Identification

Critiques

Ô pruniers en fleur, Ryôkan (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 17 Octobre 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Folio (Gallimard), Japon

Ô pruniers en fleur, Ryôkan, Folio Sagesses, septembre 2019, trad. japonais Alain-Louis Colas, 112 pages, 3,50 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Quatre-vingt-dix-sept textes poétiques illustrent à l’envi le grand talent du moine poète Ryôkan, né en 1758 et décédé en 1831.

Le plus souvent développée en quintils saisissants de justesse et d’élégance, la poésie de Ryôkan trace de la nature traversée un portrait tout en nuances où les fragrances, les beautés, ainsi que les réalités les plus triviales, dessinent une relation inspirée à la beauté des paysages, entre les « pluies d’automne » et « les journées où les corbeaux/ du bois sont sans voix ».

Ici, la voix restitue « nuées », « neige », « beaux jours », dans un souci constant de description au plus juste de l’objet. Ici, se perçoit toujours la saison, puisque l’écriture s’arrime elle comme le sang au corps.

Monsieur Amérique, Nicolas Chemla (par Yann Suty)

Ecrit par Yann Suty , le Mercredi, 16 Octobre 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Biographie, Roman, Séguier

Monsieur Amérique, Nicolas Chemla, janvier 2019, 610 pages, 22 € Edition: Séguier

 

 

Les garçons aiment jouer à qui a la plus grosse. Dès la cour de récréation, le concours commence. Les garçons ont aussi de l’imagination. Ils appliquent ce jeu à des tas de disciplines. Les garçons aiment bien jouer à qui est le plus fort. Dès la cour de récréation, ils commencent à se bagarrer. Les garçons peuvent aussi jouer en même temps à qui a la plus grosse et qui est le plus fort. Et pour combiner les deux, qu’y a-t-il de mieux qu’un concours de bodybuilding ?

Monsieur Amérique se présente comme un roman biographique. C’est donc une biographie, en l’occurrence celle du bodybuilder américain Mike Mentzer, et en même temps une réinvention de sa vie, une re-création. A partir d’éléments réels, la fiction s’impose ou la fiction tente de sublimer le réel, de lui donner plus de muscle.

Du fond de l’abîme, Walter de la Mare (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mercredi, 16 Octobre 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Rivages poche

Du fond de l’abîme, Walter de la Mare, trad. anglais, Dominique Bertrand, Marianne Tomi, 264 pages, 9,15 € Edition: Rivages poche

 

Walter de la Mare, mort en 1956, immense de talent, est injustement méconnu en France. Or, les œuvres de cet écrivain devraient, ou auraient dû s’avérer incontournables. Parce que Walter de la Mare a un style – outre le fait qu’il en ait un propre lui appartenant – travaillé au cordeau et non moins muni de grande fluidité (en cela, il faut saluer les traductions françaises dont nous disposons). Parce que ses nouvelles, précisément dans ce recueil Du fond de l’abîme, se révèlent chaque fois des rêves prégnants, puissants, ahurissants, qui nous font prendre part largement à la vie intérieure des protagonistes, dont les inquiétudes se manifestent souvent par l’effet d’hallucinations dangereusement merveilleuses, aux effets de claire-voie qui ne sont pas sans rappeler les meilleures atmosphères rendues par Rembrandt ou, si le jour est plus présent, par Friedrich (entre autres exemples). A tel point que, sans user d’événements nécessairement riches en rebondissements, le nouvelliste fait naître des ambiances (liées à de profonds questionnements) qui semblent imprimées en nous pour longtemps.

L’Emerveillement, Pascal Dethurens (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Mardi, 15 Octobre 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Arts, L'Atelier Contemporain

L’Emerveillement, Pascal Dethurens, mai 2019, 288 pages, 25 € Edition: L'Atelier Contemporain

 

Le soleil éblouissant de l’œuvre d’art

Autant l’écrire tout de suite, l’ouvrage de Pascal Dethurens, L’émerveillement, est d’une richesse étonnante. Comme l’indique son sous-titre, De la présence dans la poésie et l’art modernes, il nous invite à nous interroger sur l’expression de la « présence » des choses, des êtres, de l’être dans l’œuvre d’art. Sujet à première vue déconcertant, et pourtant… Bien que l’auteur soit un universitaire qui manie le verbe avec rigueur, précision et emphase, son ouvrage intéressera quiconque aime l’art. Surtout ceux qui sont restés parfois de longs moments à contempler une œuvre d’art ou qui ont lu et relu un poème aimé, autant dire tout le monde.

L’ouvrage relève d’une sorte de Musée imaginaire au sens que Malraux a donné à cette expression. On voyage devant des œuvres, émasculées de leur enracinement historique, à la quête de cet élémentaire qu’elles disent toutes, la présence de l’être. Une quête qui selon l’auteur anime toute une partie de la création esthétique.

La Féroce, Nicola Lagioia (par Catherine Blanche)

Ecrit par Catherine Blanche , le Mardi, 15 Octobre 2019. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard), Italie

La Féroce, Nicola Lagioia, septembre 2019, trad. italien Simonetta Greggio, Renaud Temperini, 512 pages, 9 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Voici un roman qui ressemble à s’y méprendre à une course d’obstacles : beaucoup d’embuches, des chausse-trappes, quelques vagues éclaircies le temps de se remettre à peu près en selle et de nouveau patatras, la tête sous l’eau avec des sales moments de redondance et d’ennui profond où tout se confond. On en bave vraiment, ça patine et puis, aux trois quarts du parcours, étrangement, cela s’arrange, et même de mieux en mieux puisqu’on se surprend à être ému. Oui, vous avez bien lu. Ému, vraiment, au point de s’accrocher à ces deux êtres : la belle Clara (qui multiplie les aventures sans lendemain et les prises de cocaïne) et son demi-frère Michele.

Enfin, dans la dernière ligne droite, on se sent comme récompensé : la fin est réussie.

Au tout début du récit, Clara est retrouvée morte au pied d’un immeuble et tout porte à croire qu’elle se soit suicidée.