Identification

La Une CED

Pierre Dhainaut ou La Parole, par Didier Ayres

Ecrit par Didier Ayres , le Jeudi, 24 Mai 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques

Et même le versant nord, Pierre Dhainaut, éd. Arfuyen, 2018, 11 €

 

Pour tout dire, mon sentiment à l’égard de ce livre est entièrement instruit par l’idée de la maturité de l’expression poétique. Et si la poésie, comme la peinture du reste, est un art qui supporte l’âge, ce recueil parvient à dessiner un territoire de dernier recours, de dernier expédient devant le temps. Dans ce sens, on a à faire avec ce que j’appellerais l’écume du langage. Car au sein de ce recueil qui rassemble des poèmes par deux ou trois, ou sous divers chapitres plus ou moins longs, en vers ou en prose, circonstanciels ou non, la totalité de l’ouvrage confine à la découverte d’un texte presque fragile, et en un sens neuf, nouveau, pur, quintessencié. Et avec cette expression d’une idée de l’homme.

Cette idée est d’ailleurs pour moi la question de la qualité idéale de la parole. Dire. Exprimer. Écrire le souffle, écrire ce qui amplifie, ce qui augmente, ce qui grandit l’homme en lui-même. C’est une poésie qu’il faut parcourir lentement, sans hésiter à revenir plusieurs fois sur certains passages, et avec ces précautions connaître le poète, imaginer avec lui, en communion, le mystère de vivre, et avec lui le mystère de l’expression poétique.

L’ère de la brebis qui parle en arabe !, par Amin Zaoui

Ecrit par Amin Zaoui , le Mercredi, 23 Mai 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques, Chroniques régulières

 

La société algérienne se trouve, de plus en plus, noyée dans le charlatanisme. Inondée par les fables et les illusions mensongères. Il paraît, de plus en plus, que cette société a les pieds enfoncés dans la boue d’un temps morose où la bêtise est généralisée ou presque.

Depuis le mensonge divin du FIS (parti du Front islamique du salut) des années quatre-vingt-dix, depuis cette illusion politico-céleste caractérisée par l’écriture du nom d’Allah au laser, la société algérienne s’enracine dans le trouble et dans la stupidité. C’était dans un meeting djihadiste, où les militants du FIS fêtaient leur victoire politique controversée, et au-dessus des têtes de leur militants et militantes, et sous la voix de leur guide Abbassi Madani, ont projeté dans le ciel le nom d’Allah écrit au laser. Des dizaines de fous d’Allah, en voyant le nom d’Allah écrit dans le ciel, sont tombés dans les pommes ! Pour leur guide, c’est le bon Dieu, Allah s’est manifesté pour les aider, pour les féliciter et pour les honorer ! « Allah s’est révélé aux fidèles du FIS !! ». « Ils ont vu, de leurs propres yeux, le nom du bon Dieu inscrit dans le ciel. Le miracle ! ». Depuis ce jour-là, la société algérienne s’enterre, et de plus en plus, dans la boue de la fausse conscience politico-religieuse.

La nuit sans Zabach (III), par Nadia Agsous

Ecrit par Nadia Agsous , le Mercredi, 23 Mai 2018. , dans La Une CED, Ecriture, Nouvelles, Ecrits suivis

 

En voyant la foule rassemblée devant la maison familiale, Mary’amcomprit que le moment ultime était arrivé. Elle se rappela alors des prières de sa grand-mère, Sara, et murmura :

– La lumière gît dans les confins des ténèbres, n’est-ce-pas ? Allah ya Allah,j’implore Votre protection ! Rebbi ya Rabbi, jeVous offre ma pureté, en échange, envoyez-moi l’ange rédempteur pour qu’il me sauve, ya El-Elohim ! Votre clémence, Seigneur ya Allah ; Votre compassion !El-Elohim, Allah, Seigneur ! Avé Mary’am !

Le père entendait les supplications de sa fille. Chaque mot prononcé agissait comme une balle tirée à bout portant dans son cœur tourmenté. Il avait honte d’être là, parmi ces hommes et ces femmes, participant à la lapidation de celle qui l’aida à surmonter tant d’obstacles. Si L’Hou-Sine, le vieux pieux, l’adorateur d’El-Elohim n’osait pas regarder sa fille dans les yeux. Comment faire face à celle à qui il avait prédit une vie couronnée de succès et de bonheur ? Comment contribuer à l’anéantissement de celle dont le nom revenait sans cesse dans ses prières ferventes et pleines de grâce et de miséricorde ?

Dentelle, par Alix Lerman Enriquez

Ecrit par Alix Lerman Enriquez , le Mercredi, 23 Mai 2018. , dans La Une CED, Ecriture, Création poétique

Lierre perforé

de silence,

rayé de roses

et du tremblé

d’une lumière volatile.

 

Lierre perforé

par un ciel de soie

que je tente

d’atteindre en vain.

Elsa Morante Une vie pour la littérature, René de Ceccatty, par Philippe Leuckx

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 18 Mai 2018. , dans La Une CED, Les Chroniques

Elsa Morante Une vie pour la littérature, René de Ceccatty, Tallandier, mars 2018, 432 pages, 21,90 €

 

Cette première biographie francophone consacrée à l’immense romancière italienne, Elsa Morante, née en 1912, décédée en 1985, est d’abord un magnifique portrait d’une femme hors norme, dans le privé comme dans le domaine littéraire. Rebelle, instinctive, intellectuelle, prête à tous les changements, prompte au travail de fond qui consiste pour elle à creuser la voie unique de son talent sur de longues distances et dans une ampleur romanesque et poétique peu commune. Si ses origines paternelles restent un mystère pas entièrement levé, sa vie est en soi un véritable roman de rencontres, de départs, de relances, de piétinements, de retours : la foi en l’écriture a sûrement été le tremplin idéal pour qui a connu de nombreuses déroutes sentimentales, affectives, amicales, en dépit d’un tempérament qui l’agrégeait aisément à nombre de groupes d’intellectuels, d’artistes, de jeunes surtout, et essentiellement homosexuels. Femme, elle s’est entourée d’homosexuels, « pour être la seule femme » du groupe. Elle a connu des passions pour certains d’entre eux : le peintre américain Bill Morrow, Luchino Visconti. Longtemps épouse d’Alberto Moravia, Elsa décida de rompre après une vingtaine d’années, sans pour autant cesser de le voir ou de lui écrire.