Identification

Essais

La Peau et le toucher, Un premier langage, Ashley Montagu (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 28 Mars 2022. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Points

La Peau et le toucher, Un premier langage, Ashley Montagu, novembre 2021, trad. anglais (USA) Catherine Erhel, 288 pages, 9,90 € Edition: Points

 

Deux domaines relatifs à l’être humain et ses ressentis sont à la pointe de la recherche scientifique depuis quelques années : le premier est les neurosciences – normal, puisque le modèle économique d’Internet est basé sur l’addiction ou du moins le contrôle des réactions de l’internaute, et qu’il n’est nullement étonnant d’apprendre qu’une docteure en psychologie cognitive, Célia Hodent, a pris part à la conception du jeu Fortnite, parmi d’autres psychologues. L’autre domaine à connaître des avancées sidérantes ces dernières années, c’est la sensibilité tactile, l’étude des récepteurs dissimulés sous notre épiderme, et leur rapport au cerveau – quiconque s’intéresse au fonctionnement du Métavers ou tend à voir les pires cauchemars de science-fiction se concrétiser peu à peu au fil de l’actualité (une combinaison pour faire l’amour à distance ? des robots sexuels à la peau de plus en plus « réaliste » ? mon Dieu, quelles horreurs !), comprend de suite l’intérêt financier derrière ces recherches : parvenir à vendre à l’humain à monde mis à distance, avec de la technologie pour pallier les manques relatifs à la peau.

Les nouvelles femmes de droite, Magali Della Sudda (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 25 Mars 2022. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Les nouvelles femmes de droite, Magali Della Sudda, éditions Hors-d’atteinte, Coll. Faits & Idées, février 2022, 320 pages, 19 €

 

Les nouveaux fanatiques se rallièrent sous l’étendard du fils de Marie

(Condorcet, Esq. tabl. hist., 1794)

 

Pour les étrangers, les fonctionnaires, les Israélites, les colons, les trafiquants, l’Arabe, moins considéré que ses moutons, est fait pour être écrasé. Le refouler dans le désert pour s’emparer de ce qu’on ne lui a pas encore pris, tel est le rêve. Les Français algériens, qui ont déclaré que le fanatisme rendait les Arabes incivilisables, s’obstinent à ne rien tenter pour les tirer de l’ignorance, si favorable à l’exploitation et à la domination

(Hubertine Auclert, Les femmes arabes en Algérie)

Lux philologiæ, L’essor de la philologie au XVIIIe siècle, Corinne Bonnet, Jean-François Courouau, Éric Dieu (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 21 Mars 2022. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Lux philologiæ, L’essor de la philologie au XVIIIe siècle, Corinne Bonnet, Jean-François Courouau, Éric Dieu, éditions Droz (Genève), Coll. Bibliothèque des Lumières, juin 2021, 336 pages, 45 CHF

 

Ce que nous pouvons encore lire des littératures « anciennes » (peu importe la langue employée) est constitué par les épaves d’un immense naufrage. Seules sept tragédies d’Eschyle nous sont parvenues sur plus d’une centaine (pour Sophocle, le rapport est de huit sur cent vingt-trois). Pourquoi avons-nous conservé celles-là et pas les autres ? Étaient-elles plus mauvaises que les sept dont nous disposons encore et, dans l’affirmative, qui se serait permis d’en juger ? Nous n’en savons rien. La littérature hébraïque ancienne est en très grande partie perdue. Les écrits de controverse entre les différents courants du judaïsme antique (d’où allait s’émanciper ce qui deviendra le christianisme) n’ont pas été conservés, comme on s’en est rendu compte à la faveur de la découverte (exceptionnelle) des manuscrits de la mer Morte. Seuls des fragments ont survécu, incorporés à l’un ou à l’autre Talmud. Composa-t-on, en Terre sainte ou à Rome, des réfutations juives de l’épître aux Hébreux ou du onzième chapitre de l’épître aux Romains ? Sans doute, mais elles ont disparu aussi complètement que si elles n’avaient jamais existé.

La falsification de l’Histoire, Eric Zemmour, l’extrême droite, Vichy et les juifs, Laurent Joly (par Martine L. Petauton)

Ecrit par Martine L. Petauton , le Jeudi, 17 Mars 2022. , dans Essais, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Grasset

La falsification de l’Histoire, Eric Zemmour, l’extrême droite, Vichy et les juifs, Laurent Joly, Grasset, janvier 2022, 133 pages, 12 €


Il faut bien qu’on finisse par entendre, derrière le sinistre brouhaha actuel, la voix de l’Histoire. Pas seulement ponctuellement après des « propos », ou vagues et bavards débats. Pas seulement par des commentaires désolés, pour autant infatigables dans les réseaux sociaux. Ce n’est pas là, temps de l’Histoire. Il faut le temps d’un livre, et le travail de démonstration précise d’un historien de métier, qui plus est, spécialiste de la période tant « revisitée » par Eric Zemmour, la seconde guerre mondiale et Vichy. Car, « jamais, en cent cinquante ans, dans notre république, à la veille d’un scrutin majeur, l’extrême droite n’aura semblé aussi forte, n’aura fait autant de bruit. Rarement, en période de paix, le système politique national n’aura paru aussi fragilisé ». Constat de départ de Laurent Joly.

À la recherche de Céleste Albaret, Laure Hillerin (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Vendredi, 04 Mars 2022. , dans Essais, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Flammarion

À la recherche de Céleste Albaret, Laure Hillerin, septembre 2021, 510 pages, 23,90 € Edition: Flammarion

 

C’est d’abord avec réflexion et circonspection, puis résolue que Célestine, dite Céleste, Gineste, née en 1891, épousera le 28 mars 1913 Odilon Albaret, chauffeur de taxi de son état. Lorsque la grande jeune femme d’un mètre soixante-douze un peu languide, apathique, est menée par son frère Paul à l’autel, elle ne sait pas quel est l’auteur du « petit bleu » que le facteur vient de remettre à Odilon dans l’église pour le féliciter de ce mariage. Elle l’apprendra plus tard, quand transportée d’Auxillac, dans la haute vallée du Lot, non loin du Gévaudan, à Paris, boulevard Haussmann, « Nymphe superbe et paisible, endormie au sein de sa chrysalide », elle fera la connaissance d’un « Marcel Proust, en négligé décoiffé et sans barbe ».

Proust lui confiera d’abord un travail de coursière, elle devra livrer aux amis de Monsieur les premiers exemplaires de Du côté de chez Swann. Elle apprendra à connaître un peu de Paris, la parcourant à pied, en taxi, en transport en commun. Entre ses livraisons, elle restera à attendre dans la cuisine du boulevard Haussmann que l’on ait besoin d’elle.