Science-fiction, Métailié

Le temps de la haine, septembre 2019, trad. espagnol Myriam Chirousse, 368 pages, 22 €

Ecrivain(s): Rosa Montero Edition: Métailié

Le temps de la haine, Rosa Montero (par Sylvie Ferrando)

 

Troisième tome de la trilogie qui met en scène la réplicante (ou cyborg) Bruna Husky, après Des larmes sous la pluie et Le poids du cœur, ce roman de science-fiction semble appartenir à la lignée du film de Ridley Scott, Blade Runner (1982), inspiré du roman Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? (1966) de Philip K. Dick.

Quelques problèmes sociétaux de notre XXIe siècle sont transposés sur la planète Terre de 2110, elle-même entourée d’autres planètes où la vie est possible, comme Cosmos ou Cérès : les inégalités sociales, la concurrence humains-réplicants, ces derniers parfois accusés de voler « leur travail aux humains », la pollution galopante, la lutte contre la privatisation de la production-consommation d’air sain et d’eau potable, la violence des mouvements terroristes…

L’androïde Bruna Husky, réplicante de combat aux performances physiques hors normes, sait que son temps lui est compté : au début du roman, le 13 février 2110, elle est programmée pour s’éteindre dans trois ans, trois mois et seize jours. Bien que forte et endurante, elle éprouve des sentiments et est dotée d’une mémoire sensorielle et épisodique proche de celle des êtres humains. Elle est ainsi très sensible au passage du temps, et cela d’autant plus qu’elle est confrontée à un deuxième compte à rebours : il n’y a plus que 13 jours maximum avant l’exécution du commissaire Paul Lizard, amant de Bruna pris en otage par une frange d’activistes (les Insts, humains violents et encagoulés) qui demandent la dissolution du gouvernement des EUT (Etats-Unis de la Terre) et la proclamation de leur République.

Les nombreux sigles et acronymes, abréviations, néologismes, termes créés ou transposés sont les emblèmes de la SF ; le roman de Rosa Montero n’y échappe pas : le CHRI est le Centre de Réhabilitation des Hautes Intelligences, où est internée la brillante mathématicienne Angela Gayo, fragile et bagayante ; le Mosca représente le Mouvement Social Communal Autogéré, qui cherche à échapper au pouvoir central ; l’AJI est l’Armée de Justice Instantanée, qui répand la terreur ; EXIT est le Centre d’euthanasie pour les humains ; la TTT signifie Tumeur Totale Techno, maladie qui éteint les androïdes au bout de dix ans de vie ; les « technos » ou « reps » sont les réplicants, qui représentent 15% de la population de la Terre ; les « bleus » représentent les policiers fiscaux ; les « mites » sont les humains issus des zones polluées de la planète appelées les Zones Zéro ; la monnaie en cours est le « ges », etc.

De même, les sciences cognitives et la technologie avancée sont à l’honneur : les endorphines, l’adrénaline, mais aussi la nexine qui est une hormone expérimentale implantée pour augmenter la perception empathique des androïdes ; les drones sont devenus des « hyperdrones », activés avec l’ADN d’un individu et le suivant constamment à distance, les portables, téléphones ou ordinateurs, sont chargés pour une durée de cinq ans ; l’humanité est augmentée : bras ionique, pompe à endorphines, usine à gestation, squelette exogène…

La panne électrique qui paralyse Madrid et ses environs, où habite Bruna Husky qui, à cette occasion et quelque peu ironiquement, se découvre clone d’une écrivaine et journaliste du XXe siècle nommée Rosa Montero, rappelle étrangement les circonstances du roman Ravage de René Barjavel, paru en 1943.

De la « rep de combat » à la « rep de calcul », de Madrid à Cosmos, de l’amour à la mort, les personnages, le cadre et l’intrigue du roman de Montero nous confrontent à un questionnement sur l’humanité, ses conditions de vie et son destin.

 

 

Sylvie Ferrando

 

 

Née le 3 janvier 1951 à Madrid, Rosa Montero est une romancière et journaliste espagnole. Elle est chroniqueuse au journal El Pais. Elle a reçu en novembre 2017, à l’occasion de la parution de son roman La Chair, le Prix national des lettres espagnoles. Le temps de la haine est le troisième volume d’une trilogie d’anticipation (après Des larmes sous la pluie, 2013, et Le Poids du cœur, 2016), qui a pour héroïne la réplicante Bruna Husky.

 

  • Vu : 2217

Réseaux Sociaux

A propos de l'écrivain

Rosa Montero

 

Rosa Montero est née à Madrid et a étudié la psychologie et le journalisme. Elle travaille depuis 1976 au journal El Pais, dont elle a dirigé le supplément hebdomadaire avant d’y tenir une chronique. Elle a remporté différents prix littéraires et publié de nombreux romans, des essais et des biographies. Elle est très connue et respectée en Espagne. Ses livres, en particulier La Folle du logis, sont des best-sellers. La Fille du cannibale a reçu en Espagne le prestigieux Prix Primavera en 1997 et s’est vendu à des centaines de milliers d’exemplaires (bio+photo source éditeur).

 

A propos du rédacteur

Sylvie Ferrando

Lire tous les articles de Sylvie Ferrando

 

Rédactrice

Domaines de prédilection : littérature française, littérature anglo-saxonne, littérature étrangère

Genres : romans, romans noirs, nouvelles, essais

Maisons d’édition les plus fréquentes : Gallimard, Grasset, Actes Sud, Rivages, Minuit, Albin Michel, Seuil

Après avoir travaillé une dizaine d'années dans l'édition de livres, Sylvie Ferrando a enseigné de la maternelle à l'université et a été responsable de formation pour les concours enseignants de lettres au CNED. Elle est aujourd'hui professeur de lettres au collège.

Passionnée de fiction, elle écrit des nouvelles et des romans, qu'elle publie depuis 2011.

Depuis 2015, elle est rédactrice à La Cause littéraire et, depuis 2016, membre du comité de lecture de la revue.

https://www.edilivre.com/?s=Ferrando