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Noces de cendres, Éliane Serdan (par Jean-François Mézil)

Ecrit par Jean-François Mézil , le Mardi, 04 Juin 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Noces de cendres, Éliane Serdan, Le Serpent à Plumes, 2006, 127 pages, 17,30 €

Après avoir lu (et aimé) trois livres d’Éliane Serdan (née à Beyrouth en 1946) – La Ville haute (Serge Safran), Le Rivage intérieur (Éditions du Rocher) et La Fresque (Serge Safran) –, l’envie m’est venue de lire Noces de cendres.

La justesse des phrases, leur teneur poétique, nous caressent dès le début : « j’avais l’air d’une petite fille bien vivante ».

Mais la caresse n’a qu’un temps. Les phrases vont devoir s’attaquer à plus rude. Elles le feront sans rien nous cacher – quoique avançant à pas feutrés. Délicates et pudiques, elles composeront, page à page, un bouquet de fleurs vénéneuses – mais après leur avoir ôté les épines pour éviter qu’elles ne nous piquent.

Les voilà donc à la recherche du venin qu’il faut extraire, avec le risque d’échouer. Comment fouir en effet le cerveau ? Comment en exhumer des images enterrées mille pieds sous terre ? Des images « enkystée[s] au fond de l’inconscient », au plus loin de l’enfance (quatre ans !) : « Autour de ces points mouvants, tout s’est effacé. Je n’ai pour leur donner un ancrage que des matériaux bien incertains ».

Monsieur Stark, Pierre Girard (par Jean-François Mézil)

Ecrit par Jean-François Mézil , le Mercredi, 29 Mai 2019. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

Monsieur Stark, Pierre Girard, éd. L’Arbre vengeur, 2014, 139 pages, 9 €

 

Ce livre m’a été offert par un ami – il faut dire qu’Henri se passionne, depuis quarante ans, pour les écrivains oubliés. Pierre Girard (Genève 1892-1956) en est un ; il l’était en tout cas pour moi jusqu’ici.

Après dix ans comme agent de change (il y a dans sa vie et dans ce livre quelque chose de Kafka), Pierre Girard se donne entièrement à l’écriture : poèmes, chroniques (dans le Journal de Genève et La Gazette de Lausanne, ou à la radio), romans et nouvelles.

Ne quittant guère Genève qui sert de cadre à ses écrits, il fait figure de solitaire, même s’il côtoie Valéry Larbaud et se lie d’amitié avec lui ; même s’il aime venir quelquefois à Paris – il y croise Paul Valéry, James Joyce, Léon-Paul Fargue, et d’autres.

Autre remarque liminaire : vous me pardonnerez l’excès de citations – je ne vois, en fait, guère mieux que d’y recourir, tant ce livre regorge de phrases savoureuses.

Mais foin de ces prolégomènes, venons-en à Monsieur Stark (août 1938)… je vous sens bouillir d’impatience.

Autour de moi, Manuel Candré (par Jean-François Mézil)

Ecrit par Jean-François Mézil , le Vendredi, 17 Mai 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Joelle Losfeld, Roman

Autour de moi, 104 pages, 11,90 € . Ecrivain(s): Manuel Candré Edition: Joelle Losfeld

 

Après avoir lu et aimé Des voix de Manuel Candré, j’ai été intéressé à découvrir ce qu’il avait écrit avant. Ce sont deux courts romans dont le premier, Autour de moi, débute ainsi :

« 04.07.07 – Je me tiens les deux pieds joints en bas de la maison… ».

Immédiatement, on s’interroge : De quoi est fait ce livre ? De notes prises au jour le jour ? De souvenirs égrenés après coup ? Journal ou travail de mémoire ? Nous entrons dans ce texte en intrus, en voyeur.

Des phrases sèches viennent à nous et nous assènent leurs coups de trique : « La gueule rougie par l’alcool à venir. Le surgissement annoncé de la violence. Tout est bien pour l’instant ».

Les souvenirs déboulent un à un. Sans chronologie véritable (normal, le cerveau se moque du temps et ouvre ses tiroirs dans l’ordre qui lui plaît) : « Ma mère s’est finalement décidée à quitter mon père. Là, elle coupe les carottes en morceaux et les enfile dans le robot ».

Mauvais anges, Mènis Koumandarèas (par Jean-François Mézil)

Ecrit par Jean-François Mézil , le Vendredi, 10 Mai 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Bassin méditerranéen, Roman, Quidam Editeur

Mauvais anges, avril 2019, trad. grec Michel Volkovitch, 236 pages, 20 € . Ecrivain(s): Mènis Koumandarèas Edition: Quidam Editeur

Ce livre nous plonge dans l’Athènes de l’après-guerre dont l’auteur se fait le témoin, lui qui « avait entendu dans son enfance le bruit des bottes allemandes ».

Unité de temps (1945-1950) : « quelque chose de terrible s’était passé dans le monde alors que je jouais, enfant insouciant, dans le Parc ».

Unité de lieu : « le nombril de la ville » – la station Omònia, le cinéma Krònos en ruine « où se retrouvaient les soldats et où Matìna contemplait les photos de Gary Cooper », le théâtre de bois Olympia, la place Kyriakou et, bien sûr, l’immeuble où il vit, au-dessus du métro : « la nuit pendant que je dors un bruit part du sous-sol ».

Ça démarre doucement avec de simples phrases. Quelques clins d’œil humoristiques ici ou là : « mon premier film américain : Par la porte d’or, avec Olivia de Havilland […] et Charles Boyer, tout juste arrivé à Hollywood, qui va la voir à l’hôpital et dit avec un terrible accent français “I love you darling”. C’était à peu près ce qu’aurait pu dire Séraphin à Matìna devant le Krònos, dans un style un peu plus grec : “Tu me plais, ma poule !” ».

L’Histoire d’un roman, Thomas Wolfe (par Jean-François Mézil)

Ecrit par Jean-François Mézil , le Jeudi, 02 Mai 2019. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, USA

L’Histoire d’un roman, éditions Sillage, 2016, 80 pages, 7,50 € . Ecrivain(s): Thomas Wolfe

Ce petit livre de Thomas Wolfe est un condensé d’écriture. Petit livre de Thomas Wolfe, ai-je dit… un oxymore ! tant on est habitué, chez lui, à des roman-fleuve. Mais petit, il ne l’est que par la taille (une soixantaine de pages). De la taille des livres, il va justement en être question, mais commençons par le début.

Le propos de Thomas Wolfe est de nous parler de son travail d’écriture : « Cela n’a rien de très littéraire ; c’est une histoire de sueur, de douleur, de désespoir et d’aboutissement partiel ».

Nous parler de sa vocation : « Je ne sais pas de quelle manière je suis devenu écrivain, mais je crois que c’était à cause d’une certaine force que j’avais en moi et qui avait besoin d’écrire, qui éclata finalement au grand jour et se fraya un chemin ».

Il revient d’abord sur la publication de son premier roman, Look Homeward Angel : « Il reçut quelques critiques favorables, dans certains endroits ; des critiques défavorables, dans d’autres ; mais il fut incontestablement bien reçu pour un premier livre, et surtout il continua au fil du temps à trouver des lecteurs ».