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Critiques

Attendre un fantôme, Stéphanie Kalfon (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 17 Septembre 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Joelle Losfeld

Attendre un fantôme, août 2019, 129 pages, 15 € . Ecrivain(s): Stéphanie Kalfon Edition: Joelle Losfeld

 

Kate, la meurtrie, est le seul personnage qui, d’un bout à l’autre du roman, n’apparaît pas. Ne se laisse pas approcher. Elle reste, sidérée, dans la cuisine jaune où sa mère lui apprend la nouvelle : la mort du garçon qu’elle aime, dans un attentat en Israël.

Sa mère, son beau-père, son père, sa sœur, les parents du garçon la traversent, passent en elle, à travers ce papier buvard qu’elle est devenue, comme une frise de petits personnages tous semblables qui, une fois dépliée, forme une guirlande, un découpage pour jeux d’enfants, suivant les pointillés.

Il est révélateur que Kate n’ait voix au chapitre qu’à la toute fin du roman. Un an passe, puis deux sans que quelque chose en elle ne se manifeste, elle vit en parallèle, la nouvelle l’a figée. Elle sait qu’elle attend pour rien, pas encore qu’elle n’attend rien.

Belle-Amie, Harold Cobert (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Mardi, 17 Septembre 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Les Escales

Belle-Amie, février 2019, 416 pages, 19,90 € . Ecrivain(s): Harold Cobert Edition: Les Escales

 

Belle-Amie est la très réussie suite du célèbre roman Bel-Ami, publié par Guy de Maupassant en 1885, et qui relate l’ascension sociale, à Paris, d’un peu scrupuleux aventurier d’origine modeste et normande. La fiction de Maupassant se clôt sur le deuxième mariage de Georges Du Roy de Cantel avec la fille de son patron, M. Walter, directeur du journal La Vie française. Comme dans tous les romans d’apprentissage du XIXe siècle, la réussite sociale va de pair avec les succès amoureux et les rencontres érotiques.

« Il était toujours bien fait de sa personne, blond, d’un blond châtain vaguement roussi, avec sa moustache retroussée, qui semblait mousser sur sa lèvre, des yeux bleus, clairs, troués d’une pupille toute petite, des cheveux frisés naturellement, séparés par une raie au milieu du crâne ».

Mais après l’ascension vient la chute, et Harold Cobert s’emploie à faire tomber dans l’excès d’ambition et de prise de risques le nouveau patron de La Vie française, devenu député puis ministre.

Jolie boxe, Alice Schneider, Luc Dagognet (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mardi, 17 Septembre 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Payot Rivages, Bandes Dessinées

Jolie boxe, Coll. Payot Graphic, mai 2019, 144 pages, 19,90 € . Ecrivain(s): Alice Schneider, Luc Dagognet Edition: Payot Rivages

 

 

Le cœur au combat

Alice Schneider, diplômée des Beaux-arts, et Luc Dagognet (dirigeant de Fabernol Stories) signent Jolie boxe, un album illustré de facture originale et indépendante. La figure du cœur revient de façon itérative dans les images de l’ouvrage. Des dessins d’anatomie dans lesquels courent les circuits de vaisseaux sanguins, de veines et de nerfs, succèdent à des gros plans de l’organe vital, coupé au niveau des artères, de morceaux de viande et de drôles d’excroissances, tel le long nez du Pinocchio pantin de bois. L’on pense à l’univers de l’américain Charles Burns, à ses créatures mutantes et dévastées progressivement par une curieuse hybridation. De plus, dans Jolie boxe, ça palpite et ça swingue au rythme des pulsations amoureuses ou érotiques.

La pesanteur et la grâce, Simone Weil (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 16 Septembre 2019. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Plon

« La pesanteur et la grâce » Juin 2019/ 265 pages/ 17€ . Ecrivain(s): Simone Weil Edition: Plon

Simone Weil ou la hauteur de vue.

Aborder la lecture de La pesanteur et la grâce revient à s’aventurer dans les territoires arides d’une conscience. C’est découvrir une sorte de géographie exigeante de l’âme. On y tutoie une hauteur de vue analogue à celle d’autres grands penseurs mystiques, Plotin, Maître Eckart, Pascal… Entrer dans ce livre de Simone Weil, c’est admettre qu’on n’en ressortira pas intact, immanquablement bousculé par une sensibilité à vif, une spiritualité déconcertante et un regard bien éloigné de notre époque. Il convient également de reconnaître la difficulté à rendre compte de cette œuvre obscure, exigeante et d’une grande ampleur. Il faut savoir notamment aborder les paradoxes et les contradictions apparentes si bien qu’on s’y perd quelquefois, qu’on reste pantois ou émerveillé.

L’ouvrage a paru la première fois en 1947, quatre ans après la mort de Simone Weil. Elle avait confié ses manuscrits à Gustave Thibon, un curieux intellectuel autodidacte, philosophe, paysan et… proche de Vichy. Il a mis en ordre les carnets de Simone Weil comme les feuillets des Pensées de Blaise Pascal le furent, en leur temps, par Brunschvicg ou Lafuma (entre autres). Certains ont pu estimer ce classement par Gustave Thibon discutable. En tout cas, c’est dans cet état que les Editions Plon en proposent aujourd’hui une nouvelle publication.

Voyage du côté de chez moi, Jean-Luc Muscat (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 16 Septembre 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Le Mot et le Reste

Voyage du côté de chez moi, février 2019, 88 pages, 10 € . Ecrivain(s): Jean-Luc Muscat Edition: Le Mot et le Reste

 

Au milieu d’une production littéraire, quoi qu’on en dise, de plus en plus calibrée et obéissant à un cahier des charges imposé par on ne sait exactement qui, il arrive que des éditeurs discrets (l’expression « petits éditeurs » ne rend pas compte de leur rôle important : après tout, eux seuls prennent des risques en sortant des sentiers battus) fassent paraître des titres dignes de retenir l’attention. C’est le cas de la maison marseillaise, Le Mot et le Reste, avec ce Voyage du côté de chez moi. Dans l’esprit du lecteur lettré, qui connaît ses classiques, ce titre évoque le Voyage autour de ma chambre de Xavier de Maistre, admirable texte mineur, si l’on veut, mais qu’on peut relire chaque année sans se lasser. En ce qui le concerne, Jean-Luc Muscat est sorti de sa chambre et même de sa maison. À une époque où les compagnies aériennes à bas prix emmènent leur clientèle à l’autre bout du monde pour un tarif minimal et un inconfort maximal, Muscat s’est satisfait d’utiliser le plus vieux moyen de locomotion qui existe. Si l’on admet qu’après leur apparition en Afrique, les ancêtres des êtres humains ont progressivement colonisé les zones les moins inhospitalières de la planète, ils ne l’ont fait qu’en marchant.