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Essais

Appel à la réconciliation, Foi musulmane et valeurs de la République Française, Tareq Oubrou (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Mardi, 20 Août 2019. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Plon

Appel à la réconciliation, Foi musulmane et valeurs de la République Française, mai 2019, 347 pages, 19,90 € . Ecrivain(s): Tareq Oubrou Edition: Plon

Ne pas trop prendre, peut-être, à la lettre, a priori, avant même d’avoir parcouru l’ouvrage, un titre un peu alarmiste qui pourrait laisser à penser qu’il s’agit par cette publication de cibler une situation gravement conflictuelle entre communautés vivant en France. Le sous-titre circonscrit de façon plus précise le sujet, lequel pourrait être justement intitulé « Appel à la conciliation ». La thématique est certes de celles qui agitent et divisent notre société, et qui délimitent les sphères d’action idéologique de nos partis politiques. Tareq Oubrou, imam de Bordeaux, franco-marocain cultivé, ne cache pas qu’il a été (mais dit qu’il n’est plus) membre de la confrérie des Frères Musulmans. Il s’interroge, et interroge, sur la compatibilité de l’islam avec les valeurs de la République, et il donne sa réponse : la foi musulmane, fondamentalement (à condition que cet adverbe n’ait rien à voir avec ceux et celles qui s’affirment « fondamentalistes » dans une mouvance wahhabite militante, intégriste et provocatrice), n’est pas opposable aux valeurs, aux lois, aux traditions qui fondent la culture, évidemment plurielle, la vie quotidienne, incontestablement métissée, et le contrat social, constitutionnellement laïque, de la nation.

Freud et Moïse, Psychanalyse, Loi juive et pouvoir, Raphaël Draï (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 19 Août 2019. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Hermann

Freud et Moïse, Psychanalyse, Loi juive et pouvoir, 2018, 282 pages, 25 € . Ecrivain(s): Raphaël Draï Edition: Hermann

 

« En réimprimant un recueil d’articles, c’est assez l’usage d’indiquer au lecteur le lien qu’on croit apercevoir entre ces pages détachées. Les parents trouvent toujours à leurs enfants un air de famille, quelques traits communs ; le plus souvent, ils sont seuls à voir ainsi », écrivait l’auteur du Roman russe, Eugène-Melchior de Vogüé (Souvenirs et visions, Plon, 1887). Tout volume recueillant et donnant à relire des articles antérieurement parus court le risque de paraître une « marqueterie mal jointe ». Le livre de Raphaël Draï (1942-2015) n’échappe pas a priori à ce reproche, s’il s’agit d’un reproche, mais la cohérence de la pensée se révèle plus forte que les tendances centrifuges des différents chapitres.

Il est singulier de rapprocher deux personnages aussi dissemblables que Freud et Moïse, l’explorateur de l’inconscient et le grand législateur de tout un peuple. Le sous-titre du volume évoque les similitudes, qu’elles soient fondées, humoristiques ou douteuses, relevées de longue date, entre le judaïsme et la psychanalyse. Ces points de contact, qui eussent peut-être horrifié les anciens rabbis, étaient apparus à Freud lui-même, comme le montre une de ses lettres :

Le travail des images, Conversations avec Andrea Soto Calderón, Jacques Rancière (par Ivanne Rialland)

Ecrit par Ivanne Rialland , le Vendredi, 12 Juillet 2019. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Le travail des images, Conversations avec Andrea Soto Calderón, Les Presses du réel, coll. Perceptions, avril 2019, 87 pages, 10 € . Ecrivain(s): Jacques Rancière

 

Les entretiens ont ceci de précieux qu’ils ouvrent à des non spécialistes des cheminements intellectuels difficiles d’accès. Ce bref entretien avec Jacques Rancière permet ainsi de découvrir une pensée exigeante, qui, si elle prône l’égalité des intelligences, est assez ardue – l’introduction, plutôt abstraite, d’Andrea Soto Calderón peut d’ailleurs être passée dans un premier temps, pour y revenir après lecture de l’entretien, nourri d’exemples, et au style plus fluide.

L’idée d’émancipation, au cœur des travaux de Jacques Rancière, leur donne une actualité aiguë : le mouvement des gilets jaunes, dans sa perspective, n’apparaît pas de la sorte comme un agrégat sociologique aux revendications pragmatiques, aux visions politiques informes ou disparates, mais comme la création d’une scène proposant une réorganisation du visible, dans une mise en action de la démocratie.

Rien n’est vrai que le beau, Œuvres choisies, Lettres, Oscar Wilde (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Jeudi, 11 Juillet 2019. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard, Correspondance

Rien n’est vrai que le beau, Œuvres choisies, Lettres, mai 2019, trad. Henriette de Boissard, François Dupuigrenet Desroussilles, Jean Gattégno, préface Pascal Aquien, 1248 pages, 29 € . Ecrivain(s): Oscar Wilde Edition: Gallimard

 

« The first duty is to be as artificial as possible. What the second duty is, no one has yet discovered », ou encore : « Being natural is simply a pose, and the most irritating pose I know ». Wilde se voue au dandysme, qui l’amène (en grande pompe, mais aussi dans la ferveur du retrait) à faire se confondre le temps de sa vie et celui, comme indéfiniment prolongé, du sacre de l’artifice. Par la grâce de cet artifice (Huysmans l’a compris avec À rebours), l’être authentique peut composer son apparence au point de faire de lui-même l’analogon d’une œuvre d’art.

Mais cette apologie de l’artifice est surtout pour Wilde, peut-on penser, manifestation d’une pudeur. Ce faisant, l’auteur du Sphinx sans secret tait prudemment son obsession pour l’idiosyncrasie. Ouvrons-nous. Faisons-la affleurer. Belle cépée. Rilke fera sienne cette obsession, usant de ses armes propres : la poésie. Mais lorsque l’ouverture a surgi en nous, nous inscrivant en elle, ce n’est pas le jour qui survient. Le constat – fait par Wilde, fait par Rilke, fait par Pierre-Albert Jourdan – est alors le suivant : « Toutes choses […], si tu les travailles, ouvrent leur cœur de nuit absolue ».

L’Homme trans, Variations sur un préfixe, Bruno Chaouat (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 11 Juillet 2019. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Léo Scheer

L’Homme trans, Variations sur un préfixe, mars 2019, 152 pages, 16 € . Ecrivain(s): Bruno Chaouat Edition: Léo Scheer

 

La quatrième de couverture de L’Homme trans nous apprend que son auteur enseigne la littérature à l’université du Minnesota. Il est de prime abord surprenant qu’un professeur de littérature s’empare de questions comme celles dont traite ce volume (le transhumanisme, les concepts de transgenre et de transparence), toutes notions à cheval sur la science, la philosophie et la sociologie, mais dont peu d’écrivains se sont jamais saisi. Non que ces trois objets manquent d’intérêt, mais les problèmes variés qu’ils soulèvent sont récents (moins de quinze ans), alors que l’apparition et la reconnaissance des grands écrivains résultent d’une alchimie lente et mystérieuse. De surcroît, hors du domaine de la science-fiction, les romanciers répugnent souvent à s’emparer des questions scientifiques (« il n’est rien de plus négligé par les humanités que la technologie et les sciences du vivant », p.18), Siri Hustvedt et Michel Houellebecq formant des exceptions. Mais, compte tenu de la vocation totalisante de la littérature, de sa capacité à former « une mathesis, un ordre, un système, un champ structuré du savoir » (Roland Barthes par lui-même, 1975, pp.122-123), il est évident qu’elle peut être appelée à éclairer les transformations en cours.