Identification

Essais

La Lune bouge lentement mais elle traverse la ville, Corinne Desarzens (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Mercredi, 16 Septembre 2020. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, La Baconnière

La Lune bouge lentement mais elle traverse la ville, Corinne Desarzens, juin 2020, 344 pages, 20 € Edition: La Baconnière

 

La Lune bouge lentement mais elle traverse la ville est un recueil de chroniques linguistiques, chacune consacrée à une langue : l’anglais, le russe, le japonais, mais aussi l’arménien, le géorgien, ou encore le romanche. Ces textes, autobiographiques, racontent les voyages de Corinne Desarzens dans les contrées de ces langues d’élection, ainsi que quelques expériences d’étudiante éternelle et ardemment assidue. Ils rapportent des anecdotes, des rencontres, et constituent une galerie de portraits de locuteurs : professeurs, écrivains, artistes, artisans et quidams. Ils contiennent aussi, et ce n’est pas le moindre de leurs attraits, des fragments de lexique… dont on ne peut faire grand-chose sinon s’étonner, s’enchanter et en ânonner béatement les merveilles, en regrettant que leur transcription phonétique ne suffise pas à faire sonner en notre bouche ignare la juste prononciation, ni à les inscrire dans notre mémoire… On serait presque tenté de s’en servir comme viatique, l’ouvrage et les mots retenus étant plus séduisants et inspirants que les Vocabulaire de survie et autres kits pour touristes enclins au baragouin…

Cette maudite race humaine, Mark Twain (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 14 Septembre 2020. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Babel (Actes Sud)

Cette maudite race humaine, mai 2020, trad. anglais (USA) Isis von Plato, Jörn Cambreleng, 80 pages, 5,80 € . Ecrivain(s): Mark Twain Edition: Babel (Actes Sud)

De la virulence dans l’écriture

En abordant un essai polémique, on s’attend à découvrir un opus radical, combatif, parfois violent dans ses propos, ou encore à suivre les sinuosités subtiles de l’ironie, ou bien à rencontrer un auteur qui s’adresse à nous, l’insulte à la bouche, un esprit brillant mais « vachard ». C’est comme si un virus entêté s’était introduit dans la littérature. On est loin d’une littérature tiède, fade et édulcorée, recherchant le consensus mou. Il y a un peu de tout cela en ouvrant le livre de Mark Twain, Cette maudite race humaine. On pense d’ailleurs à la grande tradition des polémistes et on a en tête des noms comme ceux de Bloy, Bernanos, Berl, tous des esprits qui ne s’en laissaient pas conter et aptes aux duels verbaux.

L’ouvrage de Mark Twain est modeste dans sa dimension, une soixantaine de pages, mais son intention est bien explicite, vu le titre ; l’auteur réprouve avec la plus grande force l’espèce humaine. Le livre comporte cinq essais (écrits à la fin de sa vie mais publiés d’une manière posthume) dont deux sont particulièrement intéressants, celui qui ouvre le recueil et celui qui le referme : Le monde a-t-il été fait pour l’homme ?, et L’animal inférieur.

Paris-Berry Nouvelle Vague, Thomas Morales (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 09 Septembre 2020. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Paris-Berry Nouvelle Vague, La Thébaïde, juin 2020, 109 pages, 12 € . Ecrivain(s): Thomas Morales

 

« Le lecteur n’attend pas une leçon de morale vaseuse ou un tirage à la ligne fainéant. Il veut que les mots s’entrechoquent, que la phrase ne soit pas en salle de réanimation, que l’article suspende le temps, durant juste quelques minutes. C’est trop demander, j’en conviens, nous sommes à l’ère du formatage en cascade et des réciteurs subventionnés. Longtemps dans nos journaux, il y eut des feuilletonistes qui piquaient notre curiosité à vif, ils nous prenaient à rebours et nous aimions ça ».

Thomas Morales, grand lecteur de Vialatte, de Bernard Frank, de Jules Renard, s’est retiré le temps du confinement dans sa campagne berrichonne. Il s’est mis au vert, le temps d’écrire ce petit livre intempestif, au style affûté comme celui de Serge Blanco, que l’on surnommait le Pelé du rugby quand il portait le numéro 15 de l’équipe de France de Rugby. Et comme l’ancien joueur du Biarritz Olympique, il possède l’art de l’évidement, du contre-pied, l’art de s’intercaler, de prendre de la vitesse et de laisser ses adversaires perdre pied, devant sa vélocité lyrique.

Le Labérynthe, Mireille Huchon (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 09 Septembre 2020. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Le Labérynthe, Mireille Huchon, éd. Droz, décembre 2019, 300 pages, 22,80 €

Le petit milieu des spécialistes universitaires du XVIe siècle abrite la même proportion de génies, de crapules, de bons, de brutes, de justiciers, de traîtres et de saints que n’importe quelle autre communauté professionnelle. Il se livre aux mêmes activités que tous les universitaires du monde : enseigner (ou essayer de le faire), publier, organiser des colloques, chercher des financements, se chamailler par revues interposées. C’est également un milieu savant où (à l’instar des études grecques, par exemple), le temps des grandes découvertes est passé. La probabilité de découvrir un roman inconnu de Rabelais ou des essais inédits de Montaigne est virtuellement nulle. Exhumer ne serait-ce qu’un quatrain de Ronsard qui eût échappé aux investigations antérieures relève déjà de l’exploit.

Auteur de la remarquable édition de Rabelais dans La Bibliothèque de la Pléiade, Mireille Huchon a, voici quelques années, brisé un tabou – au sens anthropologique du mot – en affirmant que Louise Labé n’a pas existé (Louise Labé, Une créature de papier, Droz, 2006) ou, en tout cas, que si une nommée Louise Labé, qu’elle eût ou non été prostituée de luxe, a réellement parcouru les rues du vieux Lyon, elle n’est pas l’auteur du très mince recueil (662 vers) paru sous son nom en 1555.

Activer les possibles, Isabelle Stengers (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Mardi, 08 Septembre 2020. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Activer les possibles, Isabelle Stengers, Esperluète, Coll. Orbe, 2018, 144 pages, 12 €

 

Singulier singulière. Étonnement. Blanc.

Souffle. Sève. Deuil. Plaisir. Contrainte.

Résister. Retournement. Traduction.

Nommer. Tissu. Secret. Aspérité.

Perception. Fiction. Intriquer. Effet.

Ces mots, ce sont ceux que Frédérique Dolphijn a choisi de proposer à Isabelle Stengers pour Activer les possibles, un entretien paru aux éditions Esperluète dans la Collection Orbe, qu’elle dirige avec Anne Leloup et qui présente des rencontres dialoguées entre un écrivain, un artiste… et elle-même. L’objet de ces entrevues est le rapport de ces artisans à lecture et à l’écriture : ce que ces activités engagent, requièrent, accomplissent en, pour et par eux. Le modus operandi est le suivant : les mots retenus par Frédérique Dolphijn jouent le rôle de déclencheurs. L’invité les pioche à l’aveugle l’un après l’autre, et le propos se tisse au gré de leur succession hasardeuse.