La Destruction du Parthénon, Christos Chryssopoulos
La Destruction du Parthénon, Christos Chryssopoulos, trad. grec Anne-Laure Brisac (O βομβιστής τον Παρθενώνα, 2010), 96 pages, 5,80 €
Ecrivain(s): Christos Chryssopoulos Edition: Babel (Actes Sud)
Difficile d’imaginer une image qui colle plus à Athènes que celle de l’Acropole et du Parthénon. Même mangé par la pollution et l’urbanisme depuis des décennies, le monument reste l’emblème de la Grèce, ignorant du cours de l’histoire, il semble avoir figé une fois pour toutes la Grèce dans son antiquité en dépit des nationalismes, des guerres, de la dictature des colonels, comme des crises socio-économiques endémiques. On peut aisément concevoir qu’un tel monument puisse aussi être une charge et un poids qui pèse de toute son histoire sur les épaules des grecs, alors qu’il ne leur appartient plus vraiment. Rien de vraiment surprenant alors que lors de la période trouble de la deuxième guerre mondiale finissante, alors que vacille la dictature en place et que s’annonce une guerre civile, des voix se fassent entendre appelant à faire table rase du passé, et à commencer par mettre à bas le Parthénon. Cet appel fut lancé en 1944, par un certain Yorgos Makris, alors âgé d’une vingtaine d’années. Un appel entendu quelques décennies plus tard par Ch. K. qui décide de passer à l’acte.
En ce matin du XXIe siècle, les athéniens se réveillent en découvrant l’inimaginable accompli : le monument mondialement admiré, le bijou du tourisme grec, méthodiquement détruit. Miné comme un vieil immeuble insalubre, inutile et dangereux. Comment cela a-t-il pu se produire ? Comment réagir à un tel acte, à cette situation qui dépasse nos imaginations, nos cauchemars ou nos rêves ? L’auteur se livre alors à une enquête qui n’en est pas une. Plutôt collecte qu’enquête : témoignage d’un gardien, monologue hypothétique de l’auteur des faits, micro-trottoir brut auprès du voisinage, des amis, textes d’archives… autant de sources différentes qui s’inscrivent dans des formes différentes : récit, rapport de police, lettre ou monologue de théâtre.
Derrière cela il y a, nous le savons, un pays qui vit une crise profonde et dont l’intouchable richesse culturelle, historique et archéologique n’est plus d’aucun secours. Usé par le tourisme plus que par les siècles, rongé par les pollutions industrielles, les monuments de l’acropole font depuis des décennies la preuve de leur vulnérabilité. Une vulnérabilité aussi connue qu’ignorée, belle illustration des simulacres du spectacle qu’un autre penseur radical dénonçait dans les années soixante (Guy Debord et sa Société du spectacle). C’est dire qu’entre ironie, réalisme documentaire et mensonge littéraire, Christos Chryssopoulos nous invite aussi à penser et repenser les impasses dans lesquelles nous enfermons l’autre et nous enfermons nous-mêmes.
Marc Ossorguine
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