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La Une CED

Shelby Foote – l’homme du Sud (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 21 Février 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques

Chronique dédiée à Nathalie Zberro et aux éditions Rivages

 

L’œuvre de Shelby Foote se situe au centre même de l’histoire du Sud. Mieux encore, elle se confond avec elle. On peut en dire autant de Thomas Wolfe, de Faulkner, de Carson McCullers et de plusieurs autres grandes voix venues des bords du Mississippi ou de la Savannah (1). Mais Foote, lui, fait au sens propre œuvre d’historien du Sud, par ses romans, son territoire, ses personnages, son style mais aussi parce qu’il a écrit la plus grande œuvre historique jamais produite sur ce qui fait l’identité même du Sud : la Grande Guerre Civile qui ravagea le pays de 1861 à 1865.

Tous ses prestigieux prédécesseurs en littérature sudiste ont été habités par l’ombre de cette guerre terrible qui – quoi qu’on en dise – n’est toujours pas vraiment terminée. On a dit de Wolfe et de Faulkner que plus que « malgré » la Guerre Civile c’est « grâce » à elle qu’ils ont fait l’œuvre miraculeuse que l’on connaît. On peut dire de Foote, qu’il en est deux fois le fils : comme écrivain et comme historien. Il n’est pas sûr d’ailleurs que l’on puisse distinguer l’un de l’autre. Sa colossale histoire de la Guerre Civile (2) est, comme son titre original l’indique, une narration, une histoire (sans le grand H), donc presque un roman.

La Vache d’entropie, Ivar Ch’Vavar (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Jeudi, 21 Février 2019. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

La Vache d’entropie, Ivar Ch’Vavar, éditions Lurlure, janvier 2019, 136 pages, 16 €

 

Nature et culture

Après le lot de vœux et d’espoir du début de l’année, je reviens sur ma dernière lecture, et je commence seulement aujourd’hui cette chronique qui aurait dû voir le jour il y a plus d’une semaine. Ce qui est profitable dans un sens car je ne garde de cette Vache d’entropie que l’essentiel, et je peux vaquer de cette manière plus librement dans mes notes, prises au fil de ma lecture. Elle n’est d’ailleurs pas si ancienne pour être considérée comme un souvenir, mais assez pour imposer une distance propre à permettre de saisir ce que j’ai le plus distingué. C’est aussi un avantage ici car cette poésie part en étoile, or j’ai eu l’intention de titrer cette chronique de l’épithète : varia. Oui, ces poèmes sont convexes, si je puis dire, et leur foyer est variable, presque profus. Cependant l’essentiel reste quand même le traitement poétique de la nature et de la mort (l’on peut prendre le titre du recueil comme reflétant cette question : vache=nature, entropie=mort, même si c’est en soi trop simple pour venir à bout de ce recueil curieux et varié).

Nouvelles intégrales, tome I, Edgar Allan Poe, chez Phébus (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Mercredi, 20 Février 2019. , dans La Une CED, Les Livres, Les Chroniques

Nouvelles intégrales, tome I (1831-1839), Edgar Allan Poe, Phébus, coll. Littérature étrangère, octobre 2018, trad. anglais (USA) Christian Garcin, Thierry Gillybœuf, 432 pages, 27 €

 

 

Christian Garcin et Thierry Gillybœuf citent Valéry Larbaud, dans la préface à leur traduction de l’ensemble des nouvelles de Poe, dont le premier tome, correspondant aux années 1831 à 1839, vient de paraître chez Phébus : « traduire un ouvrage qui nous a plu, c’est pénétrer en lui plus profondément que nous ne pouvons le faire par la simple lecture, c’est le posséder plus complètement, c’est en quelque sorte nous l’approprier ».

Mais comment traduire ? Dès 1946, le même Larbaud notait dans Sous l’invocation de saint Jérôme : « Chaque texte a un son, une couleur, un mouvement, une atmosphère qui lui sont propres. […] [C’]est ce sens là qu’il s’agit de rendre, et c’est en cela que consiste la tâche du traducteur ». Est-ce à dire que cette tâche est, s’avère impossible ?

Tel Quel (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 18 Février 2019. , dans La Une CED, Ecriture

 

Que Monsieur Songe le sache, moi aussi je m’étiole. Est-ce risquer l’indécence que l’affirmer ? De le dire je ne tire aucun bénéfice évident. Je refuse simplement l’autocensure ou la sublimation. Je cherche juste à déchiffrer quelques liens logiques, d’établir des hypothèses voire de découvrir quel problème je devrais me poser plutôt que de touiller ma marinade marinellienne et tinorossinnante constituée de sensations et de sentiments plus ou moins douteux. Sachez toutefois qu’il existe chez moi ni le goût du drame ni celui d’interprétations globalisantes qui reconduiraient aux apories d’un toposromantique.

Certes mon inquiétude ne me quittera pas, comme en témoignent tous les brouillons que j’ai torchés jusque-là pour étancher mes foirades en croyant que chacun d’eux pourrait encore toujours (ou perpétuellement) faire de moi écrivain. Chaque fois je reprends à zéro d’inconduite les chemins déjà parcourus en des parodies de sermons sur la montagne (puisque j’y habite depuis 70 ans). Ils n’ont jamais levé la moindre obscurité. Et dans leur avalanche je me laisse avaler d’autant qu’avec le temps mes find du moi sont difficiles.

Tombeau de Marceline Rozenberg (par Marie du Crest)

Ecrit par Marie du Crest , le Vendredi, 15 Février 2019. , dans La Une CED, Ecriture, Nouvelles


Les pères inventent le prénom de leur fille comme les poètes trouvent un titre à leur recueil. Ils partent à sa recherche comme les chercheurs d’or en quête de la pépite miraculeuse. Pendant des jours et des semaines, leur tête cogite, s’agite. Et un beau jour, une présence de syllabes et de voyelles. Un rythme sonore, comme la seule note juste. Indélébile, tatouée sur le cœur. La chair d’un corps dans ce seul mot, toute la vie, toute sa vie d’enfance et de vieillesse. Etre déclarée, proclamée vivante à la face du monde.

Seuls ceux qui aiment en trouvent les secrets, les formules magiques, les raccourcis sentimentaux dans les calendriers, dans les arbres aux robustes branches dont les fruits sont de tendres disparus. Prénoms en fleurs, écloses en fruits mordus, en nuit et en soleil, en pays de cocagne, en saints écorchés, décapités, crucifiés, en fantaisies aventurières et en langues mystérieuses.

Shloïme grimpe les escaliers d’une vieille mairie de lointaine province, avant-guerre. On est en 1928 à Epinal où coule la froide Moselle. C’est le mois de mars, du printemps bientôt.