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Roman

Rivière fantôme, Dominique Botha

Ecrit par Stéphane Bret , le Lundi, 16 Mai 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Afrique, Actes Sud

Rivière fantôme, traduit de l'Afrikaans par Georges Lory avril 2016, 292 pages, 22 € . Ecrivain(s): Dominique Botha Edition: Actes Sud

 

Le roman de Dominique Botha, écrit à la première personne, comporte deux personnages principaux : elle-même, et son frère Paul Botha, un jeune homme désireux d’échapper aux contraintes familiales, qui se sent très tôt rebelle et rétif à toute forme de discipline. Dominique, pour sa part, est plongée dans les affres de la condition féminine et tente de devenir une jeune fille bien éduquée, et à plus long terme une bonne épouse, si l’occasion se présente.

Nous sommes en Afrique du Sud, dans l’Etat libre d’Orange, à la veille de changements importants pour ce pays que le récit de Dominique Botha nous laisse entrevoir. Tout serait d’une présentation on ne peut plus classique et attendue, à cette différence près que leurs parents, Andries Botha et son épouse, militent pour l’égalité entre les Noirs et les Blancs. Ils tentent, à leur échelle, d’instiller de nouveaux rapports entre les diverses ethnies, se rendent dans les magasins tenus par des Noirs ou des Indiens. Dans sa ferme, qu’il dirige d’une main de Maître, Andries Botha respecte ses employés, qu’il se garde de nommer par les termes en vigueur ; il pratique par avance une abolition de l’Apartheid. Pourtant, l’éducation qu’il dispense à ses enfants reste conservatrice, très traditionnelle. Et cela Paul Botha ne le supporte plus, au point de se faire renvoyer de l’université où il a été admis, et de déserter de l’armée, rejointe récemment suite à son renvoi universitaire.

Trois jours et une vie, Pierre Lemaître

Ecrit par Sana Guessous , le Lundi, 16 Mai 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Albin Michel

Trois jours et une vie, mars 2016, 288 pages, 19,80 € . Ecrivain(s): Pierre Lemaitre Edition: Albin Michel

 

Quand ça part en vrille

 

Avant la couverture pleine de feuillages et de mystères, c’est un très élogieux portrait paru dans le Magazine littéraire qui m’a donné envie de découvrir Pierre Lemaître. J’ai donc lu son dernier roman, Trois jours et une vie, et je suis un peu déçue.

Pas au point de le jeter rageusement contre un mur ou de le déchiqueter à pleines dents, car c’est tout de même un solide page-turner qui colle aux mains, s’agrippe aux vêtements et te pourchasse jusque dans les toilettes si tu n’y prends garde. J’ai même dû me réveiller à deux heures du matin pour faire taire ce compagnon impérieux et intrusif qui, entre deux rêves, me sommait de l’achever, ce qui fut fait en moins de vingt-quatre heures. Ouf.

C’est peut-être ça qui me laisse sur ma faim. Je m’attendais à une lecture ample, à une randonnée, à m’user les muscles et à me délasser les yeux, à arpenter longuement les âmes et les forêts, et je me retrouve à presser le pas pour connaître fissa le dénouement de l’intrigue et enfin passer à autre chose.

Le retour, Marcelin Pleynet

Ecrit par Philippe Chauché , le Samedi, 14 Mai 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Le retour, avril 2016, 104 pages, 12 € . Ecrivain(s): Marcelin Pleynet Edition: Gallimard

 

« Là où c’était, je suis revenu…

C’est un miracle de se retrouver à nouveau sur ces rives de l’Adriatique…

Les dieux de toute évidence sont avec moi… »

Le retour est le roman de la résurrection, de la visitation, de cet absolu silencieux et secret qui se partage dans la rigueur de l’écriture. Marcelin Pleynet écrit là un livre apaisé et joyeux, comme la musique qu’il ne cesse d’écouter dans sa librairie qui s’ouvre sur le canal musical de Venise. Les dieux sont là, silencieux et protecteurs. L’écrivain à flirté avec la mort, échappé au pire, mais il s’est relevé et a retrouvé sa mémoire en miettes, il en a fait un roman au titre bien venu, Le savoir-vivre. Le retour est un roman de l’après, serein, détaché des contraintes – ces aventures plus ou moins familiales et contraignantes – même si elles ne manquent pas de s’inviter : un fils – Je le regarde s’éloigner, trop grand… sa démarche est vive, souple, naturelle… –, un frère, une nièce – Un port de tête d’une réelle noblesse, ce qui n’est pas commun chez les jeunes filles de son âge… –, une perturbation météorologique dont le narrateur va se défaire pour vivre dans la plus grande et plus heureuse solitude.

Le carnaval des innocents, Evelio Rosero

Ecrit par Marc Ossorguine , le Samedi, 14 Mai 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Métailié

Le carnaval des innocents (La carroza de Bolivar), janvier 2016, trad. espagnol (Colombie) François Gaudry, 303 pages, 21 € . Ecrivain(s): Evelio Rosero Edition: Métailié

 

Le Carnaval des innocents nous plonge dans la Colombie de la fin des années 60, à la veille du Carnaval des noirs et des blancs (Le « Carnaval de Negros y Blancos » qui figure depuis 2009 au patrimoine immatériel mondial de l’Unesco), dans la ville de Pasto, au pied du volcan Galeras, précisément dans les premiers jours de l’année 1966. Le Dr Justo Pastor Proceso, dont les infidélités de l’épouse, la belle Primavera, sont largement connues, voit enfin l’occasion de dire aux yeux de ses concitoyens tout le mal qu’il pense du « libérateur » Simon Bolivar. C’est que la ville de Pasto a été le théâtre d’un des épisodes les plus violents et radicaux de la guerre d’indépendance, un des points forts aussi de la mythologie bolivarienne. Une mythologie qui n’est, pour le docteur et quelques-uns de ses amis, qu’une forfaiture et une imposture. Tout cela, le docteur entend le montrer aux yeux du peuple au travers d’un grand char de Carnaval dans lequel il est prêt à engloutir une très large part de sa relative richesse. Cela n’est pas sans risque en ces années où les FARC font leurs premières armes alors que le pays sort à peine de la période que l’on nommera plus tard la Violencia.

Descendre la rivière, Peter Cunningham

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 12 Mai 2016. , dans Roman, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Joelle Losfeld

Descendre la rivière (The Trout), traduit de l’anglais (Irlande) par Christophe Mercier, mars 2016, 190 p. 18,50 € . Ecrivain(s): Peter Cunningham Edition: Joelle Losfeld

 

Une plongée dans la mémoire, un voyage âpre dans les replis ombreux d’une vie, d’une famille, avec des trébuchements terribles qui laissent des traces indélébiles. C’est ce que nous propose Peter Cunningham dans ce superbe roman, écrit avec l’apaisement nécessaire à cette équipée mnésique.

Le narrateur, devenu écrivain installé au Canada avec sa femme, entre en vieillesse. Son passé le hante et il prend son baluchon pour aller à son devant, en Irlande, terre de sa naissance et de ses ancêtres. Un personnage, un événement en particulier, l’obsèdent, réveillés par la présence autour du couple depuis quelque temps d’un homme qui, à force d’insistance lourde, finit par l’inquiéter, par le questionner sur l’identité de cet importun. Et par ricochet sur son identité profonde.

Sur les traces de son père – le Docteur – Alex retrouve les lieux de son enfance et les gens aussi, ceux qui vivent encore. La figure des amis d’autrefois le hante. Celle de son père aussi, qui vit son dernier temps en institution. Figures blessées, abîmées par la luxure d’un prêtre ou par sa propre trahison.