Identification

Essais

En avant la chronique, Philippe Chauché (par Arnaud Genon)

Ecrit par Arnaud Genon , le Lundi, 17 Août 2020. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Anthologie, Editions Louise Bottu

En avant la chronique, Philippe Chauché, Éd. Louise Bottu, mai 2020, 174 pages, 16 € Edition: Editions Louise Bottu

 

Dès la lecture des premières chroniques de Philippe Chauché, initialement parues sur le site de La Cause littéraire, et que les belles Éditions Louise Bottu rassemblent ici, le lecteur sait qu’il est face à une véritable écriture. Cela pourrait paraître étrange pour qui distingue l’écriture de « l’écrivance », les écrivains et les « écrivants » – néologisme par lequel Roland Barthes désignait ceux pour qui « le langage n’est qu’un instrument » (1) et non pas une fin en soi, comme c’est le cas pour les écrivains. Pourtant, le critique que l’on lit dans ces pages fait de l’exercice auquel il se livre depuis de nombreuses années un véritable travail d’écriture. En ce sens, il illustre ce que le théoricien Florian Pennanech a démontré dans une récente étude intitulée Poétique de la critique littéraire, De la critique comme littérature : « Le métatexte a ses procédés propres, qui peuvent l’amener à se déployer de façon relativement autonome. Il n’est pas nécessairement le simple ‘prolongement’ naturel d’un texte, non plus que l’humble serviteur, caméléon ou transparent, stérile ou parasitaire. Il n’est pas nécessairement non plus un sous-texte, mais éventuellement un texte à part entière, avec ses propres modalités et, il ne me déplaît pas de finir par-là, sa propre créativité » (2).

Urbex RDA, L’Allemagne de l’Est racontée par ses lieux abandonnés, Nicolas Offenstadt (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 30 Juin 2020. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Albin Michel, Histoire

Urbex RDA, L’Allemagne de l’Est racontée par ses lieux abandonnés, Nicolas Offenstadt, 225 pages, 34,90 € Edition: Albin Michel

« J’étais pourtant, et plus que jamais, conscient que l’humanité ne méritait pas de vivre, que la disparition de cette espèce ne pouvait, à tous points de vue, qu’être considérée comme une bonne nouvelle ; ses vestiges dépareillés, détériorés n’en avaient pas moins quelque chose de navrant » (Michel Houellebecq, La Possibilité d’une île).

Dans la sinistre panoplie des armes de destruction massive, la bombe à neutrons est (ou était ?) supposée anéantir toute vie humaine et animale, mais laisser intacts bâtiments et infrastructures. Faute (heureusement) de l’avoir testée dans des conditions réelles, on ignore si c’est vrai ou non. Le paradoxe est que, pour produire les résultats qu’on voit dans Urbex RDA, il n’a pas fallu faire usage de la moindre violence. La RDA est l’exemple d’un pays, d’un État, qui a disparu dans un éternument, sans que le moindre coup de feu ait été tiré. Autant, pour venir à bout de l’Allemagne nazie, il fallut sacrifier des millions d’hommes et utiliser des tonnes de bombes, autant l’effondrement du régime Est-allemand (dont il faut, cela va de soi, se féliciter) eut quelque chose de feutré et, pour tout dire, d’un peu minable, y compris dans le malentendu – le porte-parole du gouvernement Est-allemand, Günter Schabowski, relisant mal ses notes – qui conduisit à l’ouverture du Mur.

Pour Genevoix, Michel Bernard (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 18 Juin 2020. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La Table Ronde - La Petite Vermillon

Pour Genevoix, octobre 2019, 217 pages, 7,30 € . Ecrivain(s): Michel Bernard Edition: La Table Ronde - La Petite Vermillon

 

« Au milieu de la forêt meusienne où disparaissait un écrivain français (le lieutenant Henri-Alban Fournier, dit Alain-Fournier) un autre naissait. Maurice Genevoix était sans superstition, mais il croyait à une sorte d’équilibre supérieur des choses du monde. La guerre y faisait un trou aveugle, puis l’univers se reformait, comme la surface de la mer ».

Nous lisons Pour Genevoix, et nous entendons Pour la langue et la mémoire, nous entendons également, Pour un certain style français, une manière d’être dans l’action, dans la terre et sur la terre, témoin de voix et de corps qui chutent. Il n’est pas surprenant que ce soit l’écrivain de Jeanne Le Bon Cœur et Le Bon Sens – Michel Bernard qui s’y soit engagé. Engagé à défendre avec style, un écrivain un peu oublié, comme le sont parfois ces autres amis de la République : Henri Bosco, Marguerite Audoux, Anatole France – Il fallait lui dire Monsieur France, comme on aurait pu dire Monsieur Espagne en s’adressant à Cervantès – Sacha Guitry –, Louis Pergaud, Alain-Fournier, Colette, Louis Hémon, Henri Pourrat, Marcel Pagnol, André Dhôtel – Ils disaient le sentiment du monde.

Le « Portrait d’un jeune homme » de Rembrandt, Jan Six (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 15 Juin 2020. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Arts, Payot

Le « Portrait d’un jeune homme » de Rembrandt, Jan Six, 160 pages, 20 € Edition: Payot

 

 

Si différentes soient-elles (l’une s’inscrit dans l’espace, l’autre se déploie dans le temps), la peinture et la littérature ont en commun de susciter des querelles d’attribution. Mais les conséquences ne sont pas les mêmes : qu’un texte soit ou ne soit pas de Corneille, de Montesquieu ou de Zola n’a qu’un impact marginal. Tout au plus rend-il caducs les volumes d’Œuvres complètes publiés en Pléiade ou par d’autres grands éditeurs. En 1996, un chercheur américain avait proposé d’attribuer à Shakespeare un texte mineur connu de longue date, A Funeral Elegy (1612). Le débat s’était conclu par le rejet de cette hypothèse, mais avait permis (aurait-ce été le but ?) à Donald W. Foster de voir sa photographie dans les grands médias, posant en Hamlet, crâne en main et mortier sur la tête, obtenant ainsi un peu plus que le quart d’heure de célébrité promis à chacun, selon Warhol.

Soleil double, Le lisible, L’illisible, Jean-Luc Parant (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mardi, 09 Juin 2020. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Fata Morgana

Soleil double, Le lisible, L’illisible, Jean-Luc Parant, juin 2020, 128 pages, 21 € Edition: Fata Morgana

La Matrice selon Jean-Luc Parant.

Parant ne cesse de décoder son corps et sa tête pour décoder à la fois la matière et la pensée du monde (qui lui-même ne cesse d’éclater en s’éboulant) et d’autre part la pensée et le corps de l’auteur qui le montre et le dit dans sa mécanique mentale et charnelle. Dans ce but, l’auteur fabrique boules et textes sur les yeux dans et, plus particulièrement ici, une réflexion et une création sur l’opposition touchable-invisible et intouchable-visible. Et ce, qu’il s’agisse de la matière ou de la pensée.

Ce double texte – dont le second est le miroir du premier et dont les deux parties comprennent le même nombre de mots – devient la reproduction singulière et fidèle du « moi » et de son image. Existe dès lors dans ce texte un déroulement de la propre « matière » de l’auteur et de sa pensée par effet miroir. D’autant que faisant une fois de plus le « tour » de ses yeux (qu’il ne peut voir), Parant se parcourt de l’intérieur comme de l’intérieur à travers les deux pans du livre qui forme un môle virtuel : le dernier paragraphe du premier texte devient le premier du second dans ce qui devient un sommet et un point de bascule. Tout d’abord y monte qui en glisse.