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Une nuit en Acadie, Kate Chopin (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 30 Juin 2021. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles, Editions des Syrtes

Une nuit en Acadie, Ed. des Syrtes, trad. américain, Marie-Claude Peugeot, 152 pages, 15 € . Ecrivain(s): Kate Chopin Edition: Editions des Syrtes

 

Comme une série de tableaux vivants, la trop rare Kate Chopin, brillant météore de la littérature créole du Sud des États-Unis, nous décline des scènes de la vie acadienne, à la manière d’un opéra ancien de Monteverdi ou Purcell. C’est un monde disparu qui prend ainsi vie sous nos yeux, disparu dans le temps, les modes de vie, les structures sociales. Disparu littérairement aussi, par cette langue anglaise parsemée largement de français, et dont la forme générale est largement inspirée du style de Flaubert ou de Maupassant. Kate Chopin a hésité entre les deux langues pour chacune de ses œuvres et a finalement opté pour l’anglais où, peut-être, elle se sentait plus à l’aise. Mais elle parlait surtout le français, comme la plupart des Acadiens de la fin du XIXème siècle.

Il ne faut pas se tromper sur le terme de Créole. Il n’a aucun rapport avec ce que nous nommons les Créoles aux Antilles aujourd’hui. Il s’agit plutôt de grands bourgeois immigrés au Sud des USA, Français pour l’essentiel, et qui vont constituer une classe sociale et un mode de vie à part, élégants, cultivés, souvent prétentieux et arrivistes. Nombre d’entre eux se piquent de littérature – surtout française – et Flaubert, Balzac, Lamartine et Maupassant peuplent les rayons des bibliothèques « nobles ».

Le Sens de la merveille, Rachel Carson (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Lundi, 28 Juin 2021. , dans USA, Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Editions José Corti

Le Sens de la merveille, Rachel Carson, février 2021, trad. anglais (USA) Bertrand Fillaudeau, 176 pages, 19 € Edition: Editions José Corti

 

Beaucoup d’entre nous connaissent de Rachel Carson Printemps silencieux, un ouvrage qui décrit les dégâts causés par les pesticides, paru en 1962. Aujourd’hui, dans la collection qu’elles consacrent à la célébration du vivant sous toutes ses formes, les éditions Corti publient quelques-uns de ses textes, encore inédits en français. Ces textes sont de genres variés : articles, discours, lettres… Ils ouvrent un accès à l’œuvre et aux engagements de Carson, à sa pensée et à sa vision du monde, par le prisme de sujets divers allant des Crabes fantômes atlantiques aux papillons Monarques. Les composantes principales de cette pensée sont : la notion d’« équilibre naturel » et d’unité du monde, ou l’idée que toutes les formes de vie sont reliées entre elles dans des enchaînements et des interdépendances complexes ; la dénonciation des effets néfastes du « progrès » et des méfaits de l’homme dans sa prétention à dominer la nature et sa propension à l’exploitation sans limite des ressources naturelles, dans son « absence de discernement », sa négligence et son incapacité à respecter son environnement ; l’écologie, ou la préservation et la protection de la faune et de la flore ;

L’Iris sauvage, Louise Glück (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 21 Juin 2021. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Gallimard

L’Iris sauvage, Louise Glück, mars 2021, trad. anglais (USA), Marie Olivier, 160 pages, 17 €

 

Un prix Nobel glauquissime. Un traité de désespérance ?

Un Glück glauque, à se flinguer. Un livre du temps du Covid. Woolf revisitée.

L’Iris sauvage signe la responsabilité d’un dieu absent dans le naufrage humain. A force de plantes, dans un jardin souillé, entre aubépines et coréopsis, l’âme est bien sauvage, plaintive, inutile, sans place sans dieu, sans référent. Le jardin symbolique est poussif et la douleur là derrière la porte du vivre.

Glauque, inutile, l’âme ? Glück en est persuadée, avec sa froideur entomologique, sa désespérance de petite vieille qui scrute le ciel sans ciel, le jardin sans âme, et sa pauvre vie.

On dévide l’absurde ruban de l’existence sans existence, cloué dans un jardin, on n’ouvre pas les portes, on s’inhume avant que de naître.

Watertown, Frank Sinatra, Reprise, 1970 (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 19 Mai 2021. , dans USA, Les Chroniques, La Une CED

 

Et si on célébrait un sublime et bref roman américain, peu importe qu’il s’agisse d’un album de musique pop publié par Frank Sinatra ? Après tout, Bob Dylan a été nobélisé, Bruce Springsteen est l’un des meilleurs nouvellistes américains (et Nebraska son plus beau recueil, épuré et pourtant riche en histoires qui se déploient dans l’imaginaire de l’auditeur), Leonard Cohen (canadien, mais américain d’adoption) est un des plus vibrants poètes du XXe siècle, Joni Mitchell a écrit et interprété de pures merveilles d’élévation, Townes Van Zandt a écrit avec Kathleen une des plus belles tragédies amoureuses du vingtième siècle et The Cuckoo vole aile à aile avec le Corbeau de Poe – et la liste pourrait continuer, au fil des soirées passées en compagnie de disques qui sont autant d’amis.

Alors, oui, Watertown, publié en 1970, est un grand roman américain, et pourtant universel – et quiconque a ajouté « comme tout grand roman américain » a raison, mais peut retrancher le « américain », tant qu’à faire.

Méridien de sang, Cormac McCarthy (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 18 Mai 2021. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Points

Méridien de sang (Blood Meridian, or the Evening Redness in the West, 1985), Cormac McCarthy, Points, 2016, trad. américain, François Hirsch, 463 pages, 8,20 € . Ecrivain(s): Cormac McCarthy Edition: Points

 

Le gamin – nous ne saurons jamais son nom – nous mène dans une traversée hallucinée de quelque chose qui ressemble à s’y méprendre au cœur de l’Enfer. C’est la structure même du roman. Un déroulé d’épisodes, de scènes, de rencontres qui est la marque de McCarthy, cet amoureux des phrases coordonnées, scandées par les et … et … et. Cette scansion donne à tout le roman une musique de litanie funèbre, de thrène cent fois répétée, couvrant ainsi tout le récit de la résonance du théâtre antique. L’ostinato du récit qui se tient entre le Texas et le Mexique – évoque aussi, puissamment, le célèbre et sinistre Deguello mexicain, air de trompette déchirant et infiniment répétitif, joué à l’occasion des grands massacres guerriers (on l’entend, entre autres, dans le fameux Alamo de John Wayne), ceux où on annonce qu’il n’y aura place pour aucune pitié. Et, pendant que nous évoquons le cinéma, il est impossible de ne pas parler des films de Sam Peckinpah qui semblent planer sur chaque scène du roman. Des moments surgissent, tout droit sortis de La Horde Sauvage. Car Méridien de sang est un roman très visuel, les couleurs y jouent un rôle essentiel, à commencer par son titre bien sûr.