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Essais

Dictionnaire philosophique, André Comte-Sponville (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Jeudi, 30 Septembre 2021. , dans Essais, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Dictionnaire philosophique, André Comte-Sponville, PUF Quadrige, août 2021 (3ème édition mise à jour), 1421 pages, 33 €

 

Un seul exemple de ton, contenu et style : au mot sinécure, p.1209.

« Je demande à un adolescent ce qu’il veut faire plus tard : “Je voudrais un métier bien payé, où y a pas à se prendre la tête”, me répond-il. C’était rêver d’une sinécure, peut-être sans connaître le mot, et aller au-devant de cruelles déceptions.

Qu’est-ce qu’une sinécure ? Une situation qui ne demande aucun soin (cura), n’impose aucun souci, voire aucune fatigue. Se dit surtout d’un emploi bien payé et n’exigeant que peu d’efforts. La chose est légitimement rare. On a le droit d’en rêver. Il serait injuste d’y prétendre ».

La lecture que nous propose ce Dictionnaire philosophique n’a peut-être qu’un but, précis et crucial : permettre à chacun, quand il pense (et pour qu’il ose penser !), de mieux faire saisir ce dont il parle pour mieux faire juger ce qu’il en dit. Ce que le mot fait alors comprendre guide au mieux ce que penser en fera. La bonne définition rend heureux le silence de penser, comme la leur l’indique :

Voltaire et son lecteur, Essai sur la séduction littéraire, Sylvain Menant (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 28 Septembre 2021. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Voltaire et son lecteur, Essai sur la séduction littéraire, Sylvain Menant, éditions Droz (Genève), avril 2021, 268 pages, 36,90 €

Comment devient-on non seulement l’écrivain le plus célèbre de son époque, mais encore celui qui, aux yeux de la postérité, paraît le mieux l’incarner (tout le monde comprend de quoi l’on parle lorsqu’on évoque « le siècle de Voltaire ») ? François-Marie Arouet ne provenait pas d’une lignée qui, à l’instar de la famille Bach, se serait de longue date distinguée dans les arts. Il dut sa renommée certes à son talent (bien qu’il ne fût pas le seul grand écrivain de son temps), mais également à une volonté implacable et continue de se hisser à la première place, d’accéder à un magistère intellectuel, à une royauté littéraire qui sera reconnue le 30 mars 1778, deux mois exactement avant sa mort. Et cette royauté ne fut elle-même pas exempte de paradoxes : en premier lieu, comment se fait-il que cet écrivain qui, au plan politique et esthétique, fut aussi conservateur qu’on pouvait l’être, professant de surcroît des opinions peu tolérantes (aussi longtemps qu’un candidat antérieur sérieux ne se sera pas présenté, il restera celui qui aura transformé le vieil antijudaïsme chrétien en antisémitisme racial et laïc – ce qui avait déjà heurté ses contemporains), en soit venu à incarner une période qu’on imagine dominée par les idées de liberté, de tolérance et de progrès ?

Une histoire de la naissance, René Frydman (par Sandrine-Jeanne Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 24 Septembre 2021. , dans Essais, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Grasset

Une histoire de la naissance, René Frydman, Grasset, en coédition avec France Culture, juin 2021, 280 pages, 20 € Edition: Grasset

 

Identifier le projet d’abord, ce que l’auteur a voulu restituer ensuite. Et se garder de mettre un je immédiat, du je, d’émettre un avis. Écrire à propos de la naissance, c’est faire naître la naissance, non point le départ mais ce qui nous est commun à tous. Ce qui nous distingue. Nos rites, nos mythes, nos superstitions, nos coutumes. Nos usages fondateurs. Notre devenir. Entrer dans le naos de l’intime. Un livre donc n’y suffira pas, aussi précis et organisé soit-il, lequel prolonge et reprend La Naissance, Histoire, cultures et pratiques d’aujourd’hui, que René Frydman a écrit avec Myriam Szejer en 2010, publié chez Albin Michel.

Il faudrait au moins un musée. Soit. Un musée de la naissance.

Célébrations du Bonheur, Emmanuel Jaffelin (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Vendredi, 24 Septembre 2021. , dans Essais, Les Livres, Recensions, La Une Livres

Célébrations du Bonheur, Emmanuel Jaffelin, Michel Lafon, septembre 2021, 176 pages, 12 €

L’essai d’Emmanuel Jaffelin cherche à nous mettre sur la voie du bonheur et de la sagesse, par une démonstration très didactique en trois parties : l’auteur établit une distinction entre le Malheur, l’Heur et le Bonheur. Le Malheur provient d’un être « méchant », victime de ses pulsions ou passions ; le Malheur est toujours possible car aléatoire, et souvent ressenti comme une injustice. L’Heur, c’est-à-dire la chance, le hasard, apporte momentanément un bienfait, tel le coup de foudre ou le gain au jeu de hasard et d’argent. Le Bonheur, au contraire, est un état qui dépend de soi, qui relève de notre propre volonté et de notre détachement des passions. A l’appui de la démonstration sont convoqués de nombreux exemples, fictionnels ou factuels, mythiques ou contemporains : l’amour (malheureux ?) de Roméo et Juliette, l’histoire de quelques (heureux ?) gagnants du Loto, l’expérience des stoïciens, tel l’esclave Epictète, la vie de l’astrophysicien Stephen Hawking, atteint de sclérose latérale amyotrophique, ou de Jean-Dominique Bauby, qui souffre du syndrome d’enfermement, les amours romancées de Solal et Ariane dans Belle du Seigneur ou de Chloé et Colin dans L’Ecume des jours, les épisodes de la série Minority Report, inspirés de l’ouvrage de Philip K. Dick et auparavant adaptés en film par Steven Spielberg en 2002, le film Quatre mariages et un enterrement (1994) avec Hugh Grant, etc.

Barques renversées, Federigo Tozzi (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 16 Septembre 2021. , dans Essais, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Italie

Barques renversées, Éditions La Barque, janvier 2021, trad. italien, et postface, Philippe Di Meo, 96 pages, 18 € . Ecrivain(s): Federigo Tozzi

 

Entre philosophie, psychologie de l’intime et aphorismes, le livre du romancier italien, disparu si jeune, propose une véritable sagesse, selon un regard décapant, toujours vrai.

L’âme – mot qui sans cesse revient le long de ces pages – connaît tourments, doutes, découragements, hésitations, et les pensées de l’auteur prennent la forme d’une étude très analytique, très clinique des soubresauts de ce cœur qui penche, qui pense, qui aime, qui doute.

Écrits entre 1908 et 1911, et partiellement parus du vivant de l’auteur, ces textes des Barques renversées avoisinent les cheminements spirituels des géants Pessoa et Proust, quasi à la même époque de gestation de leurs œuvres. Certes, aucun des trois ne connaissait les autres ; toutefois une parenté d’étude saute aux yeux. Aux intermittences proustiennes et aux cogitations multiples du Portugais répondent les pensées de Tozzi.

On est frappé par le caractère à la fois incisif et compulsif de ces notes qui dépiautent l’âme, mettent à nu les plus intimes pensées, révèlent une intelligence et une acuité de haute lice.