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La Une CED

Villa Triste, par Marie-Pierre Fiorentino

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Vendredi, 11 Mai 2018. , dans La Une CED, Ecriture, Nouvelles

Les yeux lourds, elle choisit sur le rayonnage Villa Triste. Son regard hésitant avait parcouru d’autres titres avant de se soumettre à cette nécessité joyeuse, relire encore celui-ci. Ne serait-ce que quelques paragraphes, au hasard. Alors elle dormirait du sommeil béat de qui a retrouvé son lit de retour de voyage.

Ce n’était qu’après plusieurs lectures qu’elle s’était résignée à prononcer « triste » comme il convenait et non pas « tristé », qui lui était spontanément venu à l’esprit. Peut-être que prononcer le mot « triste », quand elle l’était déjà tant à l’approche d’une longue séparation d’avec l’aimé, lui avait été impossible.

Ou alors cette prononciation méditerranéenne s’était-elle imposée parce qu’elle s’était imaginé, quand il lui avait prêté le roman au mois de juin, que ce serait la passade d’un été. Pourtant, de même que rien ne destinait leur histoire à durer, Villa Triste s’était installé dans sa vie. Après tout, ses crises de tristesse n’étaient que le prix dérisoire de son bonheur à aimer et à être aimée.

Elle rechercha un passage, goûtant la douceur fraîche des draps de percale sur son corps.

Tanirt, Mika Kanane, par Pierrette Epsztein

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Jeudi, 10 Mai 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques

Tanirt, Mika Kanane, éditions Amenzo, janvier 2018, 160 pages, 13 €

 

 

Tanirt est l’héroïne éponyme du roman de Mika Kanane. Comme Schéhérazade, elle est à la fois un personnage de fiction et une conteuse, intelligente, mutine, cultivée, raffinée et capiteuse. Elle va se faire la mandataire de tout un monde. Son récit gravite autour de la lignée maternelle, toutes des femmes au caractère bien trempé, avec des tempéraments puissants. Tanirt, l’héroïne du récit nous annonce en préambule : « Au printemps, à la saison où les fleurs jaillissent du sol, je me loge dans la peau de ma mère pour qu’elle puisse vivre à travers moi quelques moments d’existence. Sa tristesse était grande, incomprise, sa souffrance omniprésente et si familière. Elle m’a donné la vie. Elle n’a pu me porter qu’à travers sa douleur… Je voudrais lui offrir mes joies, mes échecs, et mes réussites. Une simple existence. Je sais qu’elle n’a pas choisi de vivre ici, parmi les étrangers ».

Hommage à Aimé Césaire (1913-2008), par Mustapha Saha

Ecrit par Mustapha Saha , le Jeudi, 10 Mai 2018. , dans La Une CED, Ecriture, Création poétique

 

Les mots nus

 

Que peuvent les mots nus quand sonnent les clairons

Quand s’éclipse la lune au rythme des alarmes

Quand s’endeuillent les clowns et les joyeux lurons

Quand s’abreuve l’amour aux collecteurs de larmes

 

Que peuvent les mots nus quand s’embrasent les tours

Quand voltigent les corps comme fétus de paille

Quand s’invite la bourse au festin des vautours

Quand s’unit la canaille aux funestes ripailles

Rencontre avec l’écrivain éditeur Arnaud Le Guern, que nous dédions à Clément Rosset (1), par Philippe Chauché

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 09 Mai 2018. , dans La Une CED, Les Dossiers, Entretiens

 

 

Arnaud Le Guern a écrit sur Jean-Edern Hallier (Stèle pour Edern),Richard Virenque (in Gueules d’amour),sur des chanteurs avec Thierry Séchan (Nos amis les chanteurs, dernière salve),ou encore sur Paul Gégauff (Une âme damnée),sur lui (Du Soufre au cœur et Adieu aux espadrilles),sur Vadim (Un playboy français),et enfin sur Frédéric Beigbeder (L’Incorrigible). Des romans, des biographies romancées, des romans biographiques, des esquisses de romans, avec à chaque fois une même constance, une même pate, que l’on pourrait définir comme un style français dans la tradition des Hussards, de Michel Déon à Jacques Laurent et Roger Nimier, sous l’œil amusé d’Antoine Blondin.

La nuit de Zabach (II), par Nadia Agsous

Ecrit par Nadia Agsous , le Mardi, 08 Mai 2018. , dans La Une CED, Ecriture, Nouvelles, Ecrits suivis

 

Durant la veille de la nuit de Zabach, à minuit pile, alors que les femmes entonnaient des airs glorifiant le pouvoir souverain du mâle ; pendant que les hommes revendiquaient leur droit à la vengeance, un homme, géant, aux cheveux longs et blancs, aux yeux rouge vermillon, au visage gros comme un melon, aux bras noirs comme goudron, surgit du ciel. Ses yeux étaient maquillés au khôl. Son corps était drapé dans un tissu noir qui sentait la pisse bouillie. Son allure avait quelque chose d’animal et de cruel. Il portait dans sa main gauche un vêtement blanc.

L’arrivée de Abi al-Qiyâ’ma, l’annonciateur du jour de la résurrection, n’augurait rien de bon pour Mary’am ; il flottait dans l’air une odeur de défaite, affreusement pestilente ; le village exultait, pourtant !

Ya latif, ya latif !

Le malheur était à portée de la main et ceux qui s’en emparèrent en firent mauvais usage ; ils l’instrumentalisèrent et le jetèrent sur la place du village.