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Une dame perdue, Willa Cather (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 22 Septembre 2021. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Rivages poche

Une dame perdue (A Lost Lady, 1923), trad. américain, Marc Chenetier, 190 pages, 7,20 € . Ecrivain(s): Willa Cather Edition: Rivages poche

 

Willa Cather est une incomparable portraitiste de femmes. Nous l’avions pointé déjà à propos de Mon ennemie mortelle (My Mortal Enemy, 1927), où le personnage de Myra Driscoll éclaboussait le lecteur de sa beauté, de son intelligence et de sa séduction. C’est une autre dame splendide qui est le personnage central de ce roman, Marian Forrester. Elle règne sur la propriété familiale, quelque part à l’Ouest, sur la ligne de chemin de fer Burlington qui ouvre le chemin des Nouvelles Frontières. Sa beauté parfaite, son élégance vestimentaire et morale, sa générosité et son attention envers les autres, en font une femme d’exception. Le bon capitaine Forrester, son vieil époux – ils ont 25 ans d’écart – débonnaire et au grand cœur, la rend parfaitement heureuse.

Une ombre cependant : ils n’ont pas eu d’enfant mais Marian sait attirer autour d’elle ceux du village, des gamins pauvres pour la plupart et éblouis par leur bonne « déesse », qui s’intéresse à eux, les invite à jouer sur ses terres et au bord de son étang, leur offre des goûters délicieux.

King Zeno, Nathaniel Rich (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 15 Septembre 2021. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Seuil

King Zeno (King Zeno, 2018), Nathaniel Rich, Seuil Cadre Noir, septembre 2021, trad. américain, Camille de Chevigny, 427 pages, 21,90 € Edition: Seuil

 

La Nouvelle-Orléans meurtrie, bouillonnante, est la seule véritable héroïne de ce roman taillé comme une passionnante monographie noire. La période racontée, à peu près 1918-1920, fait se croiser l’Histoire réelle et les histoires fictionnelles (vraiment ?) comme la trame d’une narration serrée, prenante, souvent vertigineuse. Les traumatismes de la grande guerre – les cauchemars peuplés de tranchées et de corps déchiquetés, les désordres mentaux – la Ville qui naît au modernisme dans une agitation mafieuse grandissante (le Grand Canal du Mississippi au Lac Pontchartrain est en construction), la Grippe Espagnole qui frappe la ville de ses vagues meurtrières et le Jazz (Jass) à sa naissance aux sons des cornets et des pianos des gamins Louis Armstrong, Drag Nasty et Funky Butt.

Nathaniel Rich dynamite toute notion pré-acquise de « roman noir » et propose une ode à la modernité, ses grandeurs et ses ravages. Dans une langue rugueuse et syncopée – scandée par les sons – il invente une véritable mélopée sombre qui porte les drames d’une ville et d’une époque.

Le Cercueil de Job, Lance Weller (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 01 Septembre 2021. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallmeister

Le Cercueil de Job (Job’s Coffin, 2021), septembre 2021, trad américain, François Happe, 465 pages, 25 € . Ecrivain(s): Lance Weller Edition: Gallmeister

 

Lance Weller place son roman sous les ombres tutélaires de Cormac McCarthy et de Shelby Foote. Sa maîtrise stylistique, son sens prodigieux de la structure romanesque, lui permettent cette audace qu’il assume et transcende. Le Cercueil de Job est une traversée sous le ciel du Sud alors que grondent les canons meurtriers de la Guerre Civile, sous les étoiles d’un ciel sans Dieu ou d’un Dieu indifférent au malheur des hommes, jetés dans l’enfer de la folie guerrière ou de la folie raciale et dont la solitude ne se brise que quand une balle vient leur traverser le corps, pour les enlever à ce monde de terreur, ou les en extraire, brisés, abîmés pour toujours. On entend dans l’écriture de Lance Weller le chant désolé de La Route, de Méridien de sang, de Shiloh ; mais on entend surtout la scansion particulière de l’écriture de Lance, qui tourne autour d’une scène, en extrait tout le champ de vision, capte la douleur des personnages et nous l’envoie comme autant de blessures dans nos consciences d’hommes – étrange espèce de ceux qui sont capables de ça. De haïr, de pendre, de brûler vifs, de castrer, de violer, d’exclure des hommes et des femmes de la condition d’humains.

Poèmes chamaniques, Howard McCord (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Jeudi, 08 Juillet 2021. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Poèmes chamaniques, Éditions La Part Commune, Édition établie et présentée par Cécile A. Holdban et Thierry Gillyboeuf, juin 2021, 224 pages, 15 € . Ecrivain(s): Howard McCord

« Les chiens aboient de peur

Devant le tonnerre et gémissent

Pour entrer.

C’est énorme dans leurs oreilles

Et ils ne savent pas

Ce qu’il mange ou tue.

Mais ça pourrait être des chiens » (p.184)

À bientôt 90 ans, le visage malicieux de Howard McCord hésite entre Habermas et Gregory Peck. Grand marcheur (mais pas devant l’éternel !), il avance partout où l’illusion veut bien reculer, ou même simplement n’a pas sa place. Et le vide qu’il aime se moque des mirages. Dans le désert, dit-il, où rien ne se propose de parasiter l’attention, un esprit saisit très vite que tout ce qui est distraction en lui prendra fin, et lui-même le premier, s’il n’est fait que d’elle. Une règle simple, alors : accepter, comme ils sont, tous les réveils !

Zamour et autres nouvelles, William Goyen (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 06 Juillet 2021. , dans USA, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles, Actes Sud

Zamour et autres nouvelles, William Goyen, Actes Sud . Ecrivain(s): William Goyen

 

Parmi les grands écrivains du XXème siècle sudiste, William Goyen est assurément celui dont l’écriture constitue un sommet poétique. La Maison d’Haleine – probablement son chef-d’œuvre – nous avait montré la puissance de son style, son incroyable capacité à élever la narration romanesque à des hauteurs rarement atteintes. La Maison d’Haleine est un immense poème autant qu’un roman. Un chant douloureux et élégiaque à la solitude, à l’amour blessé, à la misère, au Sud enfin, dans ses incurables blessures. Ici, dans ce précieux collier de onze nouvelles, la maîtrise stylistique semble à un aboutissement indépassable. On y entend le flot et la force de Thomas Wolfe avec – comme une matière à l’œuvre – la rumeur poétique inimitable de Goyen. On y retrouve – comme dans une irrigation permanente – la foi chrétienne de Goyen, celle qui jamais ne l’a quitté, de l’enfance jusqu’à Arcadio et Une vie de Jésus, une foi qui s’entend dans la musique biblique des phrases, dans les portraits des personnages, dans les nœuds et dénouements de ces nouvelles.