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Critiques

Terre somnambule (Terra Sonâmbula), Mia Couto (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 11 Septembre 2025. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Langue portugaise, Roman, Métailié, En Vitrine, Cette semaine

Terre somnambule (Terra Sonâmbula, 1992), Mia Couto, éditions Métailié, janvier 2025, nouvelle traduction d’Elisabeth Monteiro Rodrigues, 242 pages, 21 € . Ecrivain(s): Mia Couto Edition: Métailié

 

Un enfant et un vieillard marchent, sans but précis, fuyant la guerre civile qui ravage leur pays, le Mozambique

Ce roman de Mia Couto, le premier en date de son œuvre, est une vague submersive, une sorte de tsunami langagier, ici magnifiquement servi par une traduction hors normes, d’une intelligence stupéfiante. La langue de Mia Couto dans Terre somnambule n’est pas seulement l’outil de la narration, loin s’en faut : elle est un personnage à part entière, une matière vivante qui permet de tenir à distance un monde terrifiant, de dire la douleur autrement, et surtout, de résister à l’effacement que l’Histoire semble vouloir imposer aux hommes du Mozambique. En transformant la langue coloniale (le portugais) en un langage poétique, oral, complètement africain, Mia Couto rend possible une forme de renaissance – individuelle, culturelle et collective. On pense à Kateb Yacine qui disait, à propos de la langue française des écrivains algériens, que c’était leur « butin de guerre ».

La Vie des abeilles, Maurice Maeterlinck (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mardi, 09 Septembre 2025. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Poésie, Bartillat

La Vie des abeilles, Maurice Maeterlinck, Éditions Bartillat (Omnia Poche) – Septembre 2019 Préface : Michel Brix 256 pages – 12 € Edition: Bartillat

 

Le titre La Vie des abeilles nous laisse voir, a priori, ces insectes comme des personnages à part entière et nous laisse imaginer une véritable destinée. Le titre ne nous aura pas menti, mais une mise en garde est exprimée par son auteur dès les premières lignes : n’attendons pas de combler ici une hypothétique soif de romanesque, l’imagination n’est jamais requise. C’est une observation affûtée, patiente et méthodique, qui a permis à Maurice Maeterlinck – apiculteur chevronné – de donner naissance à ce livre. Il ne s’agit pas plus d’un précis pour devenir soi-même apiculteur. L’intention la plus claire est sans doute formulée en ces termes : « … voici longtemps que j’ai renoncé à chercher en ce monde une merveille plus intéressante et plus belle que la vérité ou du moins que l’effort de l’homme pour la connaître. Ne nous évertuons point à trouver la grandeur de la vie dans les choses incertaines. » (p. 22)

Bawab – Un héros de trop, François Momal (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 05 Septembre 2025. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman

Bawab – Un héros de trop, François Momal, Editeur Erick Bonnier 2025) 180 pages, 16 euros

Revoilà le bawab de qui on a partagé les petites misères, les bonheurs simples, les réflexions philosophiques de bon sens dans un précédent roman de François Momal intitulé  « Le banc de la victoire », paru en 2020 chez Maurice Nadeau, et recensé dans notre magazine en janvier 2021 avec cet exergue :

Ce plaisant roman de société qui fait irrésistiblement penser à celui d’Alaa El-Aswany, L’Immeuble Yacoubian, a pour décor, lui aussi, un immeuble de cette ville du Caire, vivante, grouillante, turbulente, où se côtoient luxe affiché et misère visible, où s’exprime l’exubérance du paraître et où se refoulent les frustrations du mal-être, où fonctionne à l’époque du récit un réseau occulte mais efficace d’espions à la solde du pouvoir. Le personnage central, Tarek, est un bawab, c’est-à-dire un de ces gardiens d’immeuble devant qui et par l’intermédiaire de qui on ne peut éviter de passer lorsqu’on rend visite à des relations dans les grandes villes d’Afrique du Nord.

La marchande d’oublies, Pierre Jourde (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 04 Septembre 2025. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Gallimard

La marchande d’oublies – Pierre Jourde – Gallimard – 25 euros – 656 p. - 2025

 

« La lune a fait son apparition entre les nuages, enveloppée de vapeurs changeantes, pleine et rouge, gonflée de sang, gibbeuse, soufflée de cicatrices comme un organe malade. Personne d’autre que moi ne levait les yeux vers elle. Enfant, la lune qui se levait m’attirait à la fenêtre, je savais qu’elle serait là, elle m’avait appelé silencieusement. »

Les voyages physiques et mentaux forment le roman, comme ils forment la jeunesse, et les oublies ces petits gaufres en forme de cornet forment et hantent ce roman, ces charmantes douceurs qui fondent dans la bouche : l’oublie fait plaisir et fait mourir, lit-on dans cet étourdissant roman ; ces oublies à l’image de la madeleine de La Recherche, mettent en lumière ce que l’on pourrait appeler le miracle de la fiction romanesque. La marchande d’oublies est une œuvre éblouissante, foisonnante, au verbe altier, qui s’appuie sur deux personnages, un frère et une sœur, Alastair et Thalia, d’une famille de clowns anglais, friande de spectacles macabres, une famille du cirque, avec ses jalousies, et ses rancœurs.

Aimez Gil, Shane Haddad (par Gilles Cervera)

Ecrit par Gilles Cervera , le Lundi, 01 Septembre 2025. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, P.O.L

Aimez Gil, Shane Haddad, POL, 365 p, 21 € Edition: P.O.L

 

Lire sans modération

Des livres sont lus quand ils sortent. Avec une impatience incroyable. D’autres, mais pourquoi attend-on ? Ils sont là, dans le stock du libraire, on sait qu’ils sont à lire, seront lus, ou déjà achetés, ils trônent en table de nuit, mais on prend le temps, pourquoi prend-on ce temps ? Avec quels nerfs joue-t-on ? On peut aimer ce temps incroyable du suspens, le temps magique de la rencontre remise à plus tard.

Maintenant.

On vient d’être tellement bouleversé.

Shane Haddad et son Aimez Gil nous a conquis