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La Une CED

Pierre Dhainaut ou La Parole, par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Jeudi, 24 Mai 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques

Et même le versant nord, Pierre Dhainaut, éd. Arfuyen, 2018, 11 €

 

Pour tout dire, mon sentiment à l’égard de ce livre est entièrement instruit par l’idée de la maturité de l’expression poétique. Et si la poésie, comme la peinture du reste, est un art qui supporte l’âge, ce recueil parvient à dessiner un territoire de dernier recours, de dernier expédient devant le temps. Dans ce sens, on a à faire avec ce que j’appellerais l’écume du langage. Car au sein de ce recueil qui rassemble des poèmes par deux ou trois, ou sous divers chapitres plus ou moins longs, en vers ou en prose, circonstanciels ou non, la totalité de l’ouvrage confine à la découverte d’un texte presque fragile, et en un sens neuf, nouveau, pur, quintessencié. Et avec cette expression d’une idée de l’homme.

Cette idée est d’ailleurs pour moi la question de la qualité idéale de la parole. Dire. Exprimer. Écrire le souffle, écrire ce qui amplifie, ce qui augmente, ce qui grandit l’homme en lui-même. C’est une poésie qu’il faut parcourir lentement, sans hésiter à revenir plusieurs fois sur certains passages, et avec ces précautions connaître le poète, imaginer avec lui, en communion, le mystère de vivre, et avec lui le mystère de l’expression poétique.

La nuit sans Zabach (III), par Nadia Agsous

Ecrit par Nadia Agsous , le Mercredi, 23 Mai 2018. , dans La Une CED, Ecriture, Nouvelles, Ecrits suivis

 

En voyant la foule rassemblée devant la maison familiale, Mary’amcomprit que le moment ultime était arrivé. Elle se rappela alors des prières de sa grand-mère, Sara, et murmura :

– La lumière gît dans les confins des ténèbres, n’est-ce-pas ? Allah ya Allah,j’implore Votre protection ! Rebbi ya Rabbi, jeVous offre ma pureté, en échange, envoyez-moi l’ange rédempteur pour qu’il me sauve, ya El-Elohim ! Votre clémence, Seigneur ya Allah ; Votre compassion !El-Elohim, Allah, Seigneur ! Avé Mary’am !

Le père entendait les supplications de sa fille. Chaque mot prononcé agissait comme une balle tirée à bout portant dans son cœur tourmenté. Il avait honte d’être là, parmi ces hommes et ces femmes, participant à la lapidation de celle qui l’aida à surmonter tant d’obstacles. Si L’Hou-Sine, le vieux pieux, l’adorateur d’El-Elohim n’osait pas regarder sa fille dans les yeux. Comment faire face à celle à qui il avait prédit une vie couronnée de succès et de bonheur ? Comment contribuer à l’anéantissement de celle dont le nom revenait sans cesse dans ses prières ferventes et pleines de grâce et de miséricorde ?

Dentelle, par Alix Lerman Enriquez

Ecrit par Alix Lerman Enriquez , le Mercredi, 23 Mai 2018. , dans La Une CED, Ecriture, Création poétique

Lierre perforé

de silence,

rayé de roses

et du tremblé

d’une lumière volatile.

 

Lierre perforé

par un ciel de soie

que je tente

d’atteindre en vain.

Elsa Morante Une vie pour la littérature, René de Ceccatty, par Philippe Leuckx

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 18 Mai 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques

Elsa Morante Une vie pour la littérature, René de Ceccatty, Tallandier, mars 2018, 432 pages, 21,90 €

 

Cette première biographie francophone consacrée à l’immense romancière italienne, Elsa Morante, née en 1912, décédée en 1985, est d’abord un magnifique portrait d’une femme hors norme, dans le privé comme dans le domaine littéraire. Rebelle, instinctive, intellectuelle, prête à tous les changements, prompte au travail de fond qui consiste pour elle à creuser la voie unique de son talent sur de longues distances et dans une ampleur romanesque et poétique peu commune. Si ses origines paternelles restent un mystère pas entièrement levé, sa vie est en soi un véritable roman de rencontres, de départs, de relances, de piétinements, de retours : la foi en l’écriture a sûrement été le tremplin idéal pour qui a connu de nombreuses déroutes sentimentales, affectives, amicales, en dépit d’un tempérament qui l’agrégeait aisément à nombre de groupes d’intellectuels, d’artistes, de jeunes surtout, et essentiellement homosexuels. Femme, elle s’est entourée d’homosexuels, « pour être la seule femme » du groupe. Elle a connu des passions pour certains d’entre eux : le peintre américain Bill Morrow, Luchino Visconti. Longtemps épouse d’Alberto Moravia, Elsa décida de rompre après une vingtaine d’années, sans pour autant cesser de le voir ou de lui écrire.

Danser, une philosophie, Julia Beauquel, par Marc Ossorguine

Ecrit par Marc Ossorguine , le Vendredi, 18 Mai 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques

Danser, une philosophie, Julia Beauquel, Carnets Nord, avril 2018, 300 pages, 17 €

 

Elle danse. Il ou elle danse. Ils et elles aussi. Tu, vous… Mais « je », non. Pour autant…

Pour autant il y a indéniablement dans la danse quelque chose qui relève d’une certaine universalité. Quelque chose qui passe le cap et les lignes du temps, des frontières, des cultures et des religions. Le fait qu’elle ait pu être proscrite, voire interdite et condamnée ici ou là, en d’autres lieux ou d’autres temps, ou même aujourd’hui encore, pas si loin de nous, ne change rien à l’affaire. Cela ne fait que confirmer son importance et sa force. Dès lors, cet art de la danse, comme d’autres, est aussi, potentiellement, objet de philosophie. Le propos de la philosophe, qui connaît la danse pour l’avoir pratiquée, va cependant au-delà d’une approche philosophique « classique », allant jusqu’à considérer la danse comme une forme de philosophie en soi. La proposition peut surprendre et la question peut aussitôt venir, teintée d’un certain scepticisme critique : mais de quelle danse parlez-vous ?