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La formation du système soviétique, Moshe Lewin

Ecrit par Victoire NGuyen , le Jeudi, 03 Octobre 2013. , dans USA, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Gallimard

La formation du système politique, traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat, avril 2013, 524 p. 17,50 € . Ecrivain(s): Moshe Lewin

Comprendre le stalinisme


Il n’est pas aisé pour un lecteur de lire cet ouvrage d’un trait comme s’il lisait un roman. Il faut prendre du temps pour comprendre la complexité et les ramifications de la pensée de Moshe Lewin. Il est nécessaire pour cela de lire sans précipitation et entre les lignes pour apprivoiser les mots et les arguments en faveur d’une nouvelle école critique de la pensée politique russe.

En effet, dès l’introduction le ton est donné : « (…) l’étude de la société russe de ce siècle est encore un domaine sous-développé, voire à peine développé – fait qu’ignorent ou se refusent parfois à admettre certains spécialistes d’autres aspects des études russes (…). J’insiste sur ce point, parce qu’il est évident que l’on se trompe du tout au tout en affectant de croire qu’il n’y a rien à attendre de ce type d’étude. Le système social soviétique et son régime politique sont loin d’être assez bien connus et compris. Il ne manque pas de jugements à la légère, mais les erreurs fourmillent, et beaucoup trop d’appréciations demeurent artificielles, au regard des exigences scientifiques certes, mais aussi pour les besoins de la vie politique et le bien-être de notre petite planète ».

De bons voisins, Ryan David Jahn (2ème critique)

Ecrit par Victoire NGuyen , le Mardi, 01 Octobre 2013. , dans USA, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Roman, Babel (Actes Sud)

De bons voisins, traduit de l’américain par Simon Baril, mai 2013, 270 pages, 7,70 € . Ecrivain(s): Ryan David Jahn Edition: Babel (Actes Sud)

 

Les oiseaux de nuit


Le tableau d’Edward Hopper peint en 1942 et intitulé Oiseaux de nuit suggère par sa thématique la vie des personnages de ce roman. Comme les hôtes esseulés du bar aquarium de Hopper, les protagonistes de De bons voisins évoluent dans un univers de désillusion, de solitude et de vide existentiel. Si les clients de Hopper s’attardent dans cet espace saloon, l’air hagard dans la lumière artificielle des néons, pendant qu’à l’extérieur les ténèbres écrasent le monde d’un sommeil sans rêve, nos personnages sont eux aussi des noctambules.

Le roman se concentre sur un laps de temps très court. L’action se déroule entre quatre heures et six heures du matin. C’est le temps de l’agression de Kat. C’est aussi au cours de cette nuit que les différents personnages se décident à prendre ou non leur destin en main.

Tu n’as jamais été vraiment là, Jonathan Ames

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 24 Septembre 2013. , dans USA, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Joelle Losfeld

Tu n’as jamais été vraiment là, (you were never really here) 29 août 2013. Trad (USA) Jean-Paul Gratias. 98 p. 12,90 € . Ecrivain(s): Jonathan Ames Edition: Joelle Losfeld

 

Ce petit opus est un concentré de roman noir. La violence – celle du héros par exemple - est totale et fascinante -, l’amertume, l’immoralité, le vice, et, flottant au-dessus de ce monde glauque, un air permanent de nostalgie. La littérature noire traîne toujours cet air-là, comme une aspiration constante à la rédemption, comme le regret d’une pureté perdue, impossible. La mémoire comme dernier refuge d’un bonheur évanoui.

« C’était la fin octobre, et il flottait dans l’air un parfum douceâtre, comme celui d’une fleur qui vient de mourir. Il pensa à une époque où il était heureux. Cela remontait à plus de vingt ans. »

Puis Joe repéra un taxi vert. Il aimait bien les taxis de Cincinnati. Les voitures étaient vieilles, les chauffeurs étaient noirs. Cela lui rappelait le passé. »

Joe est tanné par la vie, la guerre, le crime qu’il a combattu au FBI naguère. La douleur lui sert de deuxième peau, il a tout vu. Mais il reste un homme avec, en dépit des apparences, des lignes qu’on ne peut pas franchir sans le mettre en colère. Et quand Joe est en colère …

Courir sur la faille, Naomi Benaron

Ecrit par Martine L. Petauton , le Lundi, 23 Septembre 2013. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, 10/18

Courir sur la faille, traduit de l’anglais (USA) par Pascale Haas, août 2013, 476 pages, 19,90 € . Ecrivain(s): Naomi Benaron Edition: 10/18

 

 

Métaphore du titre. Courir, donc survivre, ou bien, fuir ; sur la faille, la béance ouvrant sur l’enfer du Rwanda face à son génocide. 1994, date arrêtée, pour l’Afrique et le monde, à la page définitivement noire-suie de l’indicible du genre qu’on dit, humain…

Premier roman de Naomi Benaron, scientifique, écrivain, marathonienne américaine, Courir sur la faille est un – le, peut-être – coup de poing de la rentrée. Un livre qui confisque le souffle, prend aux tripes, noue le ventre ; un livre unique qui demande à son lecteur de le lire, comme l’athlète, à grandes foulées, surveillant les pulsations du cœur, maîtrisant, s’il veut arriver au bout, le sang qui monte, les yeux qui fondent, l’intellect qui lâche… Ce livre – un des rares – qui nous fait nous relever la nuit, pour aller plus loin avec lui… mais en renâclant, limite refus ; faut-il lire encore, savoir ce que on sait déjà…

Canada, Richard Ford

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 19 Septembre 2013. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, L'Olivier (Seuil), La rentrée littéraire

Canada, traduit de l’anglais (USA) par Josée Kamoun 22 août 2013, 478 p. 22,50 € . Ecrivain(s): Richard Ford Edition: L'Olivier (Seuil)

 

Il arrive rarement de savoir – en lisant un livre pour la première fois – qu’on a dans les mains un grand roman que nos descendants liront dans des décennies (siècles ?) encore. Canada est un livre immense, porté par le souffle éternel du grand roman initiatique à l’américaine, et hanté par les ombres tutélaires de Mark Twain ou de Charles Dickens. Plus proche, l’ombre du grand Raymond Carver, dont Ford fut l’ami. On peut se demander si Ford n’écrit pas là le roman que Carver n’a jamais écrit.

Roman d’apprentissage donc pour le jeune Dell , roman d’apprentissage de la vie passant par un dédale d’épreuves majeures. Avec Ford, on le savait depuis « Une mort secrète » (1976), le chemin de la vie n’est jamais une voie de gala mais un long chemin de souffrances. Il déclarait en 2002, dans une interview à un magazine français (Télérama) : « Les Américains aiment le bonheur. Moi, j'écris la désespérance. ». Mais qu’on ne s’y trompe pas : Ford écrit le malheur avec une énergie, une vitalité, une puissance qui portent en elles l’incroyable déferlement de son écriture et la simplicité limpide des choses de la vie.