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Articles taggés avec: Garcia Cathy

En face, Pierre Demarty (2ème article)

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 20 Janvier 2015. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Flammarion

En face, août 2014, 192 pages, 17 € . Ecrivain(s): Pierre Demarty Edition: Flammarion

 

« Ils imaginèrent que tout homme est deux hommes et que le véritable est l’autre », Jorge Luis Borges

 

Bizarre ce roman, kafkaïen certes, à la fois un portrait pathétique de la vie banale et incolore, « une vie en somme. Plus commune qu’une fosse. Qui songerait à y jeter sa pierre ? » d’un couple citadin plutôt aisé et un dérapage surréaliste. Une alternance de passages vifs à l’humour caustique et percutant et de longueurs un peu mornes, alors que l’auteur – ou devrais-je dire le narrateur ? – qui en est sans aucun doute l’alter ego, est pourtant du genre bavard. Parfois trop, ce qui alourdit le récit. Aussi bavard donc que le personnage principal de cette histoire bizarre va devenir mutique. Le narrateur lui n’a rien à voir avec l’histoire finalement, si ce n’est d’être celui que son antihéros, Jean Nochez, va rencontrer – et rencontrer déjà est un bien grand mot –, disons côtoyer au Bar des Indociles Heureux, un de ces petits bars qui ne brillent pas par leur cachet, mais ont l’allure cependant de phare dans la nuit où viennent s’échouer des types en rade ou à la dérive, ce qui revient au même.

Contes de Grimm, Philip Pullman

Ecrit par Cathy Garcia , le Mercredi, 17 Décembre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Gallimard Jeunesse, Contes, Jeunesse

Contes de Grimm, octobre 2014, traduit de l’anglais par Jean Esch, images de Shaun Tan, 496 pages, 35 € . Ecrivain(s): Philip Pullman Edition: Gallimard Jeunesse

 

Quel superbe ouvrage, se dit-on aussitôt que l’on a cette « bible » entre les mains, bible par son format et son épaisseur mais aussi par la sensation que l’on tient entre les mains un livre sacré. La beauté des œuvres qui l’illustrent y est pour beaucoup. L’artiste Shaun Tan s’est pour cela inspiré des sculptures de pierre des Inuits et de statuettes en terre de l’art précolombien. Tout art traditionnel sachant insuffler pouvoir et magie à des matériaux à la fois bruts comme la pierre et la terre, et comme le sont les innombrables contes, ici recueillis par les frères Grimm et donc puisés au terreau de l’imaginaire européen, taillés dans le roc de l’imaginaire collectif universel et polis au cours des siècles de mains en mains et de bouche en bouche. Ici on en retrouve cinquante, des plus célèbres aux plus méconnus, dont Philippe Pullman s’est emparé pour les faire passer par sa propre langue, l’Anglais donc, puis retranscrits pour nous en Français par Jean Esch, qui a conservé au plus près les couleurs et le ton particuliers de l’auteur.

Les nombres, Viktor Pelevine

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 09 Décembre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Alma Editeur, Roman, Russie

Les nombres, traduit du russe par Galia Ackerman et Pierre Lorrain septembre 2014, 380 pages, 19 € . Ecrivain(s): Viktor Pelevine Edition: Alma Editeur

 

Qu’arrive-t-il à un homme quand il soumet sa vie et son destin tout entier au pouvoir d’un nombre ? C’est ce que fait Stopia, alias Pikachu pour les intimes, antihéros de ce roman amoral qui est avant tout une impitoyable satyre d’une ex-URSS décadente et libérale, qui n’a cependant pas lâché les bonnes vieilles méthodes de l’époque KGB.

« Je me demande bien Tchoubaïka, pourquoi on traite la bourgeoisie libérale de libérale. Elle est porteuse d’une idéologie totalitaire extrême. Si on l’y regarde de près, tout son libéralisme se réduit à la permission donnée aux travailleurs de s’enculer à volonté pendant leurs heures de repos » et Tchoubaïka répondait : « Excusez-moi Zouzia, mais c’est un grand pas en avant si on compare avec le régime qui percevait même cette activité comme sa prérogative ».

Ainsi, après quelques tâtonnements, c’est au numéro 34 que Stopia va confier la totalité de sa vie, de ses choix, décisions et orientations, privés ou professionnels, et le 43 deviendra donc par conséquent l’anti-nombre, le nombre d’entre tous dont il faudra le plus se méfier.

La Patagonie, Perrine Le Querrec

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 25 Novembre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Carnets du dessert de lune

La Patagonie, préface de Jean-Marc Flahaut, novembre 2014, 103 pages, 13 € . Ecrivain(s): Perrine Le Querrec Edition: Carnets du dessert de lune

 

Lire Perrine Le Querrec c’est prendre un risque, prendre le risque de se faire engloutir. Les mots ici deviennent matière, tantôt gluante, paralysante, tantôt rêche, étrangleuse, tantôt lourde, étouffante, tantôt acérée, tranchante, de la matière sombre, grouillante et tremblante, puis soudain ils ont des ailes et tentent de s’échapper vers la lumière. Vers la Patagonie.

Ou bien ils s’écrasent. La pâte-agonie.

Il y est question d’enfance, de violence, de peur et de désespoir ravalés, d’extrême solitude. « Son enfance sent toujours le carnage ». Quelque chose qui ne se voit pas de l’extérieur, quelque chose que l’on peut trimballer en soi toute une vie, qui nous dévore de l’intérieur et personne ne s’en aperçoit. Personne ne s’en est jamais aperçu. Alors les mots tentent de donner consistance à cette grande béance, de faire apparaître l’indicible, l’invisible, tentative qui elle-même écartèle : faire à la fois apparaître et disparaître à jamais. Fuir. « Il ne faut pas fermer la porte mais la claquer derrière soi et partir pour toujours ».

Grains de fables de mon sablier, Jean-François Mathé

Ecrit par Cathy Garcia , le Samedi, 22 Novembre 2014. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Jeunesse, Carnets du dessert de lune

Grains de fables de mon sablier, illustrations de Charlotte Berghman, novembre 2014, 78 pages, 10 € . Ecrivain(s): Jean-François Mathé et Charlotte Berghman Edition: Carnets du dessert de lune

 

Petit format à glisser dans la poche, beau papier, belles illustrations colorées et de la poésie tout plein, pour les enfants jusqu’à 103 ans.

En poésie, on voyagera, Nos rêves sont les seuls voiliers/Que le tour du monde désire, on voguera sur le Nil, même si c’est sur un lit, /Moitié face, moitié profil, /Bloqué par un torticolis. On appréciera le petit déjeuner servi par l’hôtesse de l’air Un croissant de lune/Dans un bol de thé. /Et si l’on est sage, /Avec notre thé/ On aura du lait, / mais juste un nuage.

On ne manquera pas de comprendre l’étonnement du chien à qui on ne donne jamais sa langue et qui ne voudra pas avoir pour copain le rouge-gorge qui n’aide à rien, il fait le beau/ Et quand je l’ignore, il babille.

Ces grains de fables s’écoulent au fil des pages, tantôt moelleux, tantôt croquants, souvent drôles et portés par des courants d’air de joyeuse impertinence, car le vent ne renonce pas à enseigner la liberté/À tout ce que l’on tient en cage, mais également mêlés de quelques pointes de cruauté, quand par exemple sous la dent, le grain cachait un petit ami : trop tard on l’a avalé !