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Essais

Soleil double, Le lisible, L’illisible, Jean-Luc Parant (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 09 Juin 2020. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Fata Morgana

Soleil double, Le lisible, L’illisible, Jean-Luc Parant, juin 2020, 128 pages, 21 € Edition: Fata Morgana

La Matrice selon Jean-Luc Parant.

Parant ne cesse de décoder son corps et sa tête pour décoder à la fois la matière et la pensée du monde (qui lui-même ne cesse d’éclater en s’éboulant) et d’autre part la pensée et le corps de l’auteur qui le montre et le dit dans sa mécanique mentale et charnelle. Dans ce but, l’auteur fabrique boules et textes sur les yeux dans et, plus particulièrement ici, une réflexion et une création sur l’opposition touchable-invisible et intouchable-visible. Et ce, qu’il s’agisse de la matière ou de la pensée.

Ce double texte – dont le second est le miroir du premier et dont les deux parties comprennent le même nombre de mots – devient la reproduction singulière et fidèle du « moi » et de son image. Existe dès lors dans ce texte un déroulement de la propre « matière » de l’auteur et de sa pensée par effet miroir. D’autant que faisant une fois de plus le « tour » de ses yeux (qu’il ne peut voir), Parant se parcourt de l’intérieur comme de l’intérieur à travers les deux pans du livre qui forme un môle virtuel : le dernier paragraphe du premier texte devient le premier du second dans ce qui devient un sommet et un point de bascule. Tout d’abord y monte qui en glisse.

La Conférence de Wannsee, Peter Longerich (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mardi, 09 Juin 2020. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Héloïse D'Ormesson

La Conférence de Wannsee, Peter Longerich, octobre 2019, trad. allemand, Raymond Clarinard, 233 pages, 20 € Edition: Héloïse D'Ormesson

Le 20 janvier 1942, quinze hommes, presque tous des personnalités de haut rang de l’État national-socialiste, du parti et de la SS, parmi lesquels quatre secrétaires d’État, deux hauts fonctionnaires de poste équivalent et un sous-secrétaire d’État se réunissent à l’invitation de Reinhard Heydrich, chef de la direction générale de la sécurité du Reich, dans la luxueuse villa Marlier sur le lac de Wannsee, transformée en pension pour la SS, et située en périphérie occidentale de Berlin.

On peut voir autour de la table : Josef Bühler, gouverneur-adjoint de Pologne, Roland Freisler, du ministère de la Justice, Otto Hoffmann, chef du RSHA, Gerhard Klopfer et Friedrich Wilhelm Kritzinger, secrétaires à la chancellerie du parti nazi et à la chancellerie du Reich, Rudolf Lange et Karl Eberhard Schöngarth, de la SiPo et du SD, Georg Leibbrandt et Alfred Meyer, du ministère des territoires occupés de l’Est, Martin Luther, du ministère des Affaires étrangères, Heinrich Müller, chef de la Gestapo, Erich Neumann, représentant les ministères de l’Économie, du Travail, des Transports et de l’Armement, Wilhelm Stuckart, représentant du ministère de l’Intérieur qui fut à l’origine des Lois de Nuremberg et jadis en charge de la politique juive.

La Paix avec les morts, Rithy Panh, Christophe Bataille (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 08 Juin 2020. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Grasset

La Paix avec les morts, Rithy Panh, Christophe Bataille, Grasset, janvier 2020, 178 pages, 17,50 € Edition: Grasset

 

 

On entend souvent qu’il faut « comprendre » les génocides, les « expliquer », afin qu’ils ne se reproduisent pas. Soit. Mais on se rend vite compte que, dans le processus génocidaire, l’essentiel échappe à la compréhension et à l’explication. La Shoah est profondément irrationnelle et semble ne pouvoir s’éclairer qu’à l’aide de catégories métaphysiques ou théologiques. Elle a brisé la foi de l’espèce humaine en elle-même. À Auschwitz s’est arrêtée la route de l’humanité. Celle-ci fait depuis mine de continuer son chemin, mais le ressort est brisé. Que s’est-il fait de grand depuis 1945 ? Nous n’inventons plus que des jouets pour enfants, qui plongent leurs utilisateurs dans un bienheureux abrutissement numérique. Un poulet décapité fait encore preuve de vigueur et les ongles continuent à pousser dans la nuit de la tombe.

De la Souveraineté, À la recherche du bien politique, Bertrand de Jouvenel (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 27 Mai 2020. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Calmann-Lévy

De la Souveraineté, À la recherche du bien politique, Bertrand de Jouvenel, 2019, 480 pages, 22,50 € Edition: Calmann-Lévy

 

Que sont la souveraineté, l’autorité, l’obéissance ? Pourquoi un être humain accepte-t-il d’obéir à un autre être humain, qui ne lui est pas objectivement et ontologiquement supérieur ? Contrairement à ce que proclame la vulgate rousseauiste, l’homme ne naît pas libre. Peu de créatures vivantes sont, en ce monde, aussi dépendantes qu’un nouveau-né, qui ne survivrait pas plus de quelques heures sans les soins attentifs de sa mère. Si exaspérants soient-ils, les hurlements du nourrisson expriment avant tout son absolue faiblesse. Jusqu’à un certain âge, l’enfant obéit à ses parents, parce qu’il ne serait rien sans eux. Cela est au moins clair. Mais dans les entreprises, dans la société, pourquoi obéit-on ?

Bertrand de Jouvenel (1903-1987) est un des grands (et des rares) penseurs politiques que la France ait produits au XXe siècle (avec Julien Freund et Raymond Aron).

Il nous est arrivé d’être jeunes, François Bott (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Jeudi, 21 Mai 2020. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La Table Ronde - La Petite Vermillon

Il nous est arrivé d’être jeunes, février 2020, 272 pages, 8,10 € . Ecrivain(s): François Bott Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon

 

L’érudit François Bott nous donne, avec brio, des nouvelles d’une kyrielle d’auteurs dans Il nous est arrivé d’être jeunes, nouvelles récentes s’il en est ! C’est que le temps semble ne pas avoir d’emprise sur les auteurs recensés par l’ancien journaliste qui, naguère, dirigeait les pages littéraires de L’Express.

Dosage corsé, parfois humoristique de propos mêlant le temps, rencontres fictives entre plumes parfois distanciées entre elles de plusieurs générations mais faisant écho dans leur esprit rendu commun : « Tant pis pour le décalage horaire, la différence d’âge, la différence de siècle… Il faut les imaginer se promenant dans Paris et faisant ensemble l’école buissonnière, échangeant des idées et des rires, philosophant comme on se divertit, comme on s’amuse. L’un, c’est René Descartes, le héros, l’athlète de la métaphysique, le plus aventureux des aventuriers de la philosophie. L’autre, c’est Paul Valéry, l’artiste de la pensée ». Joignant ces appréciations littéraires à, notamment, celles du Discours de la Méthode, ou Monsieur Teste, l’auteur me fait encore davantage penser à Léon-Paul Fargue avec ce sens inné d’observateur.